Affiches électorales d'Emmanuel Macron |
Lors d’une intervention télévisée d’une grande solennité, le
10 décembre, Emmanuel Macron a répondu aux attentes des Français qui
soutiennent le mouvement des gilets jaunes ou participent à ses manifestations
en décrétant «l’état d’urgence économique et sociale».
Il a parlé de «colère» juste qu’il comprenait.
Et face aux revendications, il a prôné le dialogue.
Mais face à la violence des manifestations, il a promis
l’ordre.
En outre, il a déjà annoncé plusieurs mesures comme l’augmentation
du salaire minimum ainsi que des baisses et des suppressions d’impôt.
En revanche, il a indiqué que, pour l’efficacité économique
et l’investissement financier qui créent des emplois, il ne rétablirait pas l’impôt
sur la fortune mais qu’il s’attaquerait de manière ferme à l’évasion fiscale.
Il a redit que c’est par le travail que le mérite serait
récompensé.
Quant à la réforme des institutions, elle sera mise en place
et une réforme de l’Etat sera plus juste.
Il a terminé ses propos en déclarant que «nous sommes à un
moment historique pour notre pays: par le dialogue, le respect, l’engagement,
nous réussirons».
Voici le texte du discours:
«Françaises, Français, nous voilà ensemble au rendez-vous de
notre pays et de notre avenir. Les événements de ces dernières semaines dans
l'Hexagone et outremer ont profondément troublé la Nation. Ils ont mêlé des
revendications légitimes et un enchaînement de violences inadmissibles et je
veux vous le dire d'emblée : ces violences ne bénéficieront d'aucune
indulgence.
Nous avons tous vu le jeu des opportunistes qui ont essayé
de profiter des colères sincères pour les dévoyer. Nous avons tous vu les
irresponsables politiques dont le seul projet était de bousculer la République,
cherchant le désordre et l'anarchie. Aucune colère ne justifie qu'on s'attaque
à un policier, à un gendarme, qu'on dégrade un commerce ou des bâtiments
publics. Notre liberté n'existe que parce que chacun peut exprimer ses
opinions, que d'autres peuvent ne pas les partager sans que personne n'ait à
avoir peur de ces désaccords.
Quand la violence se déchaîne, la liberté cesse. C'est donc
désormais le calme et l'ordre républicain qui doivent régner. Nous y mettrons
tous les moyens car rien ne se construira de durable tant qu'on aura des
craintes pour la paix civile. J'ai donné en ce sens au gouvernement les
instructions les plus rigoureuses.
Mais au début de tout cela, je n'oublie pas qu'il y a une
colère, une indignation et cette indignation, beaucoup d'entre nous, beaucoup
de Français peuvent la partager et celle-là, je ne veux pas la réduire aux
comportements inacceptables que je viens de dénoncer.
Ce fut d'abord la colère contre une taxe et le Premier
ministre a apporté une réponse en annulant et en supprimant toutes les
augmentations prévues pour le début d'année prochaine mais cette colère est
plus profonde, je la ressens comme juste à bien des égards. Elle peut être
notre chance.
C'est celle du couple de salariés qui ne finit pas le mois
et se lève chaque jour tôt et revient tard pour aller travailler loin.
C’est celle de la mère de famille célibataire, veuve ou
divorcée, qui ne vit même plus, qui n'a pas les moyens de faire garder les
enfants et d'améliorer ses fins de mois et n'a plus d'espoir. Je les ai vues,
ces femmes de courage pour la première fois disant cette détresse sur tant de
ronds-points !
C’est celle des retraités modestes qui ont contribué toute
leur vie et souvent aident à la fois parents et enfants et ne s'en sortent pas.
C’est celle des plus fragiles, des personnes en situation de
handicap dont la place dans la société n'est pas encore assez reconnue. Leur
détresse ne date pas d'hier mais nous avions fini lâchement par nous y habituer
et au fond, tout se passait comme s'ils étaient oubliés, effacés.
Ce sont quarante années de malaise qui ressurgissent :
malaise des travailleurs qui ne s'y retrouvent plus ; malaise des territoires,
villages comme quartiers où on voit les services publics se réduire et le cadre
de vie disparaître ; malaise démocratique où se développe le sentiment de ne
pas être entendu ; malaise face aux changements de notre société, à une laïcité
bousculée et devant des modes de vie qui créent des barrières, de la distance.
Cela vient de très loin mais c'est là maintenant.
Sans doute n'avons-nous pas su depuis un an et demi y
apporter une réponse suffisamment rapide et forte. Je prends ma part de cette
responsabilité. Il a pu m'arriver de vous donner le sentiment que ce n'était
pas mon souci, que j'avais d'autres priorités. Je sais aussi qu'il m'est arrivé
de blesser certains d'entre vous par mes propos. Je veux ce soir être très
clair avec vous. Si je me suis battu pour bousculer le système politique en
place, les habitudes, les hypocrisies, c'est précisément parce que je crois
plus que tout dans notre pays et que je l'aime et ma légitimité, je ne la tire
d'aucun titre, d'aucun parti, d'aucune coterie ; je ne la tire que de vous, de
nul autre.
Nombre d'autres pays traversent ce mal vivre qui est le
nôtre mais je crois profondément que nous pouvons trouver une voie pour en
sortir tous ensemble. Je le veux pour la France parce que c'est notre vocation
au travers de l'Histoire d'ouvrir ainsi des chemins jamais explorés pour
nous-mêmes et pour le monde.
Je le veux pour nous tous Français parce qu'un peuple qui se
divise à ce point, qui ne respecte plus ses lois et l'amitié qui doit l’unir
est un peuple qui court à sa perte.
Je le veux aussi parce que c'est en pressentant cette crise
que je me suis présenté à votre suffrage pour réconcilier et entraîner et que
je n'ai pas oublié cet engagement et cette nécessité.
C’est d'abord l'état d'urgence économique et sociale que je
veux décréter aujourd'hui. Nous voulons bâtir une France du mérite, du travail,
une France où nos enfants vivront mieux que nous. Cela ne peut se faire que par
une meilleure école, des universités, de l'apprentissage et des formations qui
apprennent aux plus jeunes et aux moins jeunes ce qu'il faut pour vivre libre
et travailler.
L’investissement dans la Nation, dans l'école et la
formation est inédit et je le confirme.
Nous voulons une France où l'on peut vivre dignement de son
travail ? Sur ce point, nous sommes allés trop lentement. Je veux intervenir
vite et concrètement sur ce sujet. Je demande au gouvernement et au Parlement
de faire le nécessaire afin qu'on puisse vivre mieux de son travail dès le
début de l'année prochaine. Le salaire d'un travailleur au SMIC augmentera de 100
euros par mois dès 2019 sans qu'il en coûte un euros de plus pour l'employeur.
Je veux renouer avec une idée juste : que le surcroît de
travail accepté constitue un surcroît de revenu ; les heures
supplémentaires seront versées sans impôts ni charges dès 2019. Et je veux
qu'une vraie amélioration soit tout de suite perceptible ; c'est pourquoi je
demanderai à tous les employeurs qui le peuvent, de verser une prime de fin
d'année à leurs employés et cette prime n'aura à acquitter ni impôt ni charge.
Les retraités constituent une partie précieuse de notre
Nation. Pour ceux qui touchent moins de 2.000 euros par mois, nous annulerons
en 2019 la hausse de CSG subie cette année ; l'effort qui leur a été demandé,
était trop important et il n'était pas juste. Dès demain, le Premier ministre
présentera l'ensemble de ces décisions aux parlementaires.
Mais nous ne devons pas nous arrêter là. J'ai besoin que nos
grandes entreprises, nos concitoyens les plus fortunés, aident la Nation à
réussir ; je les réunirai et prendrai des décisions en ce sens dès cette
semaine. Je sais que certains voudraient dans ce contexte que je revienne sur
la réforme de l'impôt sur la fortune mais pendant près de 40 ans, il a existé ;
vivions-nous mieux durant cette période ? Les plus riches partaient et notre
pays s'affaiblissait. Conformément aux engagements pris devant vous, cet impôt
a été supprimé pour ceux qui investissent dans notre économie et donc aident à
créer des emplois ; et il a été maintenu au contraire pour ceux qui ont une fortune
immobilière.
Revenir en arrière nous affaiblirait alors même que nous
sommes en train de recréer des emplois dans tous les secteurs. Cependant, le
gouvernement et le Parlement devront aller plus loin pour mettre fin aux
avantages indus et aux évasions fiscales. Le dirigeant d'une entreprise
française doit payer ses impôts en France et les grandes entreprises qui y font
des profits doivent y payer l'impôt, c'est la simple justice.
Vous le voyez, nous répondrons à l'urgence économique et
sociale par des mesures fortes, par des baisses d'impôts plus rapides, par une
meilleure maîtrise des dépenses plutôt que par des reculs.
J’entends que le gouvernement poursuive l'ambition des
transformations de notre pays que le peuple a choisie il y a maintenant 18 mois
; nous avons devant nous à conduire une réforme profonde de l'Etat, de
l'indemnisation du chômage et des retraites. Elles sont indispensables. Nous
voulons des règles plus justes, plus simples, plus claires et qui récompensent
ceux qui travaillent.
Mais aujourd'hui, c'est aussi avec notre projet collectif
que nous devons renouer. Pour la France et pour l'Europe. C'est pourquoi le
débat national annoncé doit être beaucoup plus large. Pour cela, nous devons
avant toute chose, assumer tous ensemble tous nos devoirs. Le devoir de
produire pour pouvoir redistribuer, le devoir d'apprendre pour être un citoyen
libre, le devoir de changer pour tenir compte de l'urgence de notre dette
climatique et budgétaire.
Pour réussir, nous devons nous rassembler et aborder ensemble
toutes les questions essentielles à la Nation. Je veux que soient posées les
questions qui touchent à la représentation ; la possibilité de voir les
courants d'opinion mieux entendus dans leur diversité, une loi électorale plus
juste, la prise en compte du vote blanc et même que soient admis à participer
au débat des citoyens n'appartenant pas à des partis. Je veux que soit posée la
question de l'équilibre de notre fiscalité pour qu'elle permette à la fois la
justice et l'efficacité du pays. Je veux que soit posée la question de notre
quotidien pour faire face aux changements climatiques : se loger, se déplacer,
se chauffer. Et les bonnes solutions émergeront aussi du terrain.
Je veux que soit posée la question de l'organisation de
l'Etat, de la manière dont il est gouverné et administré depuis Paris, sans
doute trop centralisé depuis des décennies. Et la question du service public
dans tous nos territoires.
Je veux aussi que nous mettions d'accord la Nation avec
elle-même sur ce qu'est son identité profonde, que nous abordions la question
de l'immigration. Il nous faut l'affronter.
Ces changements de fond qui demandent une réflexion profonde
et partagée, imposent un débat sans précédent. Il devra se dérouler au niveau
national dans nos institutions, chacun y aura sa part : gouvernement,
assemblées, partenaires sociaux et associatifs ; vous y aurez votre part. Je
veux en assurer moi-même la coordination, en recevoir les avis, prendre ainsi
le pouls vivant de notre pays.
Mais un tel débat n'est pas seulement affaire de
représentants institutionnels ; il doit se dérouler aussi partout sur le
terrain et il est des interlocuteurs naturels, des citoyens qui doivent en
recevoir les demandes et s’en faire les relais : ce sont les maires ; ils
portent la République sur le terrain. C'est pourquoi je rencontrerai moi-même
les maires de France, région par région, pour bâtir le socle de notre nouveau
contrat pour la Nation.
Nous ne reprendrons pas le cours normal de nos vies, comme
trop souvent par le passé dans des crises semblables, sans que rien n'ait été
vraiment compris et sans que rien n’ait changé. Nous sommes à un moment
historique pour notre pays : par le dialogue, le respect, l’engagement, nous
réussirons.
Nous sommes à la tâche et je reviendrai m'exprimer devant
vous pour vous rendre compte.
Mon seul souci, c’est vous ; mon seul combat, c'est pour
vous.
Notre seule bataille, c'est pour la France.
Vive la République, vive la France.»