Regards Centristes est une série d’études du CREC qui se penchent sur
une question politique, économique, sociale ou sociétale sous le prisme d’une vision
centriste. Quatorzième numéro consacré aux définitions actuelles qui concerne le
phénomène politique récent de l’axe central, de sa pérennité et de son avenir.
Le Centre et le Centrisme sont un lieu et une pensée
politiques bien identifiés pour ceux qui sont dans la volonté de faire un
travail d’analyse sérieux et de ne pas être uniquement dans une discussion
partisane.
Mais, à cette identification des «vrais» centristes, on doit
aujourd’hui ajouter d’autres définitions dans l’univers du Centre et au centre.
Il s’agit de l’espace central, de l’axe central, de la
centralité.
Pour mémoire rappelons les définitions du Centrisme et du
Centre.
Le Centre est un lieu politique qui regroupe les centristes,
c’est-à-dire ceux qui défendent et font leur le Centrisme.
Le Centrisme est un humanisme intégral (l’être humain, cause
et but de toute société humaine); un libéralisme social (la liberté solidaire);
un réformisme (l’ajustement continuel de la société); un pragmatisme (gouverner
à partir du réel); un progressisme (améliorer les conditions de vie de tous);
un individualisme (l’individu libre); un personnalisme (la personne porteuse de
droits et de devoirs dans un lien social équilibré).
Son principal principe d’action est le juste équilibre qui
peut se définir comme une bonne et pertinente répartition harmonieuse.
Celui-ci ne s’intéresse pas à un hypothétique lieu
géométrique axial mais vise à équilibrer la société afin d’y établir un consensus
maximal au profit de tous les membres de la communauté.
Il vise à donner le plus de satisfaction possible à tous les
citoyens tout en sachant que personne ne peut être contenté complètement.
Quant à son objectif, il s’agit de la mise en place d’une
démocratie républicaine respectueuse et équilibrée, la seule qui peut, à la
fois, prendre en compte tous les acquis démocratiques tout en les consolidant
dans une société du XXI° siècle où il faut, à la fois, renforcer les relations
collaboratives entre les personnes par un lien social dépoussiéré, refondé et
affermi par lequel s’exprime une responsabilité collective rénovée tout en étendant
la liberté de chacun grâce à l’approfondissement d’une autonomie individuelle
responsable.
- Axe central
L’axe central (appellation inventée par le CREC) est né il y
a peu, au cours des années 2015-2016, et il demeure encore aujourd’hui
largement virtuel (c’est-à-dire qu’il n’y a pas encore de constitution
structurée autour de lui d’une alliance, d’une confédération ou d’une coalition
quelconque e bonne et due forme) mais regroupe tout ce que le monde politique
compte de partis et de personnalités attachées à la démocratie républicaine
libérale, qui se définissent largement comme des humanistes réformistes progressistes.
L’axe central s’est constitué «naturellement» face à la
montée des extrémismes, des populismes et de la démagogie qui menacent l’existence
même de la démocratie républicaine.
De ce point de vue, il est la «découverte» de tout ce qui
rapprochent des forces politiques démocratiques et républicaines attachées à l’humanisme
et au progressisme pour faire face où la réaction, le clientélisme, le corporatisme
et la xénophobie qui connaissent un renouveau inquiétant et dangereux, le plus
important depuis la fin de la Deuxième guerre mondiale dans les démocraties
(notamment les démocraties occidentales), et face à des régimes autocratiques
et dictatoriaux qui ont entrepris une attaque en règle contre les valeurs de la
démocratie républicaine libérale, comme ceux de Chine ou de Russie mais aussi
du Venezuela, de Turquie, etc.
On peut se féliciter de la constitution d’un axe central où
se trouvent regrouper toutes le forces démocratiques et républicaines mais on
peut aussi voir cet axe comme un camp retranché face à la montée des périls
contre l’humanisme et la liberté et donc comme un rétrécissement de l’espace
politique démocratique et des forces qui le défendent.
Car l’axe central n’est pas un rapprochement politique voulu
et souhaité (même si les forces politiques qui le constituent partagent des
valeurs et des buts identiques) mais subi et imposé (dans le sens où il n’est,
au départ, pas offensif mais défensif), ce qui en dit long sur les menaces
existantes et montantes dont il veut préserver la démocratie républicaine et
les détruire.
En France, l’axe central est représenté par les humanistes
progressistes de droite, de gauche et du centre, c’est-à-dire l’aile libérale
et progressiste de la Droite, de l’aile social-libérale et réformiste de la
Gauche et de l’ensemble du Centre composé de libéraux sociaux.
Si l’on veut parler de personnalités en cette année 2018, on
peut citer un arc qui va d’Alain Juppé (LR et ancien premier ministre de droite)
à Manuel Valls (ex-PS apparenté LREM et ex-premier ministre de gauche) en passant
par Franck Riester (Agir), Jean-Christophe Lagarde (UDI), François Bayrou
(MoDem) et, bien entendu, du président de la république actuel, Emmanuel Macron
(LREM), et de son premier ministre, Edouard Philippe (ex-LR).
Pour l’instant, il n’y a pas d’alliance formelle de l’axe
central mais une alliance objective quant à la politique à mener et les
réformes à entreprendre, le tout dans la défense de la démocratie républicaine.
Mais il est possible que pour les élections européennes de
2019, se constitue une liste «axe central».
A noter que certains membres de l’axe central n’ont pas
repris le terme à leur compte pour se définir ce qui n’empêche pas leur
appartenance de fait à celui-ci.
- Espace central
L’espace central est le lieu politique où se retrouvent les
partis et les personnalités faisant partie de l’axe central.
Cet espace central est aujourd’hui le lieu où se retrouvent
tous les humanistes progressistes et défenseurs de la démocratie républicaine
qui constituent l’axe central.
Il est borné à sa droite par l’espace où se retrouvent les
conservateurs nationalistes, les droitistes radicaux et les extrémistes de
droite (allant d’une partie de Les républicains au Front national en passant
par Les patriotes et Debout la France).
A sa gauche, il est borné par l’espace qui regroupe les
socialistes doctrinaires (ceux du PS et d’une partie de FI), les socialistes radicaux
et les extrémistes de gauche (allant d’une partie de la France insoumise à
Lutte ouvrière en passant par le parti communiste et le NPA).
- Centralité
La «centralité» est un terme utilisé par ceux qui se
trouvent dans l’axe central et qui ne sont pas centristes.
Pour ceux qui l’utilisent, il s’agit de montrer que l’on
veut rassembler le plus possible tous ceux qui défendent la démocratie
républicaine face aux menaces des radicaux, des extrémistes et des populistes
sans pour autant être du Centre, stricto sensu.
Le terme de centralité a ainsi été beaucoup utilisé par
Alain Juppé et ses partisans lors de la campagne des primaires de LR, à la fois
pour expliquer le positionnement de ce courant de la Droite ainsi que pour se
distinguer du Centre alors même que l’ancien premier ministre de Jacques Chirac
avait reçu le soutien des centristes en général et de François Bayrou en
particulier et qu’il voulait se démarquer de ce dernier sans pour autant renier
son programme et son projet politiques.
La centralité, plus généralement, concerne tous ceux qui
rejettent le populisme démagogique radical et extrémiste.
C’est pour cela qu’il faut bien comprendre que certains
revendiquent une centralité de gauche et d’autres une centralité de droite qui
va au-delà des positionnements de centre-droit et de centre-gauche.
- Présent et futur de l’axe central
Si l’on vient de parler du présent de l’axe central et du
rôle qu’il joue et qu’il est amené à jouer dans les années qui viennent, on
peut se demander s’il possède un avenir autre que conjoncturel et s’il n’est
pas, dans ses gènes même, appelé à disparaître.
Cela pourrait être le cas si les menaces radicales et
extrémistes populistes sont éradiquées ou disparaissent d’elles-mêmes auquel
cas les oppositions politiques traditionnelles entre Droite, Gauche et Centre
et leurs formations démocrates et républicaines pourraient retrouver leur
actualité et leur sens.
Néanmoins, il semble qu’une nouvelle structuration de l’espace
politique soit en cours (même si rien n’est sûr pour l’instant) comme le montre
l’élection d’Emmanuel Macron et la création de La république en marche en France
mais aussi avec l’émergence de tous les partis populistes et radicaux de gauche
et de droite dans les démocraties républicaines comme la France insoumise (France),
le Mouvement cinq étoiles (Italie), Podémos (Espagne), Syriza et Aube dorée
(Grèce), AfD (Allemagne), Ukip (Grande Bretagne) sans oublier l’élection de
Donald Trump à la présidence des Etats-Unis et la radicalisation de franges des
partis traditionnels de droite et de gauche.
Tout ceci n’est pas constitué que d’accidents de l’Histoire
mais d’un mouvement de fond qui tire ses origines de la fin du XIX° siècle et
de la première moitié du XX° siècle.
De ce point de vue, c’est plutôt la Deuxième guerre mondiale,
en tant qu’ «accident de l’Histoire», qui a entravé mais pas annihilé cette montée
en puissance de ces mouvements -- surtout, évidemment, ceux de la droite radicale
et extrémiste – qui se sont retrouvés, pour certains, au ban de l’Humanité, et
pour d’autres en déshérence momentanée (même si du côté de l’extrême-gauche les
communistes et leurs avatars ont connus une période plutôt faste).
Si tel est le cas, c’est donc à un affrontement de long
terme auquel on doit s’attendre entre les défenseurs de la démocratie
républicaine et les populistes radicaux et extrémistes.
Une perspective très pessimiste mais malheureusement
possible et qui nécessitera une longue lutte pour ceux qui croient encore que
la démocratie républicaine est le meilleur système politique.
Alexandre Vatimbella avec l’équipe du CREC
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