Et si, in fine, Emmanuel Macron et LREM avait plus besoin
des centristes «de l’extérieur», notamment ceux de l’UDI, que ceux «de
l’intérieur», c’est-à-dire du MoDem.
Cette hypothèse, portée implicitement par Jean-Christophe
Lagarde, le patron de l’UDI, n’est pas aussi incongrue qu’elle puisse paraître
au premier abord.
Car, paradoxalement, la relation semble plus claire entre
LREM et l’UDI qu’entre le MoDem et LREM et même entre l’UDI et le MoDem.
Même si Jean-Christophe Lagarde louvoie constamment entre
soutien et opposition au Gouvernement dans ce qu’il appelle un «soutien
critique» ou une «opposition constructive», au choix, même si Emmanuel Macron
et Edouard Philippe font, en public, peu de cas de l’UDI, de chaque côté sait à
quoi s’en tenir de l’autre.
En revanche, la relation entre LREM et le MoDem, celle entre
François Bayrou et Edouard Philippe et même celle avec Emmanuel Macron ne
manquent pas d’ambiguïté et n’ont jamais été réellement clarifiées au-delà de
serments de fidélité de Bayrou et des déclarations consensuelles de Macron en
la matière.
Si tous font partie de la majorité présidentielle, on sent
bien que le MoDem peine à trouver sa place dans le binôme qu’il forme avec LREM
et que son manque de personnalité propre bien entretenue par son «partenaire»
lui pose déjà un problème existentiel.
De même François Bayrou n’a pas autant l’oreille du
président qu’il veuille bien le prétendre, le projet de réforme des
institutions où nombre de ses propositions sont passés à l’as alors qu’elles
étaient, selon lui, constitutives de l’alliance entre les deux hommes lors de
la présidentielle et non-discutables, le démontre amplement.
Il ne faut pas oublier, à l’opposé d’un Jean Arthuis,
l’ancien président de l’Alliance centriste, qui est un soutien pratiquement dès
le début de l’aventure macronienne, que le président du Mouvement démocrate
n’est pas un (r)allié de la première heure, loin s’en faut.
Bayrou fut, ne l’oublions pas et avant d’être un admirateur
parfois trop transi, un contempteur féroce de Macron alors même que les
critiques venues de l’UDI et de Lagarde ne furent jamais aussi négatives et,
qu’on le veuille ou non, cela a laissé des traces, notamment une certaine
méfiance, tout autant au MoDem qu’à LREM.
C’est sans doute pour toutes ces raisons que le MoDem et ses
dirigeants tentent de se distinguer de LREM et qu’ils n’hésiteront pas, dans un
premier temps, à aller au combat (mais sans doute pas au clash) sur la réforme
constitutionnelle pour rappeler leur existence.
Cependant, un quinquennat, c’est long et il peut se passer
beaucoup de choses.
Dans cette optique d’un moyen-long terme, les avantages et
les handicaps des deux camps (MoDem et UDI) ne sont pas les mêmes et penchent
souvent en faveur des centristes d’«en dehors» à moins qu’un équilibre soit
trouvé entre le Mouvement démocrate et La république en marche ainsi qu’une
relation plus étroite entre Bayrou et Macron.
Si l’on fait un tableau sur les avantages et les handicaps
entre l’UDI et le MoDem, il ressort que:
- Le MoDem fait partie de la majorité présidentielle, ce qui
lui donne une capacité d’action plus grande que l’UDI mais à condition que LREM
lui donne vraiment la possibilité de s’exprimer, ce qui n’est pas le cas
actuellement;
- Tous les députés MoDem, sans exception, doivent leur
élection à Macron et à LREM alors qu’aucun UDI n’est dans ce cas ce qui donne
un gros avantage à cette dernière qui a moins à craindre d’un positionnement
indépendant;
- La quasi-obligation du MoDem de soutenir jusqu’au bout du
quinquennat le gouvernement et le président de la république ainsi que la
majorité absolue de LREM à l’Assemblée nationale donne peu de moyen de pression
du MoDem sur l’action du gouvernement et du président de la république;
- La position «en dehors» de l’UDI peut lui permettre de
jouer un plus grand rôle si le pouvoir a besoin de montrer son ouverture ou de
compenser des défections dans les rangs de LREM, voire d’une fronde du MoDem
alors que la position «en dedans» de ce dernier et son incapacité à faire
capoter une loi ou une réforme, le marginalise;
- Le faible nombre de députés UDI tempère l’avantage
précédent mais il est un peu contrebalancé par une présence plus importante au
Sénat et dans les collectivités locales;
- François Bayrou demeure encore un recours à l’échec
d’Edouard Philippe et que Macron pourrait aller le chercher pour Matignon dans
cette hypothèse mais la baisse de la cote de popularité du patron du MoDem joue
de moins en moins en sa faveur.
- En cas d’échec de la politique d’Emmanuel Macron, le MoDem
sera comptable de celle-ci au même titre que LREM alors que l’UDI pourra faire
jouer son indépendance, ce qui pourrait, à la fois, lui permettre de tirer son
épingle du jeu dans cette hypothèse mais aussi l’empêcher, par peur pour son
existence, de rejoindre la majorité quand celle-ci aura besoin d’elle.
Mais, in fine, ce pourrait être bien la mouvance Agir,
regroupant la droite libérale proche de Juppé et anti-Wauquiez qui pourrait mettre
d’accord les centristes de l’extérieur et de l’intérieur, même si la nomination
comme Premier ministre d’Edouard Philippe n’a pas donné lieu à la grande
transhumance attendue – et sans doute espérée par Macron – des membres de LR
libéraux vers LREM.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC