Il suffit de lire un journal, de regarder la télévision ou
de consulter internet pour s’apercevoir que, partout, dans le monde, on fait, à
la fois, la chasse à la démocratie libérale et aux centristes.
Ce n’est pas un hasard, ni une coïncidence.
A l’époque du populisme démagogique de plus en plus
triomphant et du retour des vieilles idéologies clientélistes et intolérantes
de gauche et de droite avec, lancées en avant-garde, leurs extrémismes, la
critique, voire la répugnance, vis-à-vis de la démocratie libérale va de pair
avec l’hostilité, voire la haine, des centristes.
Car ceux-ci sont devenus, de fait, les principaux et
derniers défenseurs de cette démocratie républicaine issue des doctrines
libérales qui ont façonné l’univers politique des pays occidentaux, notamment,
depuis l’indépendance des Etats-Unis et la Révolution française, depuis Jefferson
et Sieyès.
C’est autour de ces mêmes centristes que se sont constitués
dans certains pays, comme la France, un axe central plus ou moins structuré,
plus ou moins coalisé (allant des libéraux de droite aux réformistes de gauche
en passant par les libéraux sociaux du Centre) qui est le dernier rempart
contre les régimes autocratiques, autoritaires voire dictatoriaux et
l’installation au pouvoir des populistes dans les démocraties alors même qu’ils
l’occupent déjà des Etats-Unis à la Grèce, de la Pologne à la Hongrie, de
l’Italie aux Philippines.
Alors que les échéances électorales approchent aux
Etats-Unis, il y a un déferlement de libelles et de déclarations contre le
Centre et les centristes avec cette idée, du côté de la droite avec Donald
Trump, que ce sont de dangereux activistes qui prônent des valeurs humanistes
qu’ils vomissent et, du côté de la gauche avec Bernie Sanders et Elizabeth
Warren, que le moment est venu pour réveiller les guerres idéologiques afin
d’imposer le socialisme version étasunienne et de se débarrasser définitivement
des Clinton (Bill et Hillary) et du legs d’Obama.
En France, l’«affaire Benalla» a, de nouveau, rappelé que
les clientélismes de gauche et de droite ainsi que la presse d’opinion, sans
oublier nos intellectuels médiatiques, n’ont toujours pas accepté la victoire
du Centre en 2017 et qu’ils souhaitent ardemment qu’elle ne soit qu’une
parenthèse à refermer au plus tôt en s’emparant de tout ce qui pourrait
permettre de se débarrasser d’Emmanuel Macron, de son gouvernement et de sa
majorité, des ragots les plus puants aux faits divers les plus anodins.
Et l’on voit fleurir dans certains quotidiens des articles
sur la destitution d’un président de la république pendant que nombre de
politiciens jouent de l’emphase au risque d’emporter la démocratie avec leurs
bons (mauvais) mots.
Tout ceci rejoint la chasse acharnée contre l’Américain
George Soros faite par le pouvoir hongrois et son chef, Viktor Orban, tout
simplement parce que celui-ci, à travers le financement d’organisations et
d’universités, défend, en tant que centriste, les valeurs libérales et
humanistes de la démocratie républicaine dans son pays natal.
En Russie, le pouvoir de Poutine laisse en paix le Parti
communiste mais s’attaque systématiquement, parfois jusqu’à l’assassinat, à des
personnalités politiques centristes qui défendent au prix de leur vie la
démocratie libérale.
En Italie, cette «concordance des luttes» des extrêmes
contre les centristes est allée jusqu’au bout avec l’ubuesque alliance
gouvernementale entre les populistes d’extrême-droite (la Ligue), ceux de
droite (avec Silvio Berlusconi) et ceux de gauche (avec le Mouvement 5 étoiles
de Beppe Grillo), celle-ci n’ayant qu’un seul point commun, la détestation du
Centre et de ses valeurs.
En Grande Bretagne, l’alliance objective à propos du Brexit,
entre l’extrême-gauche du Parti travailliste (et son leader, Jeremy Corbin)
avec l’extrême-droite du Parti conservateur (avec Boris Johnson) ainsi qu’avec
ce qu’il reste l’Ukip (et de son triste sire, Nigel Farage), s’est faite contre
les centristes et une de leurs plus grandes réalisations, l’Union européenne.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC