dimanche 4 mars 2018

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. Le «en même temps» macroniste à l’épreuve des choix et de la réalité

Le «en même temps» macroniste est au cœur de la philosophie politique du nouveau président de la république mais également dans celui de son agir.
Beaucoup ont critiqué cette locution adverbiale comme ne voulant rien dire ou étant fade, une sorte de «néanmoins», de «cependant» ou de «mais» d’indétermination ou d’irrésolution parce qu’elle ne voudrait pas trancher.
Or, c’est bien la décision franche, qui a un sens et indique une direction que l’on espère des politiques.
Pour autant, le «en même temps» peut être interprété de trois manières.
La première est d’affirmer qu’il est un oxymore, comme prétendre qu’une chose est blanche et noire en même temps.
La deuxième est de le présenter comme un non-choix, comme d’éviter l’implication claire et nette en déclarant d’une chose qu’elle est bonne et mauvaise en même temps.
Si l’on peut dire que ces deux premières utilisations du «en même temps» sont négatives en matière politique, la troisième, en revanche, possède un caractère positif.
Ainsi, si l’on explique que dans la situation où un pays connait un fort taux de chômage il faut, en même temps, permettre aux entrepreneurs d’entreprendre et aux travailleurs de travailler, on est dans la signification du «à la fois».
Mais dans un «à la fois» d’équité et pas seulement de concomitance.
Comme lorsque Kant dit: «Agis donc de telle sorte que tu traites l'humanité, aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre, toujours en même temps comme une fin, et jamais simplement comme un moyen».
Dès lors, ce «en même temps» a bien une signification forte parce qu’il tranche pour la recherche d’un juste équilibre et c’est pourquoi il est profondément centriste.
Cependant, s’il est possible de voir comment il peut s’articuler pour résoudre certaines problématiques ou pour bâtir certaines politiques, dans d’autres domaines, la question se pose de sa capacité à proposer les bonnes solutions, voire, tout simplement à fonctionner.
Car tout n’est pas évident dans le «en même temps» centriste.
Ainsi, le «en même temps» peut facilement s’appliquer dans des situations claires où l’on comprend bien comment il faut agir et où une logique simple peut être mise en œuvre pour apporter des solutions où tout le monde est gagnant (et/ou personne n’est perdant).
En revanche, il est des situations beaucoup plus complexes notamment parce qu’elles résultent souvent de choix qui se contredisent ou d’une absence de prise de décision pendant de nombreuses années où l’on a permis à des antagonismes de cohabiter, où l’on a laissé des oppositions profondes de se créer sans y apporter des remèdes, où se sont accumulées des incohérences.
Ici, à l’épreuve de ce réel, le «en même temps», dès l’abord, se présente comme incapable d’apporter une solution de juste équilibre puisque s’entremêlent des problématiques dont la résolution s’avère, à première vue, insoluble.
L’établissement ou le rétablissement d’un juste équilibre peut alors produire des perdants, non pas pour un temps donné mais de manière qui semble irréversible.
Trois exemples pris dans l’actualité permettront d’illustrer le propos.
On comprend comment cet «en même temps» peut fonctionner pour porter la réforme de la SNCF.
Celle-ci doit permettre, à la fois, de sortir la société d’une dette abyssale (plus de 40 milliards d’euros), d’améliorer le service au public et, tout en garantissant les droits des salariés actuels, de changer le statut des nouveaux embauchés pour que ceux-ci ne soient plus des privilégiés vis-à-vis des autres salariés français.
In fine, il n’y a que des gagnants puisque l’entreprise est sauvée, qu’elle assure un meilleur service et qu’elle continue à embaucher tout en ayant sécurisé la situation de ses salariés.
On a, en revanche, plus de mal à comprendre comment il peut fonctionner en politique étrangère, vu certains choix faits récemment par le Président de la république.
Ainsi, il semble assez compliqué de (re)mettre la France au cœur du concert des nations (au moment où les Etats-Unis sont en retrait et le Royaume Uni en perte de vitesse) tout en demeurant en pointe dans la défense de la démocratie républicaine, en parlant uniquement de ce qui rapproche et en faisant l’impasse sur ce qui fâche, cf. l’absence de discours sur les droits de l’homme à Pékin au moment où le PC chinois rétablit la dictature d’un seul et pourchasse les opposants et l’«amitié» avec le populiste démagogue Trump (qui recevra Macron en visite officielle) qui met en danger la démocratie dans son pays et dans le monde.
La contradiction entre plaire à tout le monde et se battre pour les valeurs et les principes de la démocratie républicaine est impossible ou, en tout cas, il faudra qu’Emmanuel Macron nous démontre comment cet «en même temps» peut fonctionner.
Et on ne voit pas comment celui-ci pourrait, en l’état, s’appliquer dans le problème de l’alimentation.
Comment, en effet, faire en sorte d’allier plus de qualité, plus de rémunération des producteurs, cf. le monde agricole, et de garder des prix bas pour contenter les consommateurs et, surtout, éviter une spirale inflationniste avec revalorisations des revenus agricoles par les prix tout en refusant une augmentation salariale générale génératrice d’inflation.
Aujourd’hui, le système fonctionne ainsi: le consommateur demande des prix bas et, avec l’aval des politiques qui caressent dans le sens du poil les électeurs, la grande distribution les lui garantit en réduisant ses marges mais, surtout, en pressurisant l’industrie agro-alimentaire pour avoir des prix le plus bas possible (par le biais, entre autres, de ses centrales d’achat, des menaces de déréférencement et de la concurrence des produits des distributeurs), cette dernière demandant alors aux producteurs des prix le plus bas possible (quand ce n’est pas directement la grande distribution qui traite directement avec les agriculteurs), faisant en sorte qu’in fine, le monde agricole, dernier maillon de cette chaîne inversée, soit dans l’incapacité de survivre seul et ce sont les aides de l’Etat qui lui permettent de survivre.
Casser ce circuit hautement dysfonctionnel pour ce secteur économique reviendrait à faire au moins un si ce n’est plusieurs mécontents.
Comment dire au consommateur qui a déjà perdu du pouvoir d’achat ces dernières décennies que l’on va augmenter les prix sans augmenter les salaires sans provoquer sa réaction et sa contestation?
Comment dire à l’agriculteur qu’augmenter ses revenus est politiquement difficile et économiquement dangereux, voire géo-stratégiquement risqué (si les prix des produits locaux sont trop chers, ce seront les produits étrangers qui les remplaceront et la fermeture des frontières empêcherait l’exportation des produits agricoles français et entrainerait des représailles des autres pays, voire une dislocation de l’Union européenne avec, comme une des premières victimes, la France…).
On verra comment Emmanuel Macron va s’y prendre puisqu’il a promis au monde agricole la possibilité de sortir de la crise qui le touche sans s’aliéner les consommateurs à qui il n’a, certes pas promis de garantir leur pouvoir d’achat, mais dont il ne peut évidemment pas se désintéresser au risque de l’impopularité et la défaite électorale.
On a là trois exemples actuels qui montrent les situations totalement différentes qui permettent selon la réalité et les choix faits de démontrer l’efficacité du «en même temps», son absence choisie pour un but prédéterminé ou une obligation, et son application quasi-impossible.
Reste qu’il est, malgré les difficultés qu’il peut rencontrer dans certains cas, le moteur le plus efficace, le plus équitable pour régler en général les problèmes.
Mais il est aussi sûr que l’on ne peut pas l’appliquer systématiquement au risque de détruire la philosophie même qui est à son origine et ce uniquement pour des gains politiciens.
Ou alors il faudra une réforme qui dépasse de loin toutes celles entreprises par ce gouvernement, voire par tous les gouvernements depuis des lustres, avec, en plus, l’accord de l’ensemble des Français, voire une très forte majorité d’entre eux (et qu’ils ne changent pas d’avis quand les mesures prises ne seront pas en leur faveur…).
Voilà qui semble hautement improbable.


Actualités du Centre. Allemagne – «Grande coalition» centrale SPD-CDU

Retour de la GroKo entre SPD et CDU
Il ne restait plus que l’approbation des militants du SPD (social-démocrate).
A 66,02% (avec une forte participation de 78,39%) ceux-ci ont approuvé la mise en place d’une «Grande coalition» (baptiséée GroKo pour Große Koalition) entre leur parti et la CDU (centre-droit et droite) de la chancelière Angela Merkel.
Celle-ci va donc rempiler pour un nouveau mandat de cinq ans à la tête de l’Allemagne mais dans une position plus fragilisée alors qu’il s’agira certainement de son dernier et qu’elle pourrait même être remplacée avant la fin de celui-ci.
Le nouveau gouvernement – qui avait déjà été négocié et constitué avant le vote des militants même si le nom des ministres doit être confirmé – fera donc la part belle aux sociaux-déémocrates qui n’avaient pourtant obtenu qu’un peu plus de 20% des voix lors des législatives de l’automne 2017 (-5% et leur score le plus bas depuis 1945) et qui avaient affirmé qu’ils ne voulaient plus d’une GroKo qui semblait les fragiliser auprès d’un électorat de gauche et populaire.
Mais la relative défaite de la CDU (33% des voix mais une perte de 8,5% et score le plus bas depuis 1949), l’échec des négociations entre celle-ci, les libéraux du FDP et les Verts pour former une coalition «Jamaïque» (des couleurs des trois partis en question) ainsi que le score très éleveé du parti d’extrême-droit AfD (92 députés au Bundestag) ont montré aux deux grands partis de la vie politique allemande qu’il fallait prendre leurs responsabilités dans un moment où le populisme démagogique et radical a le vent en poupe.
D’autant qu’un retour devant les électeurs n’était pas la meilleure option puisque tous les sondages publiés depuis l’élection montraient que les résultats seraient identiques, la situation serait ainsi quasiment la même et nécessiterait la même solution.
C’est le 14 mars prochain qu’Angela Merkel sera investie pour la quatrième fois par le Parlement comme nouvelle chancelière et que son gouvernement prendra ses fonctions.

Actualités du Centre. Macron n’est pas saint-simonien

Saint-Simon
Vouloir définir philosophiquement Emmanuel Macron, c’est souvent vouloir le faire entrer dans des cases prédéfinies qui permettraient une critique systématique.
Dès lors, de nombreux oppossants à son action tentent de trouver des similitudes avec des penseurs et des philosophes du passé pour étayer leurs attaques.
Actuellement, la mode est de comparer le progressisme macronien à l’industrialisme saint-simonien, de faire de Saint-Simon, un inspirateur de la vision soi-disant technocratique du Président de la république.
Plusieurs médias se sont prêtés à ce jeu dont Le Monde qui y est revenu plusieurs fois et notamment dans son supplément «idées» de son édition datée du 3 mars 2018 dans un article intitulé «Le saint-simonisme, une clé du macronisme».
Si la méritocratie et la volonté de progrès sont partagées par les deux hommes ainsi que la nécessité du travail pour que l’humain se réalise et la volonté de faire participer toutes les salariés d’une entreprise à sa gouvernance, l’anti-individualisme holiste et associatif de Saint-Simon est à mille lieux de la vision de l’individu entrepreneur de son existence d’Emmanuel Macron, partagée par le Centrisme.
Quant à la technocratie que le penseur du XIX° siècle voulait voir au pouvoir, il s’agit d’un reproche récurrent venu des médias et des politiques de la gauche (Mélenchon) mais aussi de la droite radicale (Wauquiez) à l’encontre de Macron.
Or, rien n’étaye ce cousinage, au contraire, la volonté macronienne de renouveler le personnel politique par une diversité de la population est totalement antinomique avec l’idée saint-simonienne qu’une caste élitaire et élitiste (même si elle n’est pas héréditaire) doit gouverner la France pour le bien de tous dans une filiation platonicienne.
De plus, Saint-Simon a plutôt définit une théorie socialiste et non libérale sociale ou encore sociale-libérale, même si son œuvre peut être fort utile à ses courants de pensée.
En réalité, ceux qui tentent un rapprochement entre l’homme du XIX° siècle et celui du deuxième millénaire, veulent construire une image technocratique, loin du peuple (et de sa frange la plus défavorisée), élitiste et narcissique d’Emmanuel Macron.
C’est à la fois le caricaturer mais aussi de faire de même avec Saint-Simon.