Par Aris de Hesselin
& Alexandre Vatimbella
Dans cette rubrique, nous publions les
points de vue de personnalités centristes qui ne reflètent pas nécessairement
ceux du CREC. Ces points de vue ont pour but d’ouvrir le débat et de faire
progresser la pensée centriste.
Aris de Hesselin est un avocat
international, centriste et un européen, défenseur d’une mondialisation
humaniste. Ses propos sont les siens et non ceux du CREC.
Alexandre Vatimbella est le directeur du CREC.
L’Union européenne a fait de nombreuses erreurs.
Parmi elles, deux particulièrement importantes:
l’élargissement qui a permis en 1972 au Royaume Uni de devenir membre puis
celui qui a permis, entre 2003 et 2005, aux ex-pays de l’Est d’entrer dans
l’union.
Pendant des années, avant leur intégration dans ce qui
s’appelait alors la Communauté économique européenne, les Britanniques
n’avaient cessé de vouloir détruire l’Europe de l’extérieur par de multiples
manœuvres indignes d’un grand pays.
Une fois à l’intérieur, ils n’ont continué cette entreprise
en tentant de faire de l’union une simple zone de libre échange et à faire en
sorte d’empêcher son approfondissement politique par de multiples blocages peu
ragoutantes tout en réclamant constamment qu’on leur rende leur argent (en gros
de récupérer ce qu’ils donnaient au budget de l’UE pour leur économie dans une
vision complètement à l’opposé du fondement même du Traité de Rome).
Lorsque l’empire soviétique s’est effondré, une des grandes
peurs des Européens «de l’Ouest» était que les pays derrière le rideau de fer
ne tombent dans la désorganisation et la violence, surtout qu’ils se fassent la
guerre entre eux à propos de questions territoriales et de population.
Ainsi, par exemple, il y a de nombreuses minorités
hongroises dans les pays limitrophes de la Hongrie qui a toujours réclamé
qu’elles soient (ré)intégrées à une «grande Hongrie».
Faire entrer ces pays dans l’Union européenne permettaient
de contenir ces tensions et d’éviter un conflit dont on a vu, en grandeur
nature, les ravages dans l’ex-Yougoslavie (et l’incapacité de l’Union à le
régler).
Du coup, de la Pologne à la Roumanie, en passant par la
Hongrie et ce qui était alors la Tchécoslovaquie, on a permis à des pays qui
n’étaient pas du tout préparés à faire partie d’une Europe intégrée (et dont
les motifs d’entrée étaient de se protéger contre l’ogre russe et de permettre
à leur économie de sortir d’un certain sous-développement), à la rejoindre,
provoquant depuis des tensions sans fin qui culminent aujourd’hui avec des
gouvernements polonais et hongrois populistes et de droite radicale voire
extrême.
Bien sûr, on peut voir le «bon côté» de ces deux erreurs
fondamentales comme d’ailleurs l’ont fait les Européens pendant des années.
Ainsi, il valait mieux avoir la Grande Bretagne dans l’Union
plutôt que dehors, elle qui sapait sans relâche ses fondements et était
constamment tournée vers les Etats-Unis plutôt que vers le vieux continent.
De même, la zone de l’Union est depuis la fin de la Deuxième
guerre mondiale un espace extraordinaire de paix et l’intégration des ex-pays
de l’Est a permis que cela continue (on voit d’ailleurs que la non-intégration
de l’Ukraine a permis à la Russie de l’attaquer alors que les pays Baltes sont
protégés contre une possible agression).
Mais pour aboutir à cette situation, l’Union européenne a du
renoncer à son idéal, à son objectif le plus grand, créer une fédération
européenne intégrée faisant d’elle une utopie concrète et une grande puissance
capable de maîtriser son destin et de s’imposer sur la scène internationale.
Oui, pour sa tranquillité, l’Union a accepté un consensus ad
minima qui a transformé son projet en un simple club où chacun peut se plaindre
d’y être afin d’en tirer profit constamment tout en y restant bien au chaud…
Ce n’est évidemment pas l’Europe des fondateurs, des Jean Monnet
et des Robert Schuman, des Alcide de Gasperi et des Konrad Adenauer.
Ce n’est pas l’Europe des centristes.
L’Union européenne n’est pas, loin de là, ce grand espace de
la démocratie républicaine libérale, aux principes et aux valeurs humanistes,
qui rayonne dans le monde pour le profit d’un grand peuple européen uni par ce
qui le rapproche plutôt que par un simple intérêt dont le ciment s’effrite de
jour en jour sous le coup des mensonges des populistes et des extrémistes mais
aussi par l’égoïsme des nationalismes étriqués.
Peut-on retrouver un élan comme se proposait de le faire la
Constitution européenne que les Français comme d’autres ont rejetée voici
quelques années?
C’est ce que se proposait de faire Emmanuel Macron lors de
sa campagne électorale et qu’il a tenté de faire depuis son élection.
Il a, pour cela, prononcé des discours d’une grande importance
et s’est attelé à cette tâche primordiale pour l’Europe mais aussi tous les
pays de l’Union dont, évidemment, la France.
Les résultats tardent à venir devant tous les obstacles qu’il
doit affronter.
Mais il faut espérer, pour l’avenir de l’Union européenne,
qu’il va réussir à débloquer une situation qui semble malheureusement bien verrouillée
même si, parfois, des élans communautaires permettent d’espérer.
La condamnation des pratiques populistes et anti-démocratiques
de Viktor Orban, le premier ministre populiste de Hongrie, par de nombreux
gouvernement et par le Parlement européenne est l’un d’eux.
Tout comme le retoquage bienvenu par les 27 pays membres du
plan de Theresa May pour le Brexit où, encore et toujours, les Britanniques
veulent de l’Union, l’argent et l’argent du beurre, qu’ils soient à l’intérieur
ou à l’extérieur.
Mais il en faudra beaucoup plus pour relancer l’idéal
européen et refaire de l’Union européenne un espoir humaniste.
Les prochaines élections au Parlement européen seront, de ce
point de vue, un indicateur grandeur nature.
Face aux populistes qui veulent brider voire détruire l’Union,
de la Pologne à l’Italie en passant par la Hongrie où ils sont au pouvoir mais
aussi de la France à l’Allemagne en passant par les Pays-Bas où ils sont
puissants, il faut que tous ceux qui la défendent, qu’ils adhèrent aux
étiquettes «progressistes», «centristes», «libéraux», «humanistes» ou «sociaux»,
fassent front commun.
Cela ne veut pas dire, forcément, des listes communes, mais un
discours commun sur ce que doit représenter l’Union, sur son présent et son
avenir.
Les résultats ne montreront peut-être pas ce qu’est aujourd’hui
l’Union européenne mais certainement le travail à accomplir dans les années qui
viennent.
Et le chantier sera titanesque.
Aris de Hesselin & Alexandre Vatimbella