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La démocratie républicaine, dans l’acceptation du terme au
XXI° siècle, ce n’est pas seulement le droit de vote et le pouvoir de la
majorité, ce sont aussi les droits de l’humain («droits de l’homme») ainsi que
les droits de la minorité, ce que les anglo-saxons appellent aussi les «libertés
civiles».
Sans eux, pas de vraie liberté, donc pas de vraie
démocratie.
C’est une évidence que partagent tous les défenseurs de la
démocratie républicaine, dont les centristes.
Et la mode de plus en plus grande d’appeler des régimes
autocratiques, comme en Russie et en Turquie, ou populistes, comme en Hongrie,
de «démocraties illibérales», concept fumeux inventé à la fin du XX° siècle,
est une foutaise bien plus dangereuse que de les pointer du doigt comme
non-démocratiques dans leur fonctionnement.
Ce n’est pas parce que les lois du pays en question, voire
sa Constitution, garantissent les droits individuels que celui-ci est une démocratie, il faut, aussi
et surtout, la pratique dans le réel et le concret.
La Constitution de l’Union soviétique était ainsi une des
plus démocratiques du monde mais le pays était une des pires dictatures.
Pareil pour la Chine.
L’idée de chercher et de trouver constamment de nouvelles
appellations qui feront la gloire de leurs inventeurs dans un petit cercle
intellectuel ne doit pas cacher la réalité des choses: soit un pays est
démocratique, soit il ne l’est pas.
S’il l’est, il s’appelle une démocratie, s’il ne l’est pas,
il s’appelle une dictature, une autocratie, un despotisme, un absolutisme, un
totalitarisme.
Mais pas une démocratie.
Il est important de nommer correctement les choses parce que
si ce n’est pas le cas, on introduit de la confusion dans les esprits du grand
public.
Camus disait que «mal nommer les choses ajoute au malheur du
monde».
Et, bien avant lui, d’autres philosophes l’avaient écrit.
Ici, il n’est pas inutile de reproduire in-extenso une
longue pensée de Confucius:
«Si les noms ne sont pas ajustés, le langage n’est pas
adéquat. Si le langage n’est pas adéquat, les choses ne peuvent être menées à
bien. Si les choses ne peuvent être menées à bien, les bienséances et
l’harmonie ne s’épanouissent guère. Les bienséances et l’harmonie ne
s’épanouissant guère, les supplices et les autres châtiments ne sont pas
justes. Les supplices et les autres châtiments n’étant plus justes, le peuple
ne sait plus sur quel pied danser. Tout ce que l’homme honorable conçoit, il
peut l’énoncer, et l’énonçant il peut le faire. L’homme honorable ne laisse
rien à la légère.»
On voit bien que donner de la «démocratie» à un pays qui ne
la pratique pas ou seulement formellement est une tromperie qui peut avoir des
effets particulièrement négatifs sur certains.
Ainsi, on peut très bien imaginer que pour la plupart des
gens, une démocratie illibérale demeure une démocratie dans son fonctionnement,
ce qui n’est absolument pas le cas.
Alors soyons cette personne «honorable» dont parle le
penseur chinois et ayons la simplicité de nommer bien les choses pour la clarté
du débat et celle des esprits: ce qui n’est pas une démocratie, ne s’appelle
pas une démocratie.
Et si, pour certains régimes, les appellations existantes ne
sont pas assez précises, il peut être adéquat d’inventer un nouveau terme.
Mais pour nommer ce qui n’est pas une démocratie, ce n’est
certainement pas celui de «démocratie» qu’il faut choisir même si on l’accole à
un adjectif quelconque.
Ça semble guère compliqué, tout de même…
Centristement votre.
Le Centriste