Le
dévoilement en Conseil des ministres du premier volet de la réforme des
institutions et la publication dans la presse des deux autres volets qui sont
encore au Conseil d’Etat pour son avis, ont soudainement réactivé les critiques
des centristes de l’UDI mais aussi du MoDem sur les intentions du Gouvernement
et du Président de la république, critiques qui s’étaient déjà exprimées lors
de la présentation de la réforme par le Premier ministre, Edouard Philippe.
Que
ce soit l’UDI ou le MoDem, les deux partis espèrent et demandent que les textes
puissent être réellement discutés et, surtout, amendés, lors de leur passage
devant l’Assemblée et le Sénat.
Si,
ni le Mouvement démocrate, ni l’UDI ne vont pas jusqu’à menacer, pour l’instant,
de ne pas voter la réforme, l’UDI parle de «déception» et le MoDem demande un «compromis».
Voici
les communiquées du MoDem et de l’UDI:
- Mouvement démocrate (communiqué sous le titre: «Réforme
constitutionnelle : Une base de travail dont les parlementaires doivent se
saisir pour rendre le compromis possible »)
«Le groupe Mouvement démocrate et apparentés prend acte de
la présentation ce jour en Conseil des ministres du projet de loi
constitutionnelle.
Défenseur de longue date d’un nouvel équilibre
institutionnel, le groupe MoDem salue un certain nombre de changements attendus:
réforme du Conseil Supérieur de la Magistrature, composition du Conseil
Constitutionnel, incompatibilité des mandats de ministre et de responsable d’un
exécutif local, réduction du nombre de parlementaires, limitation du nombre de
mandats dans le temps.
Il rappelle par ailleurs les fondements qui doivent guider
cette réforme et qui vont nécessiter désormais que nos deux assemblées se
saisissent pleinement des trois textes qui constituent la réforme
institutionnelle afin de les faire évoluer et de les renforcer sur différents
points.
L’objectif général d’amélioration de notre fonctionnement
démocratique passe ainsi par:
- Un nouvel équilibre entre exécutif et législatif grâce au
renforcement des moyens de contrôle et d’évaluation des assemblées, une
meilleure visibilité de l’agenda parlementaire, une convergence des droits et
obligations du Parlement et du gouvernement, un droit d’amendement individuel
maintenu mais régulé par les assemblées et une nécessaire réorganisation du
travail parlementaire entre travail en commission, travail en hémicycle et en
circonscription. Ainsi, nous pourrons répondre à l’exigence formulée par le
président de la République d’un parlement moins nombreux mais plus efficace et
permettre que la réforme aboutisse à renforcer réellement les pouvoirs du
Parlement.
- Une réelle représentation des différents courants de la
vie politique française en combinant scrutin majoritaire et scrutin
proportionnel effectif.
- Une décentralisation renforcée par la capacité donnée aux
collectivités et à l’État déconcentré d’adapter les règles aux spécificités
locales. Cette réforme doit permettre, tout en maintenant le cadre national, de
tenir compte des réalités locales et de sortir d’une logique de
décentralisation centralisatrice au profit d’une réelle autonomie des
territoires.
Désormais, c’est aux parlementaires de se saisir de ces
textes pour les faire évoluer dans le sens d’un meilleur équilibre des pouvoirs
et d’une démocratie plus lisible pour les citoyens. S’agissant de textes qui
touchent profondément aux prérogatives des parlementaires, le groupe MoDem ne
doute pas que dans les deux assemblées se trouvent – au-delà des clivages
partisans – une majorité réformatrice pour nos institutions.
En tant que centristes, profondément attachés à ces
questions, les députés du groupe MoDem, mais aussi leurs collègues du groupe
sénatorial et du groupe UDI-Agir – représentant près de 120 parlementaires dans
les deux assemblées – entendent peser sur ces débats. Un compromis est possible
si, comme lors de la réforme de 2008, les débats permettent de largement
amender le texte.»
-
UDI (texte d’Hervé Marseille qui se présente, non pas, en tant que membre de l’UDI
mais comme président du groupe Union centriste au Sénat qui réunit des élus UDI
et MoDem, essentiellement)
«Au-delà d’évolutions actées par tous dès l’été dernier, le
projet de loi constitutionnelle présenté ce matin en Conseil des ministres
renforce malheureusement le déséquilibre entre l’Exécutif et le Parlement et
réduit de façon injustifiée les responsabilités du Sénat.
Tout au long de ces derniers mois, le groupe centriste du
Sénat s’est dit favorable à travailler collectivement à l’amélioration des
procédures parlementaires; il demeure attaché au dialogue. ‘Améliorer la
qualité de la Loi, renforcer l’évaluation des politiques publiques, fluidifier
le travail du Parlement sont des objectifs auxquels nous souscrivons pleinement’
a rappelé Hervé Marseille, président du Groupe.
Or, sous couvert de gains de temps minimes, le projet de loi
encadre excessivement les droits du Parlement et cantonne le Sénat à un rôle
quasi-consultatif. Aucune des propositions émises par le Sénat ces derniers
mois n’a été reprise. Le Parlement reste en attente des moyens du contrôle de
l’action publique annoncés.
‘L’option retenue n’est pas la bonne! Nous espérons que le
Gouvernement réalisera que cette piste n’est pas soutenable. Le Groupe UC veut
croire que la discussion parlementaire corrigera ces excès et enrichira le
projet de réforme sur de nombreux points. En dépit de notre déception, nous
restons attachés à l’aboutissement des réformes utiles à notre pays’, conclut
Hervé Marseille.
Les prochains projets de loi organique et ordinaire associés
au projet de révision constitutionnelle seront également déterminants. Ils ne
devront en aucun cas confirmer le sentiment que le pouvoir exécutif se
contenterait volontiers d’un Parlement affaibli. Ce n’est pas la marque d’une
démocratie moderne que de concentrer les pouvoirs entre les mains d’un exécutif
tout puissant.»
De
son côté, la présidente de la Commission des lois à l’Assemblée nationale et
députée La république en marche, Yaël Vraun-Pivet, défend le texte dans une
interview au quotidien Ouest France:
- «Je crois que tout le monde est d'accord sur les objectifs:
il faut une procédure de vote plus efficace pour que le Parlement puisse se
concentrer sur ses autres missions, le contrôle du gouvernement et l'évaluation
des politiques publiques.
Tout le monde se désespère de la longueur des navettes
parlementaires. Ce n'est pas le nombre de lectures qui fait la qualité de la
loi, bien au contraire. Il ne s'agit pas d'empêcher le Parlement de débattre,
mais de faire en sorte qu'il puisse débattre utilement. C'est une question
d'efficacité.»
- «Personne ne souhaite porter atteinte au droit
d'amendement. Mais dire qu'ils doivent avoir un lien avec le texte qu'on
examine, est-ce iconoclaste ? Il y a déjà une jurisprudence constitutionnelle
qui sanctionne les cavaliers législatifs. La réforme vise à l'encadrer plus
précisément en donnant la possibilité de prononcer l'irrecevabilité de ces
amendements hors sujets. Cela nous permettra de nous concentrer sur les plus
pertinents et d'écarter ceux qui sont parfois dilatoires, dictés par les enjeux
politiques.»
Pour autant, elle ne ferme pas la porte à des amendements
lors de la discussion au Parlement:
«On ne saurait imaginer un texte soumis au Parlement qui ne
serait pas amendé. Le projet me semble atteindre les objectifs d'efficacité, de
renouvellement, de changement des pratiques. Mais on peut encore le modifier.
Je défends l'idée qu'il faut plus de souplesse dans nos procédures, le fait par
exemple de pouvoir voter des textes en commission et de ne prévoir qu'une
ratification en séance publique. Pourquoi les procédures devraient-elles être
identiques pour tous les textes ? Ça nous amène à des hémicycles vides sur des
textes très techniques difficiles à modifier.»