Barack Obama |
Invité
à prononcer un discours los de la commémoration du centenaire de la naissance
de Nelson Mandela, l’ancien président américain s’est voulu un défenseur
intransigeant de la démocratie libérale et a critiqué les autocrates et
populistes qui sont des menaces pour les libertés.
Il
a insisté sur la nécessité de former les citoyens pour qu’ils ne cèdent pas aux
sirènes trompeuses des adversaires de la démocratie et qui utilisent aujourd’hui
le mensonge avec la généralisation des «fake news» pour parvenir à leurs fins.
En
outre, il s’est dit convaincu que le combat contre les tendances autoritaires qui
se font jour partout dans le monde, pouvait être gagné et que la démocratie
demeurait le meilleur système de gouvernement des humains.
Dans
ce discours on retrouve toute la pensée de Barack Obama, tout l’Obamisme, qui
se base sur des valeurs humanistes et une volonté progressiste et centriste de
réformer la société, de l’adapter au réel et de lutter pour que chacun ait sa
chance de réussir.
Alors
qu’il était demeuré très discret depuis son départ de la Maison blanche – ce
qui lui était reproché par certains mais qui procédait de sa volonté de
respecter le choix des urnes –, il semble bien que les dérapages à répétition
de Trump et les menaces que sa présidence fait peser sur le monde libre ont
fait prendre conscience à Barack Obama qu’il devait intervenir de manière plus
systématique.
Néanmoins,
fidèle à sa ligne de conduite, il n’a pas attaqué ad hominem l’homme Donald
Trump même si la teneur de ses propos ne laisse aucun doute sur son désaccord
profond avec l’action du président actuel des Etats-Unis.
Voici
les principaux extraits de son intervention en Afrique du Sud:
(…) Dans presque tous les pays, l'influence économique
disproportionnée de ceux qui sont au sommet a donné à ces individus une
influence extrêmement disproportionnée sur la vie politique de leurs pays, sur
leurs médias, sur les politiques qui sont mises en place et sur les intérêts
qui finissent par être ignorés. C'est pourquoi, à la fin du XX° siècle, alors
que certains commentateurs occidentaux déclaraient la fin de l'Histoire et le
triomphe inévitable de la démocratie libérale, la plupart ont ignoré tous les
signes qui indiquaient l'imminence d'un retour de bâton.
(…) Aux Etats-Unis, au sein de l'Union européenne, les
critiques de la mondialisation sont d'abord venues des rangs de la Gauche,
puis, avec plus de vigueur, de ceux de la Droite. Des mouvements populistes,
souvent financés par des milliardaires cyniques désireux de réduire l'emprise
du gouvernement sur leurs intérêts commerciaux, ont mis à profit le malaise
ressenti par de nombreuses couches de la société, qui craignent que leur
stabilité économique ne s'effrite, que leur statut social et leurs privilèges soient
amoindris, et que leurs identités culturelles soient menacées par des étrangers
ou des personnes qui ne leur ressemblent pas.
(…) Une politique de la peur et de la rancœur est apparue,
une politique qui est aujourd'hui en pleine expansion, ce qui aurait semblé
inimaginable il y a quelques années. Je ne suis pas alarmiste, je dis
simplement les faits. Regardez autour de vous : les hommes forts ont la cote,
et si les élections et des apparences démocratiques sont maintenues, ceux qui
sont au pouvoir cherchent à saper consciencieusement les institutions et les
normes qui donnent à la démocratie tout son sens.
(…) Deux histoires différentes, deux scénarios différents de
ce que nous sommes et ce que nous devrions être. J'ai foi en la vision de
Nelson Mandela. Une vision partagée par Gandhi, Martin Luther King et Abraham
Lincoln. Je crois en une vision de l'égalité, de la justice, de la liberté et
de la démocratie multiraciale, fondée sur le principe selon lequel tous les
êtres humains sont créés égaux et qu'ils sont dotés par notre créateur de
certains droits inaliénables.
Dans ses écrits, Mandela montre à ceux d'entre nous qui
croient en la liberté et la démocratie que nous allons devoir nous battre plus
fort pour réduire les inégalités et promouvoir des opportunités économiques
durables pour tous. Il faut un capitalisme inclusif à la fois au sein des
nations et entre les nations. Mandela nous enseigne aussi que certains
principes sont vraiment universels – le plus important étant que nous sommes
unis par une humanité commune et que chaque individu a une dignité et une
valeur inhérentes.
Il m'est surprenant de devoir continuer à affirmer cette vérité
encore aujourd'hui. Plus d'un quart de siècle après la libération de Mandela,
je dois encore dire que les Noirs, les Blancs, les Asiatiques, les
Latino-Américains, les femmes et les hommes, les homosexuels et les
hétérosexuels sont tous humains, que nos différences sont superficielles et que
nous devons nous traiter les uns les autres avec respect. Comme nous le voyons
dans les récentes dérives de la politique réactionnaire, il se trouve que la
lutte pour des principes basiques de justice n'est jamais vraiment terminée.
C'est une vérité qui est au cœur de chaque religion mondiale
– que nous devrions traiter autrui comme nous voudrions être traités. Que nous
pouvons partager des espoirs communs et des rêves communs.
Mandela nous rappelle enfin que la démocratie, ce n'est pas
juste des élections. Lorsqu'il a été libéré de prison, il était au summum de sa
popularité. S'il l’avait voulu, il aurait pu être président à vie, gouverner
par décrets, sans se préoccuper de l'équilibre des pouvoirs. Mais au lieu de cela,
il a guidé l'Afrique du Sud dans la rédaction d'une nouvelle Constitution, en
s'inspirant de toutes les pratiques institutionnelles et des idéaux
démocratiques les plus solides, bien conscient du fait que personne ne détient
le monopole de la sagesse. Il a compris qu'il ne s'agit pas seulement de savoir
qui obtient le plus de votes. C'est aussi la culture civique que nous
construisons qui fait fonctionner la démocratie.
Il faut donc cesser de prétendre que les pays qui organisent
des élections où parfois le gagnant remporte 90% des voix parce que
l'opposition est en prison sont des démocraties. Certes, parfois, la
démocratie, c'est le désordre, c'est lent et frustrant. Mais la promesse
d'efficacité qu'offre un autocrate est un mensonge. Ne vous méprenez pas, car
cela conduit invariablement à une plus grande concentration de richesse et de
pouvoir au sommet, qui facilite la dissimulation de la corruption et des abus.
Malgré toutes ses imperfections, la vraie démocratie est celle qui respecte le
mieux l'idée que le gouvernement existe pour servir l'individu et non
l'inverse.
Pour que tout cela fonctionne, il faut croire en la réalité
objective, et aux faits. Sans faits, il n'y a pas de coopération. Je ne peux
pas trouver de terrain d'entente avec quelqu'un qui proclame que le changement
climatique n'existe pas, alors que tous les scientifiques du monde l'affirment.
Malheureusement, trop de politiques d'aujourd'hui rejettent le concept même de
vérité objective. Ils inventent n'importe quoi. On le voit dans la propagande
sponsorisée par l'Etat, sur Internet, dans le flou entretenu entre information
et divertissement. Les dirigeants politiques n'ont plus honte, lorsqu'ils sont
pris dans un mensonge, de se contenter de mentir davantage.
Comme pour le déni des droits, le déni des faits va à
l'encontre de la démocratie, et pourrait conduire à sa perte. C'est pourquoi il
faut protéger les médias indépendants, veiller à ce que les réseaux sociaux ne
soient pas seulement une plate-forme pour s'indigner ou désinformer, et enfin
insister pour que nos écoles enseignent la pensée critique à nos jeunes, pas
seulement l'obéissance aveugle. Il serait tentant de céder au cynisme, de
croire que les récents changements dans la politique mondiale sont trop
puissants pour être combattus. Tout comme les gens parlaient du triomphe de la
démocratie libérale dans les années 1990, on entend maintenant des gens parler
de la fin de la démocratie et du triomphe de l'homme fort. Il faut résister à
ce cynisme. (…)