On voit bien que les vieilles définitions de la démocratie
ne fonctionnent plus depuis quelques années.
Ce n’est pas parce qu’elles sont devenues obsolètes avec
l’évolution des sociétés démocratiques mais parce qu’elles étaient déjà, à
l’origine, déficientes ou partielles.
Elles oubliaient l’élément fondamental: l’humain.
Oui, je sais, beaucoup vont me dire que l’humain est partout
dans ces définitions, d’Aristote à Rawls, de Spinoza à Rousseau, de Locke à
Hegel.
Mais, d’une part, cet humain demeurait très souvent
désincarné, comme un critère ou une référence, un fondement objectivé plus
qu’un sujet.
Et, d’autre part, l’assise qui était choisie était ses
droits (et ses devoirs) naturels ou non.
Or si ceux-ci sont évidemment primordiaux pour donner une existence
réelle à la démocratie, ils sont la conséquence de la raison de l’existence de
la démocratie et non pas sa cause.
De même, la fameuse définition d’Abraham Lincoln dans son
adresse de Gettysburg, «le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple»
donne une prééminence à cette notion de «peuple» dont la définition est souvent
difficile et dont certains s’emparent au profit d’une multitude ou d’une
populace qui prétendent incarner ce peuple par une mystification des plus
dangereuses.
Et, surtout, ils donnent à ce «peuple» des pouvoirs
extraordinaires, ce qu’il ne saurait avoir, ni sur lui-même, ni sur une partie
de lui-même, ni sur un seul de ses représentants.
Et si la démocratie se caractérise par la liberté, l’égalité
et la fraternité, voire par une poursuite d’un bonheur personnel à la
définition hypothétique comme nous le rappelle Kant, en réalité, la notion
fondamentale est respect de l’humain, tant pris individuellement en tant que
personne, que collectivement, en tant que communauté.
Cela signifie, concrètement que le respect empêche toute
remise en cause de la démocratie dont on ne saurait priver un seul individu
vivant ou à naître qu’il soit membre d’une majorité, d’une minorité ou qu’il
soit tout seul.
Ainsi, le peuple, par exemple, ne peut être autorité
légalement à remettre en cause la démocratie même par son vote, qu’il soit
majoritaire ou unanime.
De même, il ne peut priver une majorité ou une minorité de
ses membres, voire un seul d’entre eux de ses droits à vivre démocratiquement.
Mais qu’est-ce que ce respect si fondamental pour une
démocratie, pour l’existence libre et dans l’égalité et la fraternité, d’un
individu.
Respecter l’autre, celui avec qui je vis, qu’il soit mon
voisin ou un habitant d’une contrée lointaine, c’est respecter ce qu’il est
dans sa ressemblance et sa différence avec moi, c’est lui accorder les mêmes
droits que je m’accorde, lui demander les mêmes devoirs et la même
responsabilité qui en découlent, vivre en bonne intelligence avec lui dans la
liberté, la solidarité, la tolérance, c’est le considérer comme mon égal, c’est
lui garantir sa dignité comme il me garantit la mienne.
Respecter l’autre, c’est appliquer effectivement et
concrètement les valeurs humanistes que porte le Centrisme.
Oui, ce respect est à la base de la démocratie républicaine,
à la base de la reconnaissance de l’individu mais aussi de l’existence d’une
communauté au lien social solide et d’un bien commun démocratique.
Or, on comprend bien que ce respect ne peut être
complètement organisé par des règles mais doit émaner de cette empathie que
nous avons tous pour nos semblables et qui doit prendre le pas sur nos craintes
existentielles.
Mais, tout aussi important l’intérêt de chacun de nous est
que le respect soit au centre des relations sociales.
Si, en respectant l’autre, je suis respecté, alors je suis,
non seulement, en sécurité mais en capacité de réaliser mon existence plus
facilement que dans le cadre d’un affrontement constant et destructeur avec
l’autre, avec sa volonté et son intérêt qui se télescopent constamment aux
miens.
Le jour où chacun respectera l’autre alors nous toucherons
certainement au plus près de ce qui est l’idéal démocratique et l’achèvement
républicain.
Ce n’est sans doute pas une mince affaire que de parvenir à
une société du respect car il ne se décrète pas et ne s’instaure pas avec un
simple claquement de doigt.
Ce comportement respectueux requiert des personnes
conscientes de son incontournabilité, c'est-à-dire qui seront conscientisées à
respecter l’autre parce qu’il y va de leur intérêt.
Dès lors, il s’apprend, il se promeut et sa pratique se
récompense.
Aujourd’hui, non seulement ce n’est pas le cas et ce qui est
encore plus scandaleux et plus décourageant, c’est que l’on n’essaye même pas
de paver un chemin qui y mène.