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François Bayrou |
Une
majorité en matière politique, c’est celle, composée d’un parti ou plusieurs
qui détiennent le plus de sièges au Parlement (en France, à l’Assemblée
nationale) ainsi que de personnalités indépendantes, voire d’autres
organisations, qui soutient le pouvoir en place, qui est solidaire de celui-ci
et qui le défend.
Et
bien, pour François Bayrou, pas du tout!
Lors d’une interview à Europe 1, le président du Mouvement
démocrate qui s’était déjà fait remarqué quelques jours auparavant en
expliquant, parlant du gouvernement et plus particulièrement du premier
ministre, Edouard Philippe, qu’«on ne gouverne pas contre le peuple», affirme
désormais que «la majorité, ce n’est pas un syndicat de défense du pouvoir» et en rajoute donc une couche sur sa solidarité
pour le moins conditionnelle à l’exécutif.
Ces propos viennent en complément de nombre d’articles où l’on
apprend tout le mal que Bayrou pense de ce même Edouard Philippe, toute la
frustration qui l’anime encore après la victoire d’Emmanuel Macron qui aurait
du être, selon lui, la sienne, et le dépit de ne pas avoir été nommé premier
ministre, poste qui devait, toujours selon lui, légitimement lui revenir.
Rappelons que le centriste s’est fait une spécialité dans
les propos «off» et que tout ce que l’on vient d’écrire, il le dit à ses
interlocuteurs, notamment les journalistes, pour ensuite prétendre que ce sont
les inventions médiatiques (ce qui arrive mais est rarement le cas…).
On se demande, encore une fois, quels sont les desseins
personnels du président du MoDem.
Il peut s’agir de se présenter en recours pour le poste de
Matignon tout comme il peut s’agir de se démarquer d’un pouvoir actuellement en
difficultés afin de se préserver en jouant sur deux tableaux, une sorte de
solidarité dans la critique ou de critique dans la solidarité, être dedans et
dehors en même temps.
La première possibilité montre qu’il est toujours à la
recherche de son destin politique, la deuxième qu’il pourrait manquer de ce
courage politique qui fait les hommes d’Etat.
Extraits
de l’interview:
François Bayrou: Il y a une triple revendication (des gilets
jaunes): il y a un premier élément autour des taxes du carburant – c’est de là
que le mouvement est parti. Il y a un deuxième élément qui est un élément qui
tient à la situation sociale, aux difficultés qui sont celles des bas salaires,
des retraites, d’un sentiment de décrochage de la part d’une partie des
Français qui est réelle et qui doit être naturellement prise en compte. Et il y
a une troisième chose qui est: on veut être entendus. Je crois qu’en effet, il
faut répondre autant que possible et Dieu sait que ce n’est pas facile.
- On ne leur répond pas jusqu’à présent?
François Bayrou: Pour l’instant, c’est sans doute des
réponses qui soit sont insuffisantes, soit ne sont pas encore trouvées.
- Edouard Philippe doit recevoir des représentants des
gilets jaunes. Quels sont vos conseils ? Les mesures jusque-là annoncées
sont-elles suffisantes?
François Bayrou: Vous savez bien que ce n’est pas exactement
mon sentiment encore que je sache que la tâche du Premier ministre n’est pas
facile. Le mouvement que nous avons sous les yeux vient de très loin. Mon
sentiment, c’est qu’on doit prendre en compte une question qui est l’acceptabilité
des décisions qu’on prend. Les charges, les taxes que l’on indique, est-ce
qu’elles sont supportables par ceux à qui on les inflige.
- Vous avez demandez un moratoire la semaine dernière, vous
réclamiez un moratoire sur la hausse des carburants. Si le gouvernement vous
avait écouté, vous croyez que cela aurait apaisé la colère des gilets
jaunes?
François Bayrou: Je ne crois pas aux solutions simples et
qui résolvent tout donc je ne suis pas en train de vous dire que j’avais la
clé, une baguette magique, parce que ce ne serait pas du tout à l’échelle de ce
que nous sommes en train de vivre. Je pense qu’il y a une question: c’est qu’à
un moment, on ne peut pas gouverner contre le peuple et qu’il faut de ce point
de vue-là, ne pas ajouter des charges aux charges. Il y a un moment où il faut
dire: il faut stabiliser les charges ou les prélèvements qu’on impose aux gens.
Il y a une deuxième chose, c’est qu’on est devant une question de modèle. C’est
la société tout entière qui est interrogée et même prise à partie par ceux qui
sont en train de manifester et qui disent: c’est une société dans laquelle
nous, on a pas de place, comme consommateurs car la vie et chère et on a pas de
place comme citoyens; on ne nous écoute pas on ne nous entend pas. Et ces trois
éléments-là, les charges immédiates, le modèle de société et le modèle
démocratique, ces trois éléments-là méritent une réponse mais ça ne peut pas se
faire du jour au lendemain.
- Et est-ce que ça peut se faire – même si je sais que vous
ne voulez pas diviser davantage – avec Edouard Philippe à Matignon, Gérald
Darmanin et Bruno Le Maire aux finances, aux comptes publics, des postes clés
tenus par des hommes venant de la droite: est-ce que ce n’est pas pour cela qu’il
n’y a pas de fibre sociale?
François Bayrou: Je ne crois pas que ce soit une question
d’étiquette. Mais vous savez bien - puisque c’est un débat que nous avons
depuis des mois - que je pense qu’il ne peut pas y avoir en 2018, 2019, 2020,
un projet politique qui ne soit pas en même temps un projet qui prenne en
compte l’attente sociale. C’est impossible parce que tout va ensemble. Vous
voyez bien lorsqu’une société se fracture comme la nôtre depuis 30 ans –
j’entends des responsables politiques qui font des remontrances, qui donnent
des leçons et qui ont été aux responsabilités il y a très peu de temps - vous
voyez bien que cette question de l’unité de la société de la cohésion de la
société, c’est la question la plus importante y compris pour notre production
et notre économie.
- Vous évoquiez les divisions dans cette majorité. Dans le
Canard enchaîné, on peut lire cette semaine, qu’Edouard Philipe vous qualifierait
d’«emmerdeur». Vous êtes le gilet jaune de la majorité?
François Bayrou: Non, je n’emploie pas des phrases de cet
ordre. Ce que je sais c’est que l’écho de ce qui se passe dans le pays, des
inquiétudes qui sont celles de nos concitoyens, nos amis d’enfance, de jeunesse
et qui sont autour de nous puisque on est en Béarn ici, cette voix-là doit être
relayée y compris à l’intérieur de la majorité. La majorité, ce n’est pas un
syndicat de défense du pouvoir. La majorité, c’est l’expression du pays dans ce
qu’elle doit, qu’elle a, dans ce qu’elle doit avoir de plus authentique. Si je
suis cette voix-là, je ne crois pas que ce soit un moins. Je pense que c’est un
plus pour la majorité.