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Emmanuel Macron |
Lors
de l’Assemblée générale des Nations Unies au siège de l’organisation
internationale à New York, Emmanuel Macron a prononcé, le 25 septembre, un
discours fort qui s’articulait autour d’une volonté de refonder un ordre
mondial par les valeurs humanistes et démocratiques.
Ces
propos «centristes» mais, plus largement, de l’universalisme des droits de l’homme
sont tout autant un rappel à poursuivre la lutte de la liberté et de l’égalité
dans la différence qu’une mise en garde contre la montée des dictatures, des
autocraties ainsi que des populismes extrémistes au cours de cette deuxième
décennie du XXI° siècle.
Extraits
du discours d’Emmanuel Macron
Nous sommes toutes et tous ici les héritiers d’un formidable
espoir, celui de préserver les générations futures du fléau de la guerre, de
construire un ordre international fondé sur le droit et le respect de la parole
donnée, de faire avancer l’humanité vers un progrès économique, social, moral
dans une liberté toujours plus assurée.
Et nous avons eu des résultats: les droits de l’homme se
sont diffusés, le commerce et la prospérité se sont développés, la pauvreté a
reculé. C’est cela notre acquis des dernières décennies.
Cependant, nous devons regarder avec lucidité le moment que
nous traversons. Nous vivons aujourd’hui une crise profonde de l’ordre
international libéral westphalien que nous avons connu. D’abord, car il a
échoué pour partie à se réguler lui-même. Ses dérives économiques, financières,
environnementales et climatiques n’ont pas trouvé de réponse encore à la
hauteur à ce jour.
Ensuite, parce que notre capacité collective à apporter une
réponse aux crises est encore trop souvent entravée par les divisions du
Conseil de sécurité. Notre organisation en est trop souvent réduite à déplorer
des violations des droits qu’elle s’était jurée de garantir. 70 ans après
l’adoption par cette assemblée à Paris de la Déclaration des droits de l’homme,
un relativisme culturel, historique, religieux conteste aujourd’hui les
fondements de leur universalité.
Née d’une espérance, l’ONU peut devenir, comme la Société
des Nations qui l’a précédée, le symbole d’une impuissance. Et nul n’est besoin
de chercher les responsables de ce délitement, ils sont ici, dans cette
assemblée. Ils prennent la parole aujourd’hui. Les responsables, ce sont les
dirigeants que nous sommes.
A partir de ce constat, trois grandes voies se présentent au
fond devant nous. La première, c’est celle de penser qu’il s’agit d’un moment,
d’une parenthèse dans l’Histoire avant un retour à la normale. Je n’y crois
pas. Je n’y crois pas car nous traversons une crise d’efficacité et de principe
de notre ordre mondial contemporain qui ne pourra plus retrouver ses repères et
son fonctionnement d’avant. Le moment que nous vivons n’est pas une parenthèse
: il exprime nos propres insuffisances passées.
La deuxième voie, ce serait celle de la loi du plus fort.
C’est la tentation pour chacun de suivre sa propre loi. Cette voie, je
l’affirme ici, celle de l’unilatéralisme, elle nous conduit directement au
repli et au conflit, à la confrontation généralisée de tous contre tous, au
détriment de chacun, même de celui à terme qui se croit le plus fort. La
responsabilité de la paix ne se délègue pas, ne se refuse pas, ne se préempte
pas, elle s’exerce collectivement. La loi du plus fort ne protège aucun peuple
contre quelque menace que ce soit, qu’elle soit chimique ou nucléaire.
(…)
Je crois à une troisième voie possible devant nous, sans
doute la plus difficile, sans doute la plus exigeante, qui nous impose de
forger ensemble un nouveau modèle, de trouver ensemble un nouvel équilibre
mondial. Car après une forme de modèle d'hyperpuissance, nous assistons depuis
plusieurs années à une nouvelle instabilité du monde marquée par le retour des
puissances multiples.
Le nouvel équilibre que nous devons créer doit reposer sur
de nouvelles formes de coopérations régionales et internationales et se
structurera selon moi autour de trois principes : le premier, c’est le respect
des souverainetés, au fondement même de notre charte ; le second, c’est le
renforcement de nos coopérations régionales ; et le troisième, c’est l’apport
de garanties internationales plus robustes. Et c’est cette méthode, c’est
autour de ces trois principes que nous devons veiller à régler les situations
de crise contemporaines.
(…)
Seule l’action collective permet de préserver la
souveraineté et l’égalité des peuples qui nous ont donné mandat. C’est cette
même exigence que nous devons porter face aux défis démographique, climatique,
numérique qui sont ceux devant nous et qu’aucun d’entre nous ne pourra
affronter seul.
(…)
Je crois profondément à la souveraineté des peuples qui,
aujourd’hui, est présente, forte, est une demande de tous nos peuples sur la
scène internationale et dans le même temps, à une coopération renforcée aux
formes multiples et à une légitimité renouvelée de l’engagement international
dans ce contexte. Le grand combat de nos aînés a été celui de la paix et il
nous incombe toujours. Nous ne le gagnerons au XXIe siècle qu’en restaurant un
multilatéralisme fort, capable de régler ses conflits de manière pragmatique,
mais aussi et plus largement de nous attaquer aux causes de ces dérèglements.
(…)
Pour tout vous dire, je ne crois pas en un grand peuple
mondialisé. En rien, c’est irénique, ça n’existe pas. Mais je crois dans des
valeurs universelles et sur ce point nous ne devons rien céder, ça n’est pas la
même chose ! Je crois dans la défense non négociable de nos valeurs, les droits
de l’homme, la dignité des individus, l’égalité entre les sexes. Je crois dans
notre capacité à bâtir des équilibres respectueux des peuples et des cultures
en ne négociant rien de cette universalité, c’est ça la réalité! Et je ne
laisserai en rien le principe de souveraineté des peuples dans la main des
nationalistes ou de toutes celles et ceux qui prônent aujourd’hui dans la
communauté internationale le repli, qui veulent utiliser la souveraineté des
peuples pour attaquer l’universalisme de nos valeurs, la force de celle-ci et
ce qui nous tient ici tous ensemble dans cette salle!
Nous avons tous ici, même ceux qui font profession de la
critiquer, bénéficié de la structuration de l’ordre international qui a
accompagné la mondialisation. Aujourd’hui, nous devons nous attaquer aux causes
profondes de nos déséquilibres, nous devons regarder ensemble en face les
faiblesses de notre ordre international et, au-delà des crises que je viens
d’évoquer, regarder les inégalités profondes qui se sont installées.
C’est pour moi aujourd’hui le cœur de notre problème,
qu’est-ce qui fait renaître les nationalismes, le doute sur notre assemblée?
Qu’est-ce qui fait naître partout les crises? Ce sont ces inégalités profondes
que nous n’avons pas su régler.
(…)
Nous devons aujourd'hui nous attaquer aux inégalités contemporaines
car elles sont à la racine de ce mal que je dénonçais au début de mon discours.
Nous devons nous attaquer aux inégalités de destin. Ce sont des aberrations
morales autant qu'une réalité insoutenable. Il n’est pas acceptable de ne pas
avoir les mêmes chances selon le pays où l'on est né, de ne pas pouvoir aller
dans certains pays à l'école parce qu'on est une femme, de ne pas avoir accès à
certains soins élémentaires.
(…)
Ce n’est qu’ensemble que nous pourrons lutter efficacement
contre toutes ces inégalités qui ont fracturé chacune nos sociétés. La défiance
dans nos sociétés, les tentations de repli se nourrissent de cela. Elles se
nourrissent de toutes ces inégalités que nous avons laissé se créer et de notre
incapacité collective à y répondre avec efficacité.
Or, aucun de nous ne pourra lutter efficacement contre les
inégalités que je viens de dénoncer, s’il agit seul. Sinon, il n’y aura au fond
que deux solutions. La première, ce serait de toujours s’aligner vers le bas,
d’aller rejoindre un standard qu’on connait, c’est ce que nous avons fait
pendant des décennies. Il y a une guerre commerciale, alors diminuons les
droits des travailleurs, baissons les taxes toujours davantage, nourrissons les
inégalités pour essayer de répondre à nos difficultés commerciales. Ceci mène à
quoi? Au renforcement des inégalités dans nos sociétés et à cette cassure que
nous sommes en train de vivre.
L’autre réponse, ce serait de dire ce qui ne fonctionne pas,
ce sont les règles. Alors replions-nous sur nous-mêmes. L’isolationnisme, le
protectionnisme. Mais cela ne conduit qu’à une chose, l’accroissement des
tensions. Cela ne répond en rien aux inégalités profondes.
Je propose, au contraire, que nous mettions en place un
mécanisme collectif pour travailler ensemble à ce que nous faisons, dans chacun
de nos pays, pour réduire les inégalités.
(…)
La France sera là pour que le monde n’oublie pas que le
fracas des nationalismes conduit toujours vers l’abîme, que les démocraties
sont faibles si elles manquent de courage dans la défense de leurs principes et
que les ressentiments accumulés, adossés à un système international fragile,
peuvent conduire deux fois en l’espace d’une vie humaine au déchaînement
mondial de la violence. Je parle là de notre propre expérience.
(…)
Je sais que beaucoup peuvent être fatigués du
multilatéralisme. Je sais que dans un monde où l’information s’entrechoque et
où nous sommes en quelque sorte, de manière décomplexée, entrés dans une
société du spectacle, où dire les pires choses consiste à être à la mode, à
faire les nouvelles, que dénoncer les conséquences dont on a chéri les causes
peut créer des succès d’estrade, je sais que défendre la coopération et le
multilatéralisme peut ne plus être à la mode.
Alors, ne soyons pas à la mode parce que nous le devons à
ceux qui nous ont permis d’être assis là. Parce que n’oubliez jamais que les
génocides qui ont fait que vous êtes là aujourd’hui, ils étaient nourris par
les discours auxquels nous nous habituons, parce qu’ils ont été nourris par les
succès d’estrade que nous applaudissons, parce que nous sommes en train
aujourd’hui de voir se déliter ce droit international, toutes les formes de
coopération comme si de rien n’était par peur, par complicité, parce que ça
fait bien !
Non, moi, je ne m’y résous pas parce que je viens d’un pays
qui a porté ces Déclarations qui nous font là, parce que je viens d’un pays qui
se tient debout, qui a fait beaucoup d’erreurs, beaucoup de mauvaises choses,
mais qui a su tenir à chaque moment de son Histoire et de l’Histoire internationale
une forme d’universel! C’est aujourd’hui, c’est maintenant!
Alors, ne vous habituez pas, n’acceptons pas toutes ces
formes d’unilatéralisme ! Chaque jour, ces pages déchirées, ces trahisons à
notre Histoire, moi, je ne m’y habitue pas !
Alors je vous le dis très clairement, le siècle qui s’ouvre
nous regarde et nos enfants nous attendent! Réglons les crises! Œuvrons
ensemble à lutter contre toutes ces inégalités mais faisons-le à hauteur
d’homme et avec l’exigence de nos principes, de nos histoires, avec notre universalisme
chevillé au corps!
(…)