Emmanuel Macron |
La sphère politico-médiatique pullule de jugements
définitifs – souvent contradictoires – sur un Emmanuel Macron qui se répand sur
le fait qu’il aurait perdu la main quand il ne se révélerait pas incompétent et
incohérent, certains évoquant même sa démission (ou sa destitution!) nécessaire
ou l’échec définitif de sa présidence et de l’«expérience Macron» et le
naufrage de la «macronie».
L’observateur politique digne de ce nom, lui, cherche plutôt
à savoir si l’action d’une personnalité est en phase avec ce qu’il a promis, ce
qu’il a dit qu’il était et ce qu’il croit, toutes choses qui, rappelons-le, est
primordial en démocratie où l’on a été élu sur ce que l’on disait que l’on
était et que l’on allait faire.
On a pu reprocher à François Hollande d’avoir agi à
l’encontre de ce qu’il avait promis, encore que cette accusation est largement
exagérée et très injuste car le candidat socialiste avait bien indiqué qu’il
fallait réformer le pays dans le sens où il l’a fait au début de son
quinquennat.
On peut évidemment lui reprocher ses attaques lyriques
contre les riches et cette fameuse taxation à 75% des ultra-riches qui n’a
jamais vu le jour et qui ont pu le gauchiser à bon escient pour capter les voix
de la gauche extrême lors de la présidentielle de 2012.
Mais il sera difficile d’être plus retors que l’homme dont
les Français affirment aujourd’hui dans les sondages qu’il est le meilleur
président de la V° République, François Mitterrand qui a fait exactement le
contraire de ce qu’il avait promis avec ce fameux «tournant de la rigueur» de
1983 (sachant que des fameuses 110 propositions de 1981 étaient largement
irréalisables sauf dans certaines domaines sociétaux comme l’abolition de la
peine de mort).
De même, on pourrait dire que le Général de Gaulle qui se
voulait au-dessus des partis, directement en phase avec le peuple dans une
vision largement bonapartiste, a gouverné avec un parti présidentiel, non pas
apolitique, mais largement de droite (souvent à sa totale dévotion) et que son
«Je vous ai compris» adressé à la communauté européenne d’Algérie était, au
mieux, une incompréhension, au pire, un mensonge.
Par rapport à ces trois présidents comme se situe l’hôte
actuel de l’Elysée?
On pourrait commencer par dire qu’il est plus proche dans la
conformité, dans son action, à ses promesses et à sa vue de la société
française de Valéry Giscard d’Estaing et de Nicolas Sarkozy au début de leurs
mandats qui firent ou essayèrent de faire ce qu’il avait promis (les choses se
gâtant pour tous les deux vers leur mi-mandat).
Mais, dans une analyse plus profonde, il semble en totale
cohérence avec lui-même, c'est-à-dire du contrat qu’il a passé avec ses
électeurs et ces concitoyens (au-delà de tout jugement partisan sur le
bienfondé de ce contrat et de son contenu).
- Au niveau de la gouvernance
Lors de la campagne des présidentielles, Emmanuel Macron
avait indiqué qu’il ne serait pas l’otage de la médiatisation à outrance
notamment celle des chaînes d’information continue et d’internet (en
particulier des réseaux sociaux), qu’il dirait les choses comme il les pense et
qu’il agirait comme il l’estimerait juste (il l’avait déjà fait en tant que ministre
de l’Economie, bien avant qu’on lui reproche son hubris), qu’il ne serait pas l’otage
d’une vision électoraliste et qu’il ne s’interdirait aucune initiative pour
rassembler.
Depuis son élection, il refuse le diktat médiatique ainsi
que, surtout, l’emballement du temps politique où, dans un environnement
politico-médiatique qui surfe constamment sur l’apparence et l’événementiel,
l’opinion publique est incapable désormais de vivre dans autre chose que
l’immédiateté, donc d’envisager qu’une mesure, qu’une décision ou qu’une
réforme ne donnent pas les résultats promis ou escomptés.
Même dans des actes du quotidien, cette impatience qui
ressemble souvent à de la critique pour de la critique ou à un caprice de sale
gosse, voire à une simple volonté de faire le buzz médiatique, Emmanuel Macron
avait indiqué qu’il ne se lasserait pas déborder et phagocyter par ces
comportements immatures et irresponsables.
De même, il est parfois transgressif et souvent disruptif
dans sa volonté de dire aux Français ce qu’il pense mais aussi ce qui est et ce
qui devrait être.
Il avait également expliqué qu’il serait en première ligne
pour défendre son projet et pour le mettre en place, qu’il en serait le seul
responsable devant le peuple français et qu’il devrait être jugé, à la fin de
son quinquennat, sur son action qui demandait au moins cinq ans avant de
produire ses pleins effets.
Que l’on soit d’accord ou non avec lui et sa façon d’agir,
il fait ce qu’il a dit qu’il ferait, donc il demeure fidèle à ses promesses en
la matière.
- Au niveau des réformes
Emmanuel Macron a réalisé les réformes qu’il a dit qu’il
mettrait en route et a précisé que celles qui ne l’avaient pas encore été, le
seraient lors de son quinquennat avec une nouvelle salve prévue au cours des
prochains mois (comme la loi Pacte en discussion au Parlement, celle du la
grande pauvreté qui le sera ensuite, celle sur les institutions dont les débats
reprendront en janvier à l’Assemblée nationale, celle sur les retraites qui
sera dévoilé bientôt, etc.).
Certains estiment que ces réformes ne vont pas assez loin,
d’autres qu’elles chamboulent trop l’ordre établi et les habitudes.
Certains demandent que le rythme soit plus soutenu et
d’autres demandent une pause voire un abandon ou un retour en arrière.
Si l’on se base sur ces critiques venus de la Droite et de
la Gauche, on peut supposer que ces réformes respectent les engagements du
candidat Macron en voulant réformer le pays sans céder aux extrêmes.
Quant à leur efficacité, il est évidemment trop tôt pour en
juger.
Rappelons également à ceux qui l’avaient oublié et qui font
leurs choux gras de l’appellation de «président des riches» qu’ils ont accolé à
Macron, que ce dernier avait parlé de deux phases distinctes des réformes.
La première consistait à «libérer» notamment en matière
économique pour susciter une dynamique entrepreneuriale et préparer une
croissance.
Elle devait, donc, donner des avantages à ceux qui osent et
tentent, en particulier matériels.
La deuxième consistait à «protéger» notamment en matière
sociale afin de ne laisser personne sur le bord de la route.
Le tout, in fine, devait créer un cadre propice à la
réalisation de chacun pour qu’il puisse réellement construire et vivre son
projet de vie.
Cette feuille de route a été scrupuleusement suivie la
première année et alors qu’elle devait l’être pendant encore un an,
l’impatience des Français l’a contraint à avancer les réformes sociales du
«protéger» sans pour autant abandonner celles du «libérer».
- Au niveau du projet politique
Créer un méritocratie avec des réelles «opportunités» afin
que chacun réalise son projet de vie du mieux possible qu’il puisse le faire
tout en assurant la cohésion sociale notamment par une solidarité envers les
plus pauvres et une volonté de les sortie de l’assistanat, tel était,
globalement le sens du projet politique présenté par Emmanuel Macron aux
Français lors de la campagne présidentielle.
Bien évidemment, il est beaucoup trop tôt pour faire le
bilan dans ce domaine où il ne sera possible qu’après qu’Emmanuel Macron soit
parti de l’Elysée en 2022 ou 2027.
Reste que l’on peut dire, aujourd’hui, qu’il est fidèle à la
procédure qu’il estime la meilleure pour y arriver et que rien dans ses propos
ne permet de dire qu’il a changé ses objectifs en la matière.
In fine, Macron est bien fidèle à et avec lui-même et sa
base électorale (celle du premier tour de la présidentielle), estime qu’il
l’est toujours dans son énorme majorité.
Sauf à penser que les Français votent sans savoir pour qui
et pour quoi, l’actuel président de la république respecte encore le contrat
politique social-libéral qu’il leur a proposé, un contrat largement centriste
et progressif.
On peut être en désaccord avec ce dernier mais cela ne
justifie pas toutes les attaques sur la soi-disant tromperie de Macron envers
les électeurs.
Ni ce qu’il est, ni ce qu’il dit et fait est différent de ce
qu’il était, de ce qu’il disait et de ce qu’il a dit qu’il ferait.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC