A un an des élections au Parlement européen, alors qu’elle
traverse un moment de grande tension sur fond de populisme et de peurs
migratoires, Jean-Christophe Lagarde, le président de l’UDI, François Bayrou,
le président du Mouvement démocrate, et Christophe Castaner, délégué général de
LREM, affirment que l’Union européenne est à un tournant particulièrement
critique de son histoire où l’alternative simple mais essentielle: plus (du
tout) d’Europe et (beaucoup) plus d’Europe.
Le premier, lors d’un séminaire de son parti sur l’Europe
parle tout simplement de disparition:
«La conviction se dessine en moi que l'Europe est en train
de mourir (parce qu') on n'a pas voulu construire l'Europe.
Et lors d’une tribune sur le site du Huffington Post, il
explique:
«L’Europe qui s’est relevée des
guerres et de la barbarie de la première moitié du XX° siècle en inventant un
modèle unique de coopération entre nations, nous apporté paix et croissance.
Mais elle n’a pas su retrouver le même souffle et saisir l’occasion de devenir
la puissance qu’elle devrait être. Elle s’est rabougrie dans une vision administrative
et pusillanime de ses missions.
Par manque de vision, elle
accompagne et subit, aujourd’hui, une mondialisation qui nous impose des
intérêts et des modèles économiques et sociaux aux antipodes de ceux que
l’humanisme européen a fait émerger au cours des siècles.
Tandis que les populistes de tous
bords trouvent de plus en plus d’écho auprès de nos concitoyens déboussolés, la
responsabilité des gouvernements nationaux, au cours des dernières décennies,
est immense. Car plus les voix des europhobes portent haut, moins les
dirigeants nationaux défendent l’étendard européen. Chaque fois qu’une mesure
impopulaire est prise, ils brandissent l’Europe comme bouc-émissaire, pour
s’exonérer de leurs propres responsabilités. Aucun d’entre eux n’a été capable
de fixer des perspectives fédératrices.
De petites lâchetés en grands
renoncements, le plus beau projet politique porté sur notre continent se
détisse sous nos yeux.
Nos concitoyens ont fini par croire
que nos échecs collectifs étaient imputables à «trop d’Europe» alors même que
c’est parce qu’il n’y avait «pas assez d’Europe» que nous avons échoué.
Le second, sur le plateau de BFMTV, alerte sur sa décomposition:
«Il y a un rendez-vous historique sans précédent car pour la
première fois, la question de la décomposition de l’Europe est à l’ordre du
jour. Cela ne s’est jamais produit depuis que l’UE a été construite. Elle est à
l’ordre du jour avec une menace qui est l’idée propagée par les esprits qui
veulent une victoire électorale à tout prix, qui donc s’appuient sur les
instincts les plus chahutés. Ces instincts essaient de vendre à l’opinion
publique, pour avoir des gains électoraux, l’idée que cela sera beaucoup mieux
si on applique le ‘chacun pour soi’ et que chacun des pays européens peut s’en
tirer par lui-même. Cette idée est pour moi la plus dangereuse et la plus
destructrice pour notre économie, notre défense, et l’équilibre de la planète.
Nous voyons bien qui sert cette idée: les hyper-puissances que sont les Etats-Unis
de Trump et la Chine. Le seul pôle de résistance, c’est l’Europe, qui est la
seule à avoir à la fois la dimension et la capacité. Détruire et décomposer ce
pôle de résistance, c’est une formidable affaire pour tous ceux qui
préfèreraient être les seuls aux commandes de la planète. En face de cela, il y
a des débats politiques entre dirigeants européens qui sont apparemment loin
d’être à la hauteur de la situation… Et je suis content que le président de la
République Française veuille mettre les choses à la hauteur de la situation. Je
vois bien que madame Merkel a elle-même des soucis de ce point de vue-là. Je
vois aussi les conséquences considérables de la sortie du Royaume-Uni et les
très grandes difficultés qu’il rencontre à cause de cela. Tous ceux qui nous vendent
l’idée que cela serait mieux tous seuls, qu’ils jettent un coup d’œil sur la
Grande-Bretagne et sur la Grèce.»
Le troisième, dans une lettre ouverte sur les dérives de la
Droite, appelle à contrer les velléités de destruction des populistes et des
nationalistes:
«Parce que nous ne nous résignerons jamais comme l'écrivait
Guillaume Apollinaire, ‘il est grand temps de rallumer les étoiles’, celles du
drapeau européen, pour éclairer le chemin à emprunter: opposer à l'illusion
mortifère du populisme un projet progressiste, crédible et commun.»
Un catastrophisme qui s’appuie malheureusement sur une
réalité bien tangible que nous offre les 27 Etats membres de l’UE (plus le
Royaume Uni qui n’est pas encore dehors) et les dirigeants de ses désormais nombreux
gouvernements populistes alors même que les autres leaders semblent transi à
l’idée d’agir, sauf, pour l’instant, Emmanuel Macron.
Mais que l’on ne s’y trompe pas, la mort ou la déliquescence
de l’Union européenne seront aussi celles de l’Europe tout court.
En tant que puissance, que continent, que civilisation,
l’Europe n’a pas le choix pour demeurer maître de sa destinée: son union.
Et même plus, un approfondissement continuel de cette union
dans une démarche fédéraliste.
Bien entendu, ce serait mieux et surtout plus efficace sur
le long terme si tous les pays, d’abord de l’Union européenne, ensuite du
continent européen, s’unissaient dans un destin commun.
Mais ce n’est pas le cas, ni dans l’une, ni dans l’autre.
D’où cette nécessité que les centristes ont faite leur
depuis quelques années, d’une Europe à plusieurs vitesses avec ce noyau dur de
quelques pays qui irait énergiquement et dans une démarche politique forte, vers
un approfondissement de son union dans un cadre de plus en plus fédéraliste.
Si François Bayrou, qui a toujours pratiqué une certaine
ambivalence sur l’approfondissement fédéraliste, est moins catégorique sur ce
point, ce n’est pas le cas de Jean-Christophe Lagarde qui, lui, veut faire de
l’UDI, le parti français le plus fédéraliste européen ou de Christophe
Castaner, porte-parole du projet européen du Président de la république.
Dans la mouvance centriste, il ne faudrait pas oublier la
démarche résolument européenne du Mouvement radical libéral et social,
coprésidé par Laurent Hénart et Sylvia Pinel.
Ni celle de l’Alliance centriste dont l’européanisme de son
fondateur, Jean Arthuis, ne peut être mis en doute.
Tous ceux-là aussi et d’autres ont fait part de leur
inquiétude quant à l’avenir de l’Union européenne.
Lanceurs d’alerte, les centristes doivent maintenant s’atteler
à la tâche, ô combien périlleuse, de construire la vraie Europe unie.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC