Lors de son discours du 27 novembre consacré au plan
énergétique du gouvernement et aux troubles face à la taxation écologique des
carburants, Emmanuel Macron a affirmé, non seulement, avoir entendu la «juste
part de la colère venue de loin» d’une partie de la population, mais également
l’avoir comprise.
Selon lui, elle est plus large que le simple mouvement de
foule des gilets jaunes qui en serait un révélateur comme d’autres symptômes
sociaux.
Elle s’est bâtie, toujours selon ses dires, sur des frustrations
venant de toutes les erreurs et les manquements commis depuis quarante ans par
les pouvoirs en place et dont il s’estime également responsable.
Pour cela, il propose un «nouveau contrat social» et une
«changement de méthode» où le gouvernement va écouter les propositions et les
demandes de tout le monde et va accélérer les accompagnements sociaux.
Si les deux piliers, modernisation de l’économie et
nouvelles protections sociales sont toujours de mises, elles vont se mélanger
«en même temps» et non se suivre comme initialement prévu (avec la phase 1,
libérer l’économie et la phase 2, protéger socialement le citoyen).
Ce faisant, il semble abandonner le cœur même de son projet
politique où l’on ne peut redistribuer que les richesses que l’on a créé (d’où
la nécessité de d’abord libérer les forces économiques afin de créer la
croissance et de faire baisser le chômage tout en remettant de l’argent dans
les caisses pour des programmes sociaux) avec la mise en place d’une
méritocratie où l’individu, au lieu d’être continuellement dans la revendication
de plus de dépenses publiques, se responsabilise et prenne en main son existence.
S’agit-il d’une simple inflexion ou d’un changement de cap
profond?
Si, dans son discours, il s’est défendu de changer de
politique et que le cap suivi jusqu’ici était, non seulement «juste et
nécessaire», mais le «bon», on peut néanmoins noter que, en creux, on a compris
que des concessions seront faites et que des réformes seront reportées (pour
certaines ce «report» sera sans doute un enterrement pur et simple).
Car, si Emmanuel Macron a toujours fait l’analyse d’une
grande défiance de la population vis-à-vis du politique, si celle-ci a été au
cœur de sa campagne et qu’elle lui a sans doute permis d’être élu face aux
populistes (majoritaires en voix au premier tour de la présidentielle), il
avait promis de ne pas dévier de sa mission, au sens littéral du terme, de
provoquer une révolution des mentalités et des pratiques en menant
d’importantes réformes qui seules permettraient de remettre le pays sur de bons
rails.
Or, en parlant de changer la méthode et de prendre en compte
les désidératas de chacun, il ouvre la porte à cette politique politicienne et
clientéliste qui est de mettre en œuvre des réformettes tout en distribuant des
largesses qui n’ont pas le moindre financement solide et qui creuseront les déficits.
Ce faisant, il se rapproche de ceux qu’il critiquait et de
ceux qui ne cessent de l’attaquer, de demander sa démission et de l’insulter,
démontrant que son poste est peut-être plus important que sa mission.
Bien entendu, il faudra attendre un peu pour savoir s’il
s’agit réellement d’une inflexion de sa politique ou d'une volonté de
convaincre une population qui n’a manifestement toujours pas compris l’urgence
dans lequel se trouve le pays et qui semble être de plus en plus séduite par
une aventure populiste que nous paierons au prix fort si elle se matérialise.
Pour autant, n’oublions jamais que dans les propos du
candidat Macron se trouvaient des accents répétés de populisme que j’avais
dénoncé en son temps et qui peuvent aussi expliquer ses déclarations du 27
novembre.
Ainsi, ici, il semble les reprendre et de les théoriser en
quelque sorte.
N’est-on pas dès lors entré dans la triste stratégie
démagogique du beurre et de l’argent du beurre, sachant que systématiquement
celle-ci se termine sans beurre et sans argent avec des problèmes remisés aux
calendes grecques et une société où les questions primordiales n’ont pas été
réglées?
Certains des critiques de Macrin ont estimé que son discours
été trop vague et ne contenait pas de grandes annonces ce qui lui permettait de
gagner du temps et de noyer le poisson.
C’est une interprétation possible.
L’autre, c’est justement qu’il ouvre la porte à tous les
possibles, surtout à tous les reniements.
On le saura très vite en espérant que je me trompe.