Jean-Christophe Lagarde |
Le
courage en politique, ce n’est pas de hurler avec les loups mais de dire ce que
l’on est et ce que l’on pense et de demeurer fidèle à ses convictions.
Au
moment où Jean-Christophe Lagarde choisit de radicaliser son discours anti-Macron
jusqu’à devenir un de ses principaux contempteurs en espérant profiter du
mouvement des Gilets jaunes pour obtenir des tribunes dans l’ensemble des
médias, la chaîne LCP repassait un entretien de 1977 entre Anne Sinclair et
Pierre Mendès-France dans lequel ce dernier, avec une grande dignité, rappelait
l’importance des convictions et de les porter, non pas au grès de la brise de l’opportunisme
comme une vulgaire girouette, mais fermement quels que soient les bourrasques
des vents mauvais.
Bien
entendu, Lagarde n’est pas Mendès-France et il ne sera jamais mais on aurait
attendu un autre comportement d’un centriste.
Car,
quand il a annoncé, comme prévu devant ses maigres troupes présentes, que le
parti qu’il dirige, l’UDI, aurait sa propre liste aux prochaines élections
européennes lors du «congrès extraordinaire» du 15 décembre à Issy-les-Moulineaux,
il s’en est pris avec une rare violence à Emmanuel Macron et à sa politique,
reprenant tous les clichés contre celui-ci, tel le «président des riches».
On
peut en rigoler, se rappelant que l’UDI, parti du «Centre et de la droite de progrès» selon sa nouvelle dénomination décidée il y a un an, n’est a priori
par l’ennemi de ces mêmes «riches», tout comme on peut le faire en entendant son
président vouloir défendre ses idées européennes dans une liste «ouverte» donc
où se retrouveront d’autres personnes (qui faut trouver!) alors même que c’est
au nom de la «pureté» d’une présence autonome aux européennes qu’il a décidé de
ne pas faire alliance avec la liste de l’axe central qui prend forme et qui
sera alliée avec la formation européenne centriste et libérale dont l’UDI est
membre!
Mais
on peut se désoler de voir resurgir les vieux démons de Lagarde qui, prit dans
une sorte d’emballement, délivre des discours avec des propos d’une agressivité
radicale qu’un leader d’un parti extrémiste ne renierait pas avec toutes les
contradictions qu’il est capable d’exprimer pour parvenir à ses fins.
Pour
autant, on doit comprendre les vraies raisons que cette liste indépendante qui
n’est même pas sûre de faire 3% (score dont elle est créditée dans les sondages
actuels qui correspond grosso modo au pourcentage de sondés qui se disent
proches de l’UDI dans d’autres études d’opinion mais aussi au seuil de
remboursement des frais de campagne) et, surtout, 5% afin d’envoyer au moins un
député européen au Parlement européen.
Ces
raisons de subdivisent entre les raisons personnelles de Lagarde et celles du
parti.
Concernant
ce dernier, il n’a jamais réussi depuis sa création en 2012 par Jean-Louis
Borloo à être autre chose qu’un parti d’appoint, sans réelle existence autre qu’électorale
et n’a guère imprimé dans l’esprit des Français par ses prises de position et
son projet politique.
De
même, il est assez étonnant de constater que depuis sa création voici six ans,
il ne s’est jamais présenté de manière autonome à aucune élection et,
notamment, à la plus importante d’entre elle dans notre V° République, celle
qui donne une visibilité politico-médiatique sans pareille, la présidentielle.
Et,
depuis le départ de Borloo, l’UDI est une sorte de bateau ivre qui change de
ligne politique sans cesse et avec un gouvernail cassé qui le fait dériver sans
cesse, tiraillée qu’elle est par les ambitions opposées et les haines tenaces
de et entre ses leaders (on se rappelle des affrontements verbaux entre
Jean-Christophe Lagarde et Hervé Morin jusqu’au départ de ce dernier pour aller
fonder Les centristes et se rapprocher inexorablement de la droite aux relents
radicaux de Laurent Wauquiez).
Dès
lors, la formation centriste doit absolument exister dans une campagne
électorale de manière autonome si elle ne veut pas tomber définitivement dans
un anonymat mortifère qui signerait, à terme, sa disparition.
Car,
depuis 2012, elle n’a pas réussi à être autre chose qu’une sorte de cartel électoral
et pour ses députés, un lieu pour avoir un groupe à l’Assemblée nationale ce
qui permet une exposition politico-médiatique primordiale (au Sénat, les élus
UDI ne sont pas assez nombreux pour avoir un groupe et doivent s’allier avec
les autres partis centristes, les alliés de Macron…).
Depuis
les législatives de 2017, elle a perdu plusieurs députés, notamment partis
fonder le groupe Libertés et Territoires, dirigé par son ancien président de
groupe, Philippe Vigier.
Et
son positionnement illisible de «soutien critique» vis-à-vis du chef de l’Etat
et du Gouvernement (toujours cette volonté du beurre et de l’argent du beurre)
n’a pas eu les effets escomptés par ses promoteurs, Lagarde et sa garde
rapprochée.
Ainsi,
ni dans les sondages, ni dans une reconnaissance politique, cette stratégie n’a
donné le moindre résultat positif, bien au contraire.
Pour
comprendre le désarroi dans lequel se trouve l’UDI aujourd’hui il convient
seulement de rappeler que, lors du dernier remaniement ministériel, elle n’a
même pas été consultée pour faire partie du Gouvernement mais que le parti
auquel elle est alliée à l’Assemblée nationale, Agie, a vu son dirigeant,
Franck Riester devenir ministre de la Culture.
Ce
qui a permis aux dirigeants de l’UDI de se plaindre de n’être pas dans un
gouvernement qu’ils n’ont cessé de critiquer et dont ils ont voté contre son
budget pour 2019!
Etre
dedans et dehors, c’est ce que voudrait l’UDI.
Mais,
au-delà de la supercherie politique d’une telle posture, seul un grand parti
avec nombre d’élus et une base solide peut y parvenir comme le RPR de Jacques
Chirac lors du septennat de Valéry Giscard d’Estaing.
L’UDI
en est très loin…
On
comprend donc que les élections européennes, scrutin sans grand danger a priori
pour l’image, la cohésion et le devenir d’une formation politique, ait été
choisie par ses dirigeants et surtout son président pour y aller seule.
Une
sorte de courage politique ad minima!
Pour
ce qui est de Jean-Christophe Lagarde, dont la grande ambition toujours
contrariée jusqu’à présent, il s’agit de s’imposer coûte que coûte sur la scène
nationale au-delà du second couteau qu’il est actuellement, invité sur les
plateaux de télévision par défaut ou quand il a vraiment un discours d’agressivité
absolue contre l’exécutif.
D’autant
plus qu’il ne parvient toujours pas à acquérir cette stature nationale qu’il recherche
désespérément parce que, entre autres, ses comportements et ses propos sont
trop incohérents et contradictoires.
Il
aurait pu tenter de le faire lors de la présidentielle de 2017, mais il n’a pas
eu le courage d’aller au combat pour défendre ses idées, ayant peur de se
retrouver avec 1% des intentions de vote comme ce fut le cas d’Hervé Morin lors
de sa candidature en 2012 (qu’il retira avant le scrutin) sans même être sûr d’obtenir
les signatures d’élus pour pouvoir se présenter.
Mais
cette absence de courage était aussi un reniement de sa parole envers les
militants qui l’avaient porté au pouvoir puisque lors de sa campagne pour
devenir président du parti (face à Morin), il avait promis que l’UDI aurait un
candidat en 2017.
Un
revirement que les sympathisants de la formation centriste n’ont pas compris.
On
le voit, que ce soit l’UDI ou Lagarde, cette élection européenne doit leur
permettre d’exister et, surtout, de ne pas disparaitre à terme.
Pour
autant, il s’agit quand même d’un quitte ou double.
Si
l’UDI, dont la tête de liste sera son président, ne parvient pas aux 5% ou même
aux 3%, la claque sera grande (mais prévisible).
Comment
un parti qui aura montré sa faiblesse au grand jour et dont les frais de
campagne ne seront peut-être même pas
remboursés pourra rebondir, telle sera la question de ses membres face au vide
vertigineux qui sera alors devant eux.
A
contrario si elle parvient à ses fins avec un score de 7% ou 8%, rien ne sera
réellement gagné même si ce sera malgré tout une opportunité pour exister.
Un
dernier mot pour dire qu’une seule certitude existe concernant l’UDI, son
engagement pro-européen que l’on ne peut remettre en cause.
Mais
on peut regretter que celui-ci soit instrumentalisé dans un jeu politicien qui
ne sert, ni la cause de l’Europe, ni celle du Centre.
Alexandre
Vatimbella
Directeur
du CREC
Jean-Louis
Pommery
Directeur
des études du CREC