75.000 manifestants (juste un peu plus de 0,1% de la
population), quelques milliers de casseurs extrêmement violents (voyous,
militants de groupuscules extrémistes, sympathisants de Le Pen et Mélenchon),
une campagne de presse indécente contre le pouvoir en place, des politiciens
irresponsables prêts à jouer la carte du désordre pour booster leur carrière, quelques
mauvais sondages et des Français «solidaires» de revendications réclamant le
beurre et l’argent du beurre, ont fait reculer Emmanuel Macron.
Mais est-ce une capitulation de sa part ou ce que l’on vent
de décrire n’est-il pas plutôt la preuve de la faillite de la société
française?
En réalité, la situation actuelle se caractérise plutôt
comme une possible mais pas encore inéluctable défaite du pari macronien sur la
rénovation et la dynamisation d’une société française proche de la déconfiture.
A l’évidence, on est dans une trajectoire perdant-perdant.
Le Président de la république n’a jamais caché que son
programme était une réponse pour contrer la montée qui semble inexorable des
populismes et des extrémismes dans des sociétés démocratiques occidentales
bloquées pour toute une série de raisons avec, au bout de ce processus, la
décomposition de l’ordre démocratique et le déclassement économique et social.
Il n’a jamais été dupe des chiffres: ses 66% de voix au
second tour de la présidentielle venaient après un premier tour où les
candidats populistes et extrémistes, la plupart remettant en cause la
démocratie républicaine libérale, avaient obtenu 49,64% des voix.
Cependant, le seule manière de repousser les forces qui se
sont installées aux Etats-Unis, en Italie, en Autriche, en Hongrie ou en Grèce,
était de mettre en place des réformes profondes au plus vite, d’espérer
qu’elles donnent des résultats rapides et qu’elles permettent de rééquilibrer une
société largement fracturée, divisée, victime de nombreuses inégalités et
doutant d’elle-même.
Sa «révolution» «progressiste» et son «en même temps» ne
sont pas autre chose que de réconcilier les Français avec la démocratie
républicaine libérale et de faire de la France un pays prêt à affronter ce XXI°
siècle qui s’annonce très dur pour les plus faibles et les plus pusillanimes,
ceux qui n’auront pas choisi de se moderniser quand il en est encore temps.
Or, c’est bien l’impossibilité de faire en un temps court
(qui est la norme aujourd’hui de peuples qui veulent tout, tout de suite) ce
qui ne peut être réalisé généralement qu’en un temps long qui est bien au cœur
de la défaite actuelle de son pari qui, ne l’oublions pas, devait donner ses
pleins résultats en une décennie et qui, lors de son premier quinquennat, se
décomposait en deux phases, une mise à niveau économique pendant un peu plus de
deux ans puis, ensuite, une rénovation du système de protection sociale, dans
ce fameux juste équilibre centriste.
Cette impossibilité n’est pas une faute d’Emmanuel Macron,
ce n’est même pas une erreur d’appréciation, c’est bien la perte d’un pari que
certains estimaient utopique face à l’impatience de la population.
Pour autant, quelles sont les vraies alternatives face aux
menaces qui sont à nos portes et ont déjà pénétré dans nombre de pays, face au
déclassement du pays qui aura des conséquences négatives sans communes mesures
avec ce que vivent les Français aujourd’hui (qui, comme leurs coreligionnaires
des autres pays développés, ont oublié qu’ils sont très majoritairement des
privilégiés)?
Aucune.
Faut-il rappeler que c’est parce que
les Grecs ont refusé pendant des années de voir la réalité en face avec une
classe politique complice qui ne se maintenait au pouvoir que par un
clientélisme éhonté et en grugeant l’Union européenne comme une vulgaire mafia
que le pays s’est retrouvé au fond du trou.
Faut-il rappeler que la crise espagnole
est venue des mêmes comportements, de même que la crise larvée qui frappe
l’Italie depuis des décennies et qui risque de s’approfondir avec la venue au
pouvoir des populistes et des admirateurs du fascisme.
Faut-il rappeler que le monde
n’attendra pas la France si elle ne fait pas les efforts nécessaires et qu’il
ne lui fera aucun cadeau si elle se trouve en difficulté.
Faut-il rappeler, enfin, que les
réformes engagées ont pour but de faire enfin sortir la France d’un déclin sans
celles-ci inéluctable et de permettre à ses citoyens, après les efforts
indispensables et obligatoires, de retrouver l’espoir en un avenir meilleur
(qui passera nécessairement par du «mieux» et pas toujours du «plus»).
Alors, sans doute, la société
française, engoncée dans ses blocages, son clientélisme, le mensonge d’une
partie de sa classe politique et incapable d’une lucidité salvatrice, est en
faillite.
Et la possible défaite finale du pari d’Emmanuel
Macron, qui n’est pour l’instant que circonstanciel mais qui s’annonce avec les
reculs annoncés (ce qui démontre qu'il n'a peut-être pas les reins assez solides face pour son ambitieux dessein), en sera une nouvelle preuve mais aussi le début de temps
encore plus difficiles et, peut-être, de désolation.
Une défaite qui ne se matérialisera
évidemment pas dans le départ du Président de la république, n’en déplaise aux
fantasmes indécents des ennemis de la démocratie et aux politiciens en
déshérence, mais par une gestion du déclin du pays, comme le firent ses
prédécesseurs.
Et les Français qui soutiennent
majoritairement des revendications irréalisables (comme celles portées par les
gilets jaunes), comme, par exemple, payer moins d’impôt tout en ayant plus de
protection et d’aide de la part de l’Etat ou lutter contre le réchauffement climatique
sans aucun sacrifice à faire, n’auront qu’à s’en prendre à eux-mêmes.
Gageons que, même là, ils trouveront
les boucs émissaires de leur propre irresponsabilité…