Jean-Louis Borloo & Emmanuel Macron |
Or donc, le citoyen Borloo – il insiste bien «je ne suis pas
un acteur de la vie politique, j'ai quitté la vie politique, ce qui m'autorise
à faire de temps en temps des alertes» – ne serait pas content de la politique
du président Macron.
Or donc, cul sec, le citoyen Borloo s’est répandu en
critiques sur l’action du président Macron lors d’une réunion dans sa bonne
ville de Valenciennes malencontreusement enregistrée – oups! – et diffusée un
peu partout.
Ecoutons-le:
«Moi, mon sentiment c'est qu'on est en train de remplacer le
vieux monde des solidarités par le jeune monde des abandons de ceux qui ont
besoin de la solidarité, en d'autres termes, il faut faire attention à ce que
notre pays ne se retrouve pas dans la situation désagréable où le gratin se
sépare des nouilles (…) C'est le problème d'une monarchie qui en fait n'a plus
de moyens, et ce qui me dérange c'est que les quelques moyens qu'elle a, elle a
décidé d'arbitrer pour permettre à ce qui courent le plus vite de courir de
plus en plus vite. (…) Cette vision de la société, je la trouve inefficace et
dangereuse».
C’est son droit le plus strict de citoyen et sans doute
a-t-il quelques arguments à faire valoir et que j’attends avec impatience de la
part d’un homme aux convictions de centre-droit, membre inamovible des gouvernements
Chirac et Sarkozy et ayant fait fortune en tant qu’avocat d’affaires.
Mais le problème est que le citoyen Borloo disait exactement
le contraire il y a peu, notamment lors d’un entretien sur Radio classique,
contredisant même ceux qui voulaient qu’il soit en pétard contre ledit président
Macron lorsque celui-ci avait semblé mettre son plan banlieue au placard et
peut-être même aux oubliettes.
Ecoutons-le:
«J'observe que dans le discours (de Macron) un certain
nombre d'éléments (de son rapport) étaient présents et que le président de la
République a donné rendez-vous en juillet (…) Je n'ai aucun problème avec le
président, vous n'avez pas de problèmes avec quelqu'un qui vous confie une
mission sur un sujet aussi compliqué. Quand le Président de la république
demande à quelqu'un un rapport pour contribuer à des prises de décision, le Président
de la république est souverain. Ce n'est pas à celui qui remet le rapport,
construit avec l'ensemble des acteurs, ses ministres, les régions, les
départements, les villes, de faire le moindre commentaire».
Mais voilà-t-il pas que juste après ce revirement, le
citoyen Borloo intervient tout de go dans Le Figaro pour dire qu’il ne visait
pas le président Macron mais les dérives politiques de notre époque, comme si
il n’y avait jamais participé…
Ecoutons-le:
«Ce n'était pas un meeting. J'étais dans ma bonne ville de
Valenciennes, invité dans une réunion sur la rénovation urbaine où nous avons
parlé de l'Afrique et des migrants. C'était une vision globale sur les élites
(…) On ne peut pas aborder la question des migrants sans évoquer le sujet de la
relation Europe/Afrique. On peut être interrogatif sur la façon dont cette
question est gérée! Je maintiens: attention à ce que les élites européennes ne
se séparent pas peuples européens (…) Si certains l'ont pris pour eux, ce
n'était pas mon propos qui ne s'adressait pas au gouvernement ou au président.
Ça n'avait rien à voir avec le président! Si on essaie de faire le lien, c'est
juste ridicule (…). On peut sortir une phrase d'une intervention d'une heure!
Mais j'ai pris la précaution de dire que je ne parlais pas de la situation
française. Je peux avoir une vision globale sans que l'on me mêle aux petites
phrases du jour».
Puis, se ravisant encore, le citoyen Borloo dit sur
franceinfo, que, quand même, c’était bien un peu, beaucoup, passionnément
contre ce que représente le président Macron, sa politique et les élites qui le
suivent qu’il a parlé et qu’il en avait gros sur le cœur vis-à-vis de celui qui
n’a pas voulu de son plan pour les banlieues – «c'était un moment
symbolique, le rendez-vous avec le chef de la nation a été raté».
Tout cette emberlificotage borlooesque est un épisode
politicien peu reluisant, teinté de frustration revancharde dont tous les
opposants du président Macron se sont emparé, ce que le citoyen Borloo ne
pouvait ignorer (on a beau n’être plus qu’un citoyen lambda, quand on a 30 ans
de politique derrière soit, on sait jouer le jeu politicien).
De gauche et de droite, le voilà avec beaucoup de nouveaux amis,
ce qui le consolera d’avoir perdu celui de l’Elysée.
Déjà, Valérie Pécresse et Xavier Bertrand l’ont adoubé...
Deux remarques, tout de même, sur le citoyen Borloo dans
cette affaire.
La première est que pour un ex-avocat d’affaires parmi les
mieux payés du monde (spécialisé dans les entreprises en difficultés) et
conseil de Bernard Tapie, sa descente sur les élites est, ad minima, paradoxale.
La deuxième, surtout, est une question simple: le citoyen
Borloo, ex-avocat d’entreprises, aurait-il oublié que pour redistribuer la
richesse il faut d’abord la créer, crédo centriste s’il en est un qui va à
l’encontre de celui de gauche «redistribuons même si l’on ne crée pas de
richesse» et celui de la droite «celui qui a créé la richesse n’a pas
d’obligation de la redistribuer».
Enfin, un constat:
Si le président Macron a séparé les nouilles du gratin, le
citoyen Borloo, lui, a oublié de mettre de l’eau dans son vin.
Centristement votre
Le Centriste