François Bayrou |
Outre
son attaque assez dure contre le texte du projet de réforme constitutionnelle à
propos du cumul des mandats et de la dose de proportionnelle aux prochaines
élections législatives (voir
ici), François Bayrou a, une nouvelle fois, lors de son passage sur BFMTV, reprochée
au Gouvernement et au Président de la république de ne pas avoir de projet
social conséquent qui est, selon lui, absolument nécessaire.
Le
leader centriste a également mis en garde ceux-ci contre le scepticisme des
Français si les promesses électorales n’étaient pas tenues.
C’est
donc un Bayrou du combat que l’on commence à voir, même s’il a encore tressé
des lauriers à Emmanuel Macron (notamment à propos de son éloge du gendarme Arnaud
Beltrame et son sacrifice lors de l’attaque terroriste de Trèbes).
Sera-t-il,
à terme, une épine dans le pied de Macron comme beaucoup le prédisent depuis
longtemps, la question n’a pas encore de réponse mais est, à nouveau, posée.
Extraits
des propos du président du Mouvement démocrate:
- La société française en est au point, je vous dis cela
très gravement, où elle ne peut plus accepter cette idée de l'impuissance
publique. (…) Le gouvernement a choisi d'aller franchement à la réforme et on
ne peut pas le lui reprocher. Il y a tellement de gens qui ont rusé...
- Au fond, je le dis depuis le premier jour, que la promesse
de l'élection d'Emmanuel Macron c'était des réformes d'un côté, et en même
temps, la justice et la solidarité. Le gouvernement devrait avoir comme
obsession cette question «où est la justice? où est la solidarité?». Il n'y a
que comme ça que l'on peut avancer.
En tout cas, pour moi, il faut améliorer. Je donne des
postes simples de propositions pour que l'on aille de l'avant dans un projet
social pour le pays; on a fait quelque chose de bien, je le note au passage,
c'est l'éducation. Le fait qu'on dédouble les classes dans les quartiers les
plus sensibles, c'est un progrès social. Le minimum vieillesse, c'est un
progrès social. Moi je dis qu'il faut une grande loi sur la participation. Je
sais très bien qu'il y a des gens qui n'en veulent pas. Mais je pense que c'est
absolument nécessaire. Il est vital qu'on ait un mécanisme, un mouvement qui
fasse que quand votre entreprise se porte bien, les salariés qui ont partagé
les efforts partagent aussi les bénéfices. Il y a déjà des dispositifs mais ils
sont marginaux. Mon ami Jean Peyrelevade a écrit récemment un livre dans lequel
il dit lui-même qu'on devrait réserver 25% de la propriété de l'entreprise à
terme aux salariés. Que l'intéressement puisse se traduire par une part
grandissante d'actions détenues par les salariés. C'est une question très
importante qui va à l'encontre du capitalisme mondial.
Deuxième proposition: il faut revoir la question de la
défiscalisation des heures supplémentaires. C'était l'intuition de Nicolas
Sarkozy, on n’a pas été d'accord sur tous les points mais sur ce point là je
pense qu'il y avait quelque chose de juste. Quand on fait l'effort de
travailler, il faut que soi-même et la famille puissions en retirer les
bénéfices.
- (…) On a un problème d'organisation du fonctionnement de
l'Etat, lequel fait que les logiques éternelles, les arguments des
administrations s'imposent. Quelque soit le ministre. Je vais prendre un
exemple qui me met dans une colère noire depuis plus de vingts ans: la crise du
monde de la santé aujourd'hui vient d'une décision criminelle maintenue au
travers du temps qui est le numerus clausus et le blocage du nombre des
étudiants en Médecine. Quand on pense que la France, le pays qui avait dans le
monde la santé la plus respectée, se trouve aujourd'hui à ne plus avoir de
médecins dans les quartiers des villes, dans les campagnes, que des spécialités
entières sont massacrées, désertées: la gynécologie, l'ophtalmologie... Tout ça
est une logique administrative qui s'est imposée il y a vingt ou trente ans,
contre la réalité. Quand vous pensez aux milliers de jeunes qui ont été écartés
en dépit de leur niveau et on les a jeté comme un Kleenex, je trouve ça affreux
pour la France. Ça n'est pas une décision politique mais qui a cheminé sous la
table et constamment remise en jeu. Les politiques ont démissionné face à ses
logiques administratives. Moi je suis pour que ce soit la politique qui ait la
prééminence dans ce pays.
- La réforme (des institutions) présentée est une réforme
qui a plusieurs chapitres. Des chapitres qui touchent à la Constitution
elle-même. Par exemple, qu’il n’y aura plus de Cour de Justice de la
République, cette justice spéciale pour les ministres. J’en avais fait la
proposition pendant les quelques semaines où j’étais garde des Sceaux, et cela
est repris. C’est la même chose pour le Conseil supérieur de la magistrature.
Cela, c’est la partie Constitution. Et la partie Constitution apparemment, il
n’y a pas de sujet d’affrontement. Il y a un consensus très important. Après il
y a un deuxième texte, qu’on appelle une loi organique et qui touche à la
composition des assemblées – du Sénat et de l’Assemblée nationale. Parce qu’en
France, la Constitution dit chaque fois qu’on doit fixer le nombre de sièges et
les conditions d’inéligibilité, alors c’est une loi organique. Et le propre
d’une loi organique, ça doit être voté dans les mêmes termes par
l’Assemblée et au Sénat, ou alors on passe au référendum. Et il y a un
troisième texte qui est le mode de scrutin qui est une loi qu’on appelle
«simple», c’est-à-dire qu’on peut faire des aller retours entre l’Assemblée et
le Sénat et c’est l’Assemblée qui a le dernier mot. Alors sur la Constitution,
on l’a dit il n’y a pas de difficulté. Sur le nombre de sièges, c’était
l’engagement du président de la République, et il est bien qu’il soit respecté.
- Ce qui compte, dans le débat que nous avons, c’est
l’espoir que les Français ont exprimé quand ils ont élu Emmanuel Macron. C’est
le projet, le contrat entre celui qui se présentait à la présidence de la
République et les Français. Et c’est pourquoi, on va voir qu’il faut encore
faire un effort pour que ce soit respecté. Mais il y a un point très important,
dans la loi organique, que les Français ont plébiscité, et qui n’est absolument
pas respecté dans le texte. Les Français ont plébiscité qu’au bout de trois mandats
– c’est long trois mandats: 18 ans pour un maire, 15 ans pour un député – on
change. Au bout de trois mandats, on peut se faire élire ailleurs, on peut
rester dans d’autres fonctions.
(…) Le texte est bien plus en distance que cela de la
promesse. La promesse était au bout de trois mandats, quand on aura voté le
texte, ça s’appliquera. Or là, par un tour de prestidigitation, de passe-passe,
d'escamotage, ça s’appliquerait si on suivait le texte en 2032 ou 2037. Alors
on voit bien pourquoi ça a été fait. Pour essayer de séduire le groupe LR du
Sénat: disons la vérité. Et cela ne marchera pas. On a sacrifié une partie
importante de la réforme pour avoir leur accord. Et au bout du chemin, on
n’aura pas leur accord et on n'aura plus la réforme. C’est pourquoi il va
falloir intervenir de manière décisive pour changer cela…
Nous et d’autres. Car je suis absolument certain qu’au groupe
LREM, il y a aussi des gens qui pensent comme moi, ainsi que dans l’opinion
publique. Si vous dites aux Français: «vous vous souvenez, vous avez voté pour
qu’au bout de trois mandats, et ça a fait des polémiques», mais les Français
ont bien compris qu’on ne peut plus avoir cet espèce de blocage perpétuel,
d’élus qui restent très longtemps dans les mêmes fonctions. Encore une fois, on
pourra changer de fonction. Mais le renouvellement exige qu’il y ait cette
barrière. Si on leur dit: «voilà, on va le faire, mais on avait oublié de vous
dire quelque chose, c’est que ça se ferait en 2032 ou 2037». Eh bien je suis
absolument certain que ce tour d’escamotage là, les Français ne l’accepteront
pas.
Je pense que le gouvernement a voulu obtenir les voix de
ceux qu’étaient contre la réforme. Je crois que cette manœuvre est vaine. Je
pense qu’au bout du chemin, il y aura une explication, et qu’on devra la voir
de manière claire et transparente. En tout cas, ce serait un abandon
extrêmement insupportable de la partie de la réforme à laquelle les Français
ont donné le plus leur assentiment. (…) De ce point de vue là, je ne peux pas
accepter ce qui est en train de se tramer.
(…) Pour moi, il y a là un manquement absolu à la promesse
faite, et donc il ne faut pas l’accepter. Les manquements, il faut les refuser,
et ce manquement il ne faut pas l’accepter parce que cela veut dire qu’au fond,
ce grand moment de rencontre qu’a été l’élection présidentielle, à laquelle
beaucoup d’entre nous ont pris part avec un très grand espoir, espoir justifié
parce que le président de la République a des qualités tout à fait
exceptionnelles. Je ne sais pas si vous avez entendu le discours magnifique
pour le colonel Beltrame aux Invalides, qui était un discours pas seulement
écrit, mais habité par quelqu’un qui avait le sentiment que quelque chose de
grand se jouait là. J’ai trouvé cela profondément heureux qu’on puisse avoir un
président de la République qui sache à des moments cruciaux de la vie de la
Nation, se saisir de son émotion et de ses attentes. Et situer au niveau de
l’horizon de l’idéal, ce qu’il avait à dire aux Français.
- 15% de proportionnelle ça veut dire 60 sièges. Si on a un
mode de répartition des sièges qui est simplement l'application du nombre de
voies obtenues, par les différents courants politiques du pays, les grosses
écuries, sur les 60 sièges, vont en prendre 35/40. Il va donc rester 20 sièges
à se partager entre les minoritaires. 20 sièges, sur 400. Cela veut dire que un
courant qui aura obtenu 10%, c'est à dire 2 millions de voies, aura 5 ou 6
sièges. C'est dérisoire. Si on veut obtenir les vertus que ce mode d'élection
apporte à la vie publique, c'est à dire une stabilisation et une justice, il
faudrait plus de sièges que ça. J'avais dit 100, on peut trouver. Tous les pays
européens sans exception ont un mode de scrutin très largement voire
intégralement proportionnel.
(…) On nous dit la Quatrième république, qui est un régime
qui a redressé la France, en ayant beaucoup réfléchi au sujet de la Cinquième
république, la Quatrième était un régime instable. Il se trouve que l'antidote
à ce poison a été trouvé par le Général de Gaulle et s'appelle «fonction
présidentielle». Elu au suffrage universel, le président ne dépend pas de
l'assemblée, des manœuvres d'appareil. Il forme le gouvernement comme il
l'entend, donc il ne peut y avoir d'instabilité. Et s'il y a une instabilité le
président a toutes les armes : droit de véto, etc.
- Il se trouve que j’ai une grande confiance en le président
de République. Et comme vous savez, je n’utilise pas cette expression très
souvent… Quand j’exprime un mouvement de confiance, c’est que je le ressens
profondément. C’est un homme qui a un profil, un visage, une manière de voir
les choses, qui sort de l’ordinaire. Et on avait un immense besoin de sortir de
l’ordinaire. Il n’est pas prisonnier des moules habituels et des influences.
Ici, cela paraît assez clair: le gouvernement lui a dit: «on va essayer de trouver
un accord avec le sénat». Il a dit: «ok, essayez de trouver un accord avec le
sénat». Mais il a ajouté une chose qui ne vous aura pas échappée, «on votera ce
texte en 2019». Presque un an, donc on a tout le temps d’y réfléchir,
d’entendre les mouvements profonds, et de prendre les décisions,
(…) Le référendum est une possibilité si on se trouve en
situation de blocage. Si vous lisez attentivement Le Parisien de ce matin, il y
a une grande interview du Premier ministre. Il va plus loin que ce que je n’ai
jamais dit moi-même. Il dit à peine entre les lignes que si le Sénat n’écoute
pas, on peut changer le mode d’élection des sénateurs.
(…) Je pense que ça doit évoluer, que c’est l’engagement du
président de la République, que nous sommes là pour le respecter, et que nous
sommes quelques uns à être « porte-parole » de ceux qui ont mis leur
espoir dans le président de la République.