La démocratie républicaine nécessite des citoyens possédant
du savoir et correctement informés.
Ce n’est pas nouveau.
Tous les promoteurs d’un tel régime de liberté ont toujours
insisté, à la fois, sur la responsabilité de l’individu et sa capacité à faire
des choix.
Et ce qui ferait de lui cette personne responsable et
éclairé serait avant tout qu’il soit instruit et informé, d’où la place éminente
que l’école a toujours eu dans une démocratie républicaine et que les
centristes, depuis Jules Ferry jusqu’à François Bayrou, ont toujours mis en
avant de leurs préoccupations.
D’où le rôle éminemment important de tout le système de
transmission du savoir, c’est-à-dire l’école et la presse ou, pour faire un
clin d’œil à la III° République, l’instituteur et le journaliste.
Nous ne devons jamais oublier que ces deux personnages
emblématiques de la démocratie et de la république remplissent des missions de
service public et sont essentiels pour la liberté, l’égalité et la fraternité,
sans lesquelles pas de respect et de dignité humaine.
On l’a bien vu avec des dictateurs comme Hitler, Staline
Mao, pour ne citer que les plus tristement célèbres dont les premières mesures
– toujours les mêmes de la part d’une dictature – sont de transformer
l’enseignement en endoctrinement et de supprimer la liberté de la presse afin
de mettre en place un système de propagande..
On le voit bien, quotidiennement, avec Vladimir Poutine, Xi
Jinping, Kim Jong-Un, Bachar Al-Assad, Ali Khameini, Tayyip Erdogan, dans ces
régimes où on ne compte plus les journalistes emprisonnés ou assassinés, où les
enseignements ne sont souvent que des porte-voix du pouvoir.
Et elles sont constamment menacées dans nos pays
démocratiques par des populistes et des aventuriers comme Trump, Le Pen, Kaczynski,
Orban, Meuthen, Farage.
L’importance d’une tête bien remplie et irriguée
correctement par de bonnes informations est donc primordiale.
Or, avec internet et les chaines d’information en continue,
on nous dit surinformés et que cette surinformation tue l’information.
Si cette assertion n’est pas totalement fausse, encore
faudrait-il qu’elle soit la réalité que nous vivons.
Ce qui n’est pas du tout le cas.
En fait, nous sommes d’abord sur-mal informés surtout sur-désinformés!
Ici, il faut utiliser les bons termes pour pouvoir saisir et
appréhender correctement les problèmes et proposer des solutions justes.
Informer n’est pas désinformer.
Et si la surinformation peut créer de la confusion chez des
esprits peu préparés à la mise en perspective d’un nombre de faits importants,
la sur-désinformation, elle, par un flot continu de mensonges et de
contre-vérités crée l’incapacité de comprendre correctement le monde qui nous
entoure et de choisir les comportements adéquats face à la réalité qui est
occultée mais aussi par rapport à nos intérêts.
Cette manipulation de nos esprits parvient même à nous
tromper et susciter les mauvaises réactions en regard de nos valeurs et de nos
principes alors que nous croyons les servir…
L’irruption récente des concepts comme les «fake news», la
«post-vérité» ou les «faits alternatifs» ont remis à l’ordre du jour la
question, éminemment importante dans une démocratie, de la désinformation.
Mais outre ces concepts mis en œuvre lors des campagnes
présidentielles américaine et française (et qui devraient revoir le jour lors
des élections législatives américaines de novembre 2018, toujours pilotés par
les Russes, selon un rapport du FBI) par des acteurs locaux et internationaux
sur internet et plus précisément sur les réseaux sociaux et les sites
d’attaques (comme les russes Sputnik et RT), c’est bien toute une conception de
l’information citoyenne qui est en jeu.
De ce point de vue, la loi sur les fake news préparée par le
président de la république et le gouvernement sera, quoiqu’il arrive, une bien
pâle réponse au défi qui est posé (ou une atteinte à la liberté d’opinion si
elle va trop loin…) car les médias dits «traditionnels» sont également porteurs
de fausse information, de désinformation et de colportage de rumeurs, le tout
vieux comme le monde, vieux comme la création des premiers journaux.
Néanmoins, on ne peut que louer la volonté de la ministre de
la Culture, François Nyssen, qui veut donner toute sa place à l’enseignement
pour contrer la désinformation.
Mais, plus grave et encore venu des Etats-Unis, de faux
sites d’information, le plus souvent initié par des membres radicaux du Parti
républicain, ont fait leur apparition sur la toile, s’occupant souvent de
politique au niveau local en attaquant les candidats démocrates avec des fake
news comme dans l’Etat de Rhodes Island où l’une d’elle, affirmant que la
candidat démocrate à la mairie de la deuxième ville de l’Etat avait traité ses
habitants de «ramassis de racistes», lui a sans doute coûté l’élection (il a
perdu avec 145 voix de retard).
Selon les analystes, ces sites dont il est très difficile de
remonter l’origine avec l’utilisation de pseudonymes, pourraient être la prochaine
étape des fake news qui jusqu’à présent, sur internet, passaient surtout par
les réseaux sociaux.
Et la facilité avec laquelle on peut créer ces sites
permettraient à tous – dont les Russes – d’inonder la toile avec de fausses nouvelles
venues de faux sites d’information…
Sans oublier tous ces trolls payés ou non qui diffusent les
fake news pour quelques cents ou pour l’unique volonté de détruire la
démocratie républicaine.
79% des Français selon un sondage ont exprimé leur volonté
de lutter contre ces fameuses fake news.
Ceux qui prétendent qu’une loi en la matière serait
liberticide ou ne servirait à rien, se trompent de combat.
Car la désinformation est bien plus liberticide qu’une
régulation de la liberté d’information (branche de la liberté d’expression).
Tromper le citoyen est ainsi souvent beaucoup plus dangereux
que de l’empêcher de prendre connaissance d’une nouvelle controversée.
Pour autant, s’il faut sans doute réprimer les informations
frauduleuses, les mensonges éhontés et les attaques sans fondement, on n’empêchera
jamais la désinformation, la propagande, les fausses nouvelles et les faits
alternatifs dans le cadre d’une «post-vérité».
En revanche, on peut réduire leur importance et leur impact,
voire les annihilés si l’individu est un citoyen éclairé.
Et celui-ci ne peut exister que s’il a reçu une bonne
formation et s’il peut se procurer une information fiable et sérieuse délivrée
par des sources identifiables et remplissant une mission de service public (qui
cohabitent évidemment avec les médias d’opinion dont il est évident qu’aucun ne
doit être interdit ou pourchassé sauf ceux qui appellent au meurtre et qui
militent contre le respect et la dignité humaine).
In fine, ce sera toujours, dans une démocratie républicaine,
la capacité de l’individu à analyser, à faire un travail critique grâce à son
savoir qui lui permettra de choisir ce qu’il veut en toute connaissance de
cause et en toute responsabilité.
Cela n’évitera pas les dérives venues des créateurs et des
diffuseurs d’information qui sont vieilles comme le monde.
Le progrès dans l’enseignement et l’information n’est pas
venu, ne vient pas et ne viendra pas de l’élimination de toutes les tromperies
et tous les mensonges, c’est impossible, mais d’individus capables de ne pas en
être les victimes, ce qui est largement atteignable.
L’individu instruit et informé est la meilleure réponse à la
désinformation.
Mais encore faut-il s’en donner les moyens en n’oubliant pas
que c’est une des missions principales, si ce n’est pas la première de tout
régime démocratique et républicain.