François Bayrou |
François Bayrou, dans un
entretien au quotidien l’Opinion affirme que « tous ceux qui se réclament du
centre en France devraient le vouloir indépendant et uni» et juge «dérisoire»
les changements constants de positionnement de l’UDI.
Selon lui, au sein de la majorité
présidentielle, «LREMet le MoDem sont complémentaires».
En outre, il estime que «la
perception du projet social du Président et du gouvernement est la question clé
du climat politique du pays», dixit, celui droit être renforcé pour séduire «les
milieux populaires et les jeunes» qui «ne votent pas».
Enfin, à propos de la
proportionnelle, il avance une proposition pour le moins frileuse pour un
centriste mais qu’il qualifie d’«équilibrée»: «trois sièges sur quatre élus au
scrutin majoritaire, un siège sur quatre au scrutin proportionnel. C’est le
seuil minimum pour un changement significatif».
Extraits:
- Comment interprétez-vous la défaite de LREM et du Modem
aux élections législatives partielles de dimanche dernier?
Quand il y a une alternance en profondeur, au bout de six
mois, il y a toujours une érosion. Particulièrement avec une abstention qui
approche ou dépasse les 80%. Mais le socle de soutien tient bon. Les résultats
des candidats de la majorité au premier tour dépassent de loin les résultats
d’Emmanuel Macron au premier tour de l’élection présidentielle il y a neuf
mois. Le problème, c’est que les milieux populaires et les jeunes ne votent
pas. Ce qui me conduit à penser que la perception du projet social du Président
et du gouvernement est la question clé du climat politique du pays.
- La République en marche adopte une stratégie assez
solitaire à l’Assemblée. La majorité doit-elle davantage s’ouvrir aux autres ?
La responsabilité de la majorité, c’est d’être en phase avec
l’attitude politique qu’Emmanuel Macron a incarnée: une volonté inflexible de
mettre en œuvre les engagements pris, et en même temps une attention
bienveillante à ce que disent les Français et les autres courants politiques.
- Est-ce possible d’exister à côté de la pléthorique majorité
de La République en marche?
Notre présence au sein de la majorité ne se discute pas. Je
ne me suis jamais trouvé en déphasage avec les choix du président de la
République. Il m’arrive d’avoir des différences d’appréciation, que j’exprime,
par exemple sur l’ISF et la CSG. Mais cela fait partie du débat. LREM et le MoDem
sont complémentaires. LREM est un mouvement en surgissement, mêlant des
origines politiques différentes, qui doit s’organiser et s’enraciner. De
l’autre, le MoDem est un mouvement qui a une tradition politique enracinée et
une structure sur l’ensemble du territoire. La complémentarité de ces deux mouvements
sera une richesse pour l’avenir.
- L’UDI a décidé de soutenir tantôt des candidats LR, tantôt
des candidats LREM pour les élections législatives partielles. Est-il possible
de voir tous les centristes réunis sous la même bannière en vue des élections
européennes ?
Il y a beaucoup de revirements, dont le moins qu’on puisse
dire est qu’ils sont difficiles à suivre !... Je ne veux pas les commenter
parce qu’ils sont dérisoires. Je sais une chose : tous ceux qui se réclament du
centre en France devraient le vouloir indépendant et uni. Indépendance et unité!
Cela a toujours été ma ligne. Ceux qui ont choisi, pour des raisons d’intérêt
immédiat, de n’être ni indépendants ni unis reviendront sur leur jugement un
jour ou l’autre. Ou bien ils disparaîtront.
- Avez-vous bon espoir de convaincre Alain Juppé de soutenir
une liste commune pour les élections européennes ?
Alain Juppé a dit quelque chose d’extrêmement simple : «Les
choix européens seront la pierre de touche de notre avenir». Cette affirmation
est forte. Elle entraînera naturellement des choix politiques. Je suis
résolument confiant dans cette cohérence.
- Le président du Sénat, Gérard Larcher, a présenté ses
propositions pour la révision constitutionnelle. Toutes ne sont pas
conciliables avec celles défendues par Emmanuel Macron...
Je vois bien les obstacles que l’on se prépare à opposer à
la volonté de rénovation du Président de la République. Mais sur le fond, il
demeure que la promesse fondamentale de l’élection d’Emmanuel Macron, c’est un
changement de la vie politique française. Je suis sûr qu’il ne se laissera pas
détourner de cet engagement. Le changement en profondeur passe par une diminution
importante du nombre de parlementaires pour qu’ils aient plus de poids, une
limitation des mandats dans le temps pour obliger au renouvellement et une
représentation équitable du pluralisme dans notre Assemblée nationale. C’est ce
changement que nous devons aux Français. Quelles que soient les réticences et
les résistances.
- C’est « l’ancien monde » qui fait de la résistance...
Comment pourrait-il en être autrement ? Ceux qui avaient la
haute main sur le pouvoir depuis longtemps ne sont pas résignés. Ils ont le
sentiment qu’ils peuvent bloquer cette volonté de renouvellement en profondeur.
Des forces extrêmement puissantes seront mobilisées pour retrouver les rapports
de force d’autrefois. Ce n’est pas un défi d’ordre politique mais d’ordre
historique. De cette question dépend la signification de l’élection de 2017 :
simple parenthèse ou changement en profondeur et de longue durée. Et le
président de la République le sait bien.
- Si les blocages apparaissent trop importants, faut-il
envisager un recours au référendum?
C’est de la responsabilité du président de la République.
L’un des avantages de la V° République, c’est que le peuple peut trancher et
bousculer des obstacles que l’on cherche à dresser devant lui.
- La réforme des institutions prévoit d’introduire une dose
de proportionnelle. Quel taux préconisez-vous ?
Une proposition équilibrée: trois sièges sur quatre élus au
scrutin majoritaire, un siège sur quatre au scrutin proportionnel. C’est le
seuil minimum pour un changement significatif. La vertu de la proportionnelle
c’est qu’elle oblige à réfléchir aux sujets d’accord autant que de désaccord.
En Allemagne, aujourd’hui, le SPD et la CDU sont obligés de regarder quels sont
leurs points d’accord. Et ceci est bon pour la démocratie.