Gilles Le Gendre |
Le
président du groupe LREM à l’Assemblée nationale, l’ancien journaliste Gilles
Le Gendre est venu au macronisme par le biais d’une sensibilité politique
centriste (quand d’autres sont venus de la gauche, de la droite ou d’un
positionnement plus populiste).
Dans
un entretien au Figaro, c’est donc tout naturellement qu’il affirme que les
réformes doivent continuer même s’il faut sans doute «mieux les expliquer», «les
transformer en objets politiques appropriables par nos concitoyens dans leur
vie politique», afin de «transformer» la France, tâche qui, selon lui, a déjà
commencé.
Il estime en outre qu’il faudra trouver un moyen de
transformer le pays «non seulement pour les Français, mais aussi avec eux».
Extraits
de l’interview
Des voix s'élèvent
dans la majorité contre le pouvoir «technocratique». Partagez-vous ces
critiques?
Il faut tout faire pour mieux expliquer nos réformes, qui
ont une grande part de technicité. Il faut les transformer en objets politiques
appropriables par nos concitoyens dans leur vie quotidienne. Nous devons faire
davantage de politique. C'est notre responsabilité, puisque c'est nous qui
sommes au pouvoir, et c'est nous qui dirigeons l'administration. Cela ne sert
donc à rien d'opposer le pouvoir politique et l'administration. Si la critique
derrière tout cela consiste à dire que nous n'avons pas assez fait pour
convaincre les Français, alors c'est à nous, politiques, de mieux faire.
C'est quoi, faire
davantage de politique?
C'est d'abord assumer le fait que nous transformons le pays
non seulement pour les Français, mais aussi avec eux. C'est une révolution dans
un pays marqué par des institutions très verticales. Mais cette aspiration des
citoyens à être associés aux décisions qui les concernent est un mouvement
irrésistible. Il faut être plus précis sur la vision, les enjeux, les
objectifs. Nous avons commencé à transformer la France, en ouvrant un nombre de
chantiers sans précédent, mais nous devons mieux entraîner tous les Français
dans ces transformations. C'est tout l'objectif du débat ouvert par le
président.
Des députés expriment
le souhait d'être davantage considérés et associés aux décisions. Que leur
répondez-vous?
Nous sommes tous d'accord, au sein de notre groupe, pour
faire évoluer nos pratiques. Nous avons déjà progressé: il y a plus de débats
dans nos réunions de groupe, particulièrement ces dernières semaines. Nous
avons aussi instauré des temps d'échanges longs sur les projets de loi, un
conseil politique mensuel où nous débattons des positions du groupe. Mais
beaucoup de nos frustrations tiennent à la façon dont s'effectue le travail
parlementaire. Les délais dans lesquels nous travaillons sont ahurissants et ne
permettent pas l'approfondissement. Cela donne l'impression aux députés qu'ils
n'ont pas une vraie influence sur les textes, ce qui se traduit par pléthore
d'amendements, pas toujours utiles. Il faut pouvoir inverser les choses,
construire des positions communes et assumer, le cas échéant, un rapport
politique exigeant avec le gouvernement.
Allez-vous revoir
votre pratique de la politique?
La crise des «gilets jaunes» a été un accélérateur de notre
réflexion à ce sujet. Il y aura un avant et un après dans les rapports entre le
groupe majoritaire et l'exécutif. Nous devons mieux collaborer. Cela doit venir
de l'exécutif dans une confiance plus grande, par exemple en cessant de déposer
des amendements au dernier moment. Les députés doivent aussi se saisir des lois
qui ont été votées, en mettant la pression sur l'application de la loi sur le
terrain. On peut changer les choses très vite, sans attendre une réforme du
règlement de l'Assemblée. Nous devons aussi privilégier les amendements du
groupe sur les amendements individuels ainsi que les propositions de loi qui
soient des constructions vraiment collectives. Le règlement du groupe devra
évoluer en ce sens. La question est aussi posée d'autoriser les amendements qui
proviennent du MoDem, notre allié.
En déclarant que vous
aviez été «trop intelligents, trop subtils, trop techniques», avez-vous péché
par arrogance?
C'est une maladresse qui prouve que ce jour-là je n'ai
vraiment pas fait preuve de subtilité. J'aurais dû dire que nous n'avions pas
été assez intelligibles. Cette phrase a été instrumentalisée comme de
l'arrogance et cela m'affecte, précisément parce qu'il n'y a rien qui me soit
plus étranger que le mépris social et l'arrogance.
Est-il encore
possible de réformer?
Non seulement la crise ne disqualifie pas notre programme,
mais elle démontre à quel point il est nécessaire. Il faut poursuivre la
réforme de manière ardente, mais différemment, en étant plus clair sur les
enjeux. Pour refermer cette parenthèse, il faut reprendre le travail de
transformation, sans relâche.