Par Jean-François Borrou
Dans cette rubrique, nous publions les
points de vue de personnalités centristes qui ne reflètent pas nécessairement
ceux du CREC. Ces points de vue ont pour but d’ouvrir le débat et de faire
progresser la pensée centriste.
Jean-François Borrou est le pseudonyme
d’un journaliste proche des idées centristes.
Le Sénat |
N’en déplaise à certains médias
et à certains politiques, la commission d’enquête du Sénat sur l’«affaire»
Benalla est bien un tribunal politique.
Et ce n’est pas le Président de
la république ou le délégué général de La république en marche qui le disent,
ni même moi, mais le président de cette commission lui-même.
Emporté par une certaine
exaltation et un hubris pour un sous-fifre de toujours soudainement en pleine
lumière médiatique, ce président qui s’appelle Philippe Bas, un fillioniste non
repenti, a ainsi déclaré au quotidien Le Monde que sa commission d’enquête va lui servir
à montrer «le pouvoir (…) tel qu’il est» car «la fumée du macronisme va disparaître
et on verra ce qu’il y a derrière: la technocratie, le narcissisme et la solitude…»
Et il a même ajouté que «Le parti En
marche n’existe pas, il n’a pas de racines idéologiques, pas de racines
territoriales, pas d’expérience politique».
Tout cela était connu et le site
Lecentrisme.com s’en est d’ailleurs fait l’écho.
Comment, dès lors, prétendre que le
travail de cette commission où domine la Droite revancharde n’est pas là pour
faire le procès du pouvoir en place en non pour rédiger un rapport sur les
dysfonctionnements qui ont amené un homme, Alexandre Benalla, peut-être, à
outrepasser ses pouvoirs (la justice, rappelons-le, ne s’est pas encore
prononcée).
Et un procès politique vis-à-vis
de l’exécutif n’est absolument pas de la compétence d’une assemblée et encore
moins d’un Sénat français qui n’a même pas le pouvoir de faire la loi (ce qui
échoit in fine à l’Assemblée nationale).
Dans une démocratie, la
séparation des pouvoirs existent et Christophe Castaner, le délégué général de
LREM a eu tout à fait raison d’affirmer que «si certains pensent qu'ils peuvent
s'arroger un pouvoir de destitution du président de la République, ils sont
eux-mêmes des menaces pour la république», précisant qu’«une commission
d'enquête qui aurait des ambitions politiques» et qui voudrait «jouer de ses
fonctions de contrôle du gouvernement pour faire tomber un Président de la république
commettrait une faute constitutionnelle».
Comme Emmanuel Macron a eu tout à
fait raison de rappeler à monsieur Larcher, président du Sénat et auto-intronisé
premier opposant à la majorité, que ladite commission était en train d’outrepasser
son rôle.
Amusant, d’ailleurs, qu’un
centriste soit obligé de dire à un soi-disant gaulliste que le Sénat, exécré
par le Général, veuille se donner des pouvoirs qu’il n’a pas et jamais eu!
Mais on voit bien la volonté de contester sans cesse à la
majorité centriste sa légitimité.
Et l’on ne peut que regretter que François Bayrou soit venu
pour défendre l’indéfendable, c'est-à-dire le comportement de ces sénateurs, à
moins que, lui aussi, soit soudainement submergé par un hubris dû aux 86 voix
de son candidat au perchoir de l’Assemblée nationale et à sa rage de n’être pas
au premier plan.
Laissons, pour finir, la parole à la ministre de la Justice,
Nicole Belloubet qui, dans une tribune publiée par Le Monde, rappelle de
manière tout à fait juste et appropriée, le droit:
«Le champ d'intervention des commissions d'enquête n'est pas
indéterminé. L'article 51-2 de la Constitution en fixe les limites en renvoyant
à son article 24, qui donne au Parlement la mission de contrôler "l'action du gouvernement"
et d'évaluer les politiques publiques. Les mots ont un sens. Dans la
Constitution singulièrement. Chacun le sait, dans notre régime politique,
l'exécutif est bicéphale. Ainsi, le président de la République, distinct
constitutionnellement du gouvernement – et tout ce qui touche à la fonction
présidentielle –, ne saurait faire l'objet d'une commission d'enquête car cela
reviendrait dans les faits à rendre le chef de l'Etat, qui tire sa légitimité
directement du peuple souverain, responsable devant le Parlement. La Constitution
l'interdit formellement.»
Pour l’ancien étudiant en droit public que je suis, voici un
rappel salutaire…
Jean-François Borrou