jeudi 27 septembre 2018

Actualités du Centre. François Bayrou s’intronise en porte-parole des Français

François Bayrou
A défaut d’avoir été élu président de la république par les Français, François Bayrou, «voix libre» selon lui, s’est désormais intronisé en leur porte-parole.
Le leader centriste ne serait donc que la caisse de résonnance des attentes et des griefs des citoyens face à Emmanuel Macron et son gouvernement.
C’est en tout cas ce qu’il a dit très sérieusement lors d’une interview sur Europe 1:
«J'ai toujours vécu l'engagement politique avec une règle qui est qu'on a besoin de voix libres. L'idée qu'il faut être enrégimenté et que tout le monde doit s'aligner et que personne ne doit dépasser aucune idée, aucune proposition, aucun sourire, aucune colère, est une idée que je récuse. Je suis pour le pluralisme en France et dans la majorité.
Je n'ai jamais perdu le tonus mais c'est absolument nécessaire que les Français trouvent du relais dans le débat national pour porter la voie, les inquiétudes, les attentes ou les enthousiasmes qui sont les leurs. Les voies libres ne disent pas seulement ce qu'elles ont envie de dire, ce sont aussi des voies qui disent ce que les Français ont envie de dire.»
Et d’ajouter:
«Il ne s'agit pas d'être gentil ni méchant, il s'agit de faire entendre à ceux qui exercent les responsabilités du pouvoir d'autres réalités que celles qui tournent en boucle dans ce qu'on appelle les éléments de langage. Il y a un pays, des femmes, des hommes, un ensemble qui a toute une histoire, qui a besoin qu'on prenne en charge à la fois ses problèmes et ses raisons de vivre, et c'est pour ça que nous sommes là.»
Dont acte.
Mais qu’est-ce qui permet de prétendre au président du Mouvement démocrate qu’il dit «ce que les Français ont envie de dire»?
Et pourquoi de telles déclarations?
A la première question, Bayrou n’a évidemment aucune légitimité à se présenter en porte-voix des Français, d’autant plus qu’il ne possède plus aucun mandat national.
Mais en aurait-il un que cela ne changerait guère le fait qu’il parle avant tout et surtout pour lui et son parti dans un bras de fer qu’il a engagé contre Emmanuel Macron, Edouard Philippe et LREM et dont les motivations sont de deux ordres: exister politiquement en tant que personnalité et formation politique (face au rouleau compresseur de ses «alliés») et, plus discutable, tenter de ne pas apparaître comme coresponsable de décisions qui pourraient être reprochées à la majorité en place et nuire à lui et son parti lors de prochains scrutins.
Une attitude qui lui permet de se poser encore en possible recours à Macron (pour l’Elysée) ou Philippe (pour Matignon).
Reste à savoir si cette stratégie du dedans/dehors à la fois peut donner des résultats.
Il est peu probable qu’en cas d’échec d’Emmanuel Macron et de son gouvernement, François Bayrou et le MoDem puissent s’en tirer à bon compte en affirmant avoir joué les «lanceurs d’alerte».
A l’inverse, beaucoup de Français pourraient estimer que le leader centriste est comptable de cet échec, lui qui, comme le rappelle avec malice des membres de LR, est un «associé» à la fiabilité discutable…


Actualités du Centre. Humanisme et défense de la démocratie dans la différence au menu du discours de Macron à l’ONU

Emmanuel Macron
Lors de l’Assemblée générale des Nations Unies au siège de l’organisation internationale à New York, Emmanuel Macron a prononcé, le 25 septembre, un discours fort qui s’articulait autour d’une volonté de refonder un ordre mondial par les valeurs humanistes et démocratiques.
Ces propos «centristes» mais, plus largement, de l’universalisme des droits de l’homme sont tout autant un rappel à poursuivre la lutte de la liberté et de l’égalité dans la différence qu’une mise en garde contre la montée des dictatures, des autocraties ainsi que des populismes extrémistes au cours de cette deuxième décennie du XXI° siècle.

Extraits du discours d’Emmanuel Macron
Nous sommes toutes et tous ici les héritiers d’un formidable espoir, celui de préserver les générations futures du fléau de la guerre, de construire un ordre international fondé sur le droit et le respect de la parole donnée, de faire avancer l’humanité vers un progrès économique, social, moral dans une liberté toujours plus assurée.
Et nous avons eu des résultats: les droits de l’homme se sont diffusés, le commerce et la prospérité se sont développés, la pauvreté a reculé. C’est cela notre acquis des dernières décennies.
Cependant, nous devons regarder avec lucidité le moment que nous traversons. Nous vivons aujourd’hui une crise profonde de l’ordre international libéral westphalien que nous avons connu. D’abord, car il a échoué pour partie à se réguler lui-même. Ses dérives économiques, financières, environnementales et climatiques n’ont pas trouvé de réponse encore à la hauteur à ce jour.
Ensuite, parce que notre capacité collective à apporter une réponse aux crises est encore trop souvent entravée par les divisions du Conseil de sécurité. Notre organisation en est trop souvent réduite à déplorer des violations des droits qu’elle s’était jurée de garantir. 70 ans après l’adoption par cette assemblée à Paris de la Déclaration des droits de l’homme, un relativisme culturel, historique, religieux conteste aujourd’hui les fondements de leur universalité.
Née d’une espérance, l’ONU peut devenir, comme la Société des Nations qui l’a précédée, le symbole d’une impuissance. Et nul n’est besoin de chercher les responsables de ce délitement, ils sont ici, dans cette assemblée. Ils prennent la parole aujourd’hui. Les responsables, ce sont les dirigeants que nous sommes.
A partir de ce constat, trois grandes voies se présentent au fond devant nous. La première, c’est celle de penser qu’il s’agit d’un moment, d’une parenthèse dans l’Histoire avant un retour à la normale. Je n’y crois pas. Je n’y crois pas car nous traversons une crise d’efficacité et de principe de notre ordre mondial contemporain qui ne pourra plus retrouver ses repères et son fonctionnement d’avant. Le moment que nous vivons n’est pas une parenthèse : il exprime nos propres insuffisances passées.
La deuxième voie, ce serait celle de la loi du plus fort. C’est la tentation pour chacun de suivre sa propre loi. Cette voie, je l’affirme ici, celle de l’unilatéralisme, elle nous conduit directement au repli et au conflit, à la confrontation généralisée de tous contre tous, au détriment de chacun, même de celui à terme qui se croit le plus fort. La responsabilité de la paix ne se délègue pas, ne se refuse pas, ne se préempte pas, elle s’exerce collectivement. La loi du plus fort ne protège aucun peuple contre quelque menace que ce soit, qu’elle soit chimique ou nucléaire.
(…)
Je crois à une troisième voie possible devant nous, sans doute la plus difficile, sans doute la plus exigeante, qui nous impose de forger ensemble un nouveau modèle, de trouver ensemble un nouvel équilibre mondial. Car après une forme de modèle d'hyperpuissance, nous assistons depuis plusieurs années à une nouvelle instabilité du monde marquée par le retour des puissances multiples.
Le nouvel équilibre que nous devons créer doit reposer sur de nouvelles formes de coopérations régionales et internationales et se structurera selon moi autour de trois principes : le premier, c’est le respect des souverainetés, au fondement même de notre charte ; le second, c’est le renforcement de nos coopérations régionales ; et le troisième, c’est l’apport de garanties internationales plus robustes. Et c’est cette méthode, c’est autour de ces trois principes que nous devons veiller à régler les situations de crise contemporaines.
(…)
Seule l’action collective permet de préserver la souveraineté et l’égalité des peuples qui nous ont donné mandat. C’est cette même exigence que nous devons porter face aux défis démographique, climatique, numérique qui sont ceux devant nous et qu’aucun d’entre nous ne pourra affronter seul.
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Je crois profondément à la souveraineté des peuples qui, aujourd’hui, est présente, forte, est une demande de tous nos peuples sur la scène internationale et dans le même temps, à une coopération renforcée aux formes multiples et à une légitimité renouvelée de l’engagement international dans ce contexte. Le grand combat de nos aînés a été celui de la paix et il nous incombe toujours. Nous ne le gagnerons au XXIe siècle qu’en restaurant un multilatéralisme fort, capable de régler ses conflits de manière pragmatique, mais aussi et plus largement de nous attaquer aux causes de ces dérèglements.
(…)
Pour tout vous dire, je ne crois pas en un grand peuple mondialisé. En rien, c’est irénique, ça n’existe pas. Mais je crois dans des valeurs universelles et sur ce point nous ne devons rien céder, ça n’est pas la même chose ! Je crois dans la défense non négociable de nos valeurs, les droits de l’homme, la dignité des individus, l’égalité entre les sexes. Je crois dans notre capacité à bâtir des équilibres respectueux des peuples et des cultures en ne négociant rien de cette universalité, c’est ça la réalité! Et je ne laisserai en rien le principe de souveraineté des peuples dans la main des nationalistes ou de toutes celles et ceux qui prônent aujourd’hui dans la communauté internationale le repli, qui veulent utiliser la souveraineté des peuples pour attaquer l’universalisme de nos valeurs, la force de celle-ci et ce qui nous tient ici tous ensemble dans cette salle!
Nous avons tous ici, même ceux qui font profession de la critiquer, bénéficié de la structuration de l’ordre international qui a accompagné la mondialisation. Aujourd’hui, nous devons nous attaquer aux causes profondes de nos déséquilibres, nous devons regarder ensemble en face les faiblesses de notre ordre international et, au-delà des crises que je viens d’évoquer, regarder les inégalités profondes qui se sont installées.
C’est pour moi aujourd’hui le cœur de notre problème, qu’est-ce qui fait renaître les nationalismes, le doute sur notre assemblée? Qu’est-ce qui fait naître partout les crises? Ce sont ces inégalités profondes que nous n’avons pas su régler.
(…)
Nous devons aujourd'hui nous attaquer aux inégalités contemporaines car elles sont à la racine de ce mal que je dénonçais au début de mon discours. Nous devons nous attaquer aux inégalités de destin. Ce sont des aberrations morales autant qu'une réalité insoutenable. Il n’est pas acceptable de ne pas avoir les mêmes chances selon le pays où l'on est né, de ne pas pouvoir aller dans certains pays à l'école parce qu'on est une femme, de ne pas avoir accès à certains soins élémentaires.
(…)
Ce n’est qu’ensemble que nous pourrons lutter efficacement contre toutes ces inégalités qui ont fracturé chacune nos sociétés. La défiance dans nos sociétés, les tentations de repli se nourrissent de cela. Elles se nourrissent de toutes ces inégalités que nous avons laissé se créer et de notre incapacité collective à y répondre avec efficacité.
Or, aucun de nous ne pourra lutter efficacement contre les inégalités que je viens de dénoncer, s’il agit seul. Sinon, il n’y aura au fond que deux solutions. La première, ce serait de toujours s’aligner vers le bas, d’aller rejoindre un standard qu’on connait, c’est ce que nous avons fait pendant des décennies. Il y a une guerre commerciale, alors diminuons les droits des travailleurs, baissons les taxes toujours davantage, nourrissons les inégalités pour essayer de répondre à nos difficultés commerciales. Ceci mène à quoi? Au renforcement des inégalités dans nos sociétés et à cette cassure que nous sommes en train de vivre.
L’autre réponse, ce serait de dire ce qui ne fonctionne pas, ce sont les règles. Alors replions-nous sur nous-mêmes. L’isolationnisme, le protectionnisme. Mais cela ne conduit qu’à une chose, l’accroissement des tensions. Cela ne répond en rien aux inégalités profondes.
Je propose, au contraire, que nous mettions en place un mécanisme collectif pour travailler ensemble à ce que nous faisons, dans chacun de nos pays, pour réduire les inégalités.
(…)
La France sera là pour que le monde n’oublie pas que le fracas des nationalismes conduit toujours vers l’abîme, que les démocraties sont faibles si elles manquent de courage dans la défense de leurs principes et que les ressentiments accumulés, adossés à un système international fragile, peuvent conduire deux fois en l’espace d’une vie humaine au déchaînement mondial de la violence. Je parle là de notre propre expérience.
(…)
Je sais que beaucoup peuvent être fatigués du multilatéralisme. Je sais que dans un monde où l’information s’entrechoque et où nous sommes en quelque sorte, de manière décomplexée, entrés dans une société du spectacle, où dire les pires choses consiste à être à la mode, à faire les nouvelles, que dénoncer les conséquences dont on a chéri les causes peut créer des succès d’estrade, je sais que défendre la coopération et le multilatéralisme peut ne plus être à la mode.
Alors, ne soyons pas à la mode parce que nous le devons à ceux qui nous ont permis d’être assis là. Parce que n’oubliez jamais que les génocides qui ont fait que vous êtes là aujourd’hui, ils étaient nourris par les discours auxquels nous nous habituons, parce qu’ils ont été nourris par les succès d’estrade que nous applaudissons, parce que nous sommes en train aujourd’hui de voir se déliter ce droit international, toutes les formes de coopération comme si de rien n’était par peur, par complicité, parce que ça fait bien !
Non, moi, je ne m’y résous pas parce que je viens d’un pays qui a porté ces Déclarations qui nous font là, parce que je viens d’un pays qui se tient debout, qui a fait beaucoup d’erreurs, beaucoup de mauvaises choses, mais qui a su tenir à chaque moment de son Histoire et de l’Histoire internationale une forme d’universel! C’est aujourd’hui, c’est maintenant!
Alors, ne vous habituez pas, n’acceptons pas toutes ces formes d’unilatéralisme ! Chaque jour, ces pages déchirées, ces trahisons à notre Histoire, moi, je ne m’y habitue pas !
Alors je vous le dis très clairement, le siècle qui s’ouvre nous regarde et nos enfants nous attendent! Réglons les crises! Œuvrons ensemble à lutter contre toutes ces inégalités mais faisons-le à hauteur d’homme et avec l’exigence de nos principes, de nos histoires, avec notre universalisme chevillé au corps!
(…)