Regards Centristes est une série d’études du CREC qui se penchent sur
une question politique, économique, sociale ou sociétale sous le prisme d’une vision
centriste. Douzième numéro consacré au progrès et au progressisme ainsi que leurs
liens avec le Centre et le Centrisme.
Selon Emmanuel Kant, «Le genre humain a toujours été en
progrès et continuera toujours de l'être à l'avenir: ce qui ouvre une
perspective à perte de vue dans le temps.»
Avec l’élection d’Emmanuel Macron, les notions de progrès et
de progressisme sont revenues avec force sur le devant de la scène politique
française.
Rappelons que le Centrisme se définit comme un humanisme
progressiste tant il croit dans une amélioration de l’individu que dans celle
de la société.
Le progressisme
macronien
Rien que dans son ouvrage «Révolution» paru lors de sa
campagne pour la présidentielle de 2017, l’actuel chef de l’Etat revient
plusieurs fois sur le progrès et les progressistes et ce qu’il entend par ces
termes:
- «Pour construire un projet, renouer le fil de notre Histoire
et la dynamique du progrès, pour que nos enfants vivent mieux que nos parents.»
- «Le véritable clivage aujourd’hui est entre les
conservateurs passéistes qui proposent aux Français de revenir à un ordre
ancien, et les progressistes réformateurs qui croient que le destin français
est d’embrasser la modernité.»
- «Toutefois, l’innovation n’est pas un progrès en soi.
Innover pour innover, c’est comme marcher sans but! Ce qui compte, c’est donc
l’usage que nous faisons de l’innovation. C’est le sens que nous lui donnons.
Face à elle, il ne faut pas être béat: il faut l’aborder de manière lucide pour
faire en sorte que la technologie serve le progrès économique, social et
écologique, et qu’elle permette à tous de gagner en liberté d’action.»
- «Réformistes et progressistes, nous devons assumer la
société d’ouverture et le choix de l’Europe.»
- «Etre progressiste aujourd’hui, c’est dire que notre
rapport au monde ne réside pas dans l’isolement. C’est comprendre que nous
avons plus à perdre qu’à gagner à nous replier sur nous-mêmes. C’est convaincre
que cette ouverture n’est tenable que si elle est accompagnée de protections.
C’est faire en sorte que l’ouverture puisse profiter à tous et dans tous les
États membres.»
Et lors de son alliance avec François Bayrou en février 2017,
Emmanuel Macron expliquera, «ce que nous voulions faire dès le début avec En
marche!» c’est «un rassemblement progressiste qui dépasse les clivages».
Si l’on veut
vraiment tenter de cerner très exactement le positionnement d’Emmanuel Macron,
il est sans doute plus juste de le présenter comme un progressiste à la mode
d’un Theodore Roosevelt de la présidentielle de 1912 aux Etats-Unis ou à celle
d’un Pierre Mendès-France lorsqu’il se retrouve Président du Conseil sous la
IV° République.
De ce point de vue,
on peut le comparer à un Valéry Giscard d’Estaing réformiste du début de son
septennat parce que, si ce dernier était et est un homme de droite, il serait
néanmoins aujourd’hui dans l’espace central et aurait sa place dans l’axe central
même s’il n’a jamais été aussi centro-compatible, voire centriste, comme l’est
Macron, en tout cas la politique de ce dernier.
Le progressisme macronien, se nourrit fortement de Centrisme
lorsqu’il déclare que nous sommes «égaux devant la liberté» et que «nous devons
nous battre pour réconcilier deux valeurs que nous avons trop souvent opposées,
que la droite et la gauche ont respectivement monopolisées, alors que la devise
de notre pays les place sur le même plan: la liberté et l’égalité».
Et s’il faut «réunir la liberté et l’égalité», c’est pour
une société plus efficace et plus juste».
L’influence centriste se fait encore particulièrement
prégnante quand il est affirmé que «notre pays est le champion des blocages,
qui empêchent trop souvent l’émancipation de chacun».
De même, en matière d’ouverture vers le monde.
Pour Emmanuel Macron, «les progressistes doivent se battre
et rappeler que la mondialisation sans règle, sans protection et sans
redistribution est insupportable, mais aussi que, sans intégration à l’économie
mondiale et sans modernisation de notre économie, notre pays serait condamné à
la stagnation et au déclin».
Tout cela amène à la transformation de la société qu’il
souhaite initier:
«Passer d’une société des statuts à celle des sécurités
individuelles, dans laquelle on protège les individus, pas les postes. Passer
d’une économie de rattrapage à une économie de l’innovation, déconcentrée, plus
horizontale, plus agile et plus inventive. Passer d’un modèle centralisé de
décisions unilatérales à un modèle plus équilibré qui s’appuie sur la vitalité
de la société dans tous les territoires et permet à chacun de s’engager. Passer
d’un pays inégalitaire à une société juste en répondant à l’envie de chacun de
pouvoir faire ses choix, et à la nécessité d’être solidaires, en particulier envers
les plus faibles».
Emmanuel Macron estime que ces changements prendront dix ans
et que l’énergie existe en France pour y parvenir.
Tout ce qu’il a dit et écrit pourrait être également prononcé
par n’importe quel centriste.
Qu’est-ce que le
progrès et le progressisme?
Etymologiquement le terme de progrès, vient du latin «progressus»
qui est l’action d'avancer ou une progression de troupes militaires.
Pour l’humanité, pour une civilisation ou une société, le
progrès est un processus évolutif dans le sens d'une amélioration, d’une
transformation positive de celles-ci, processus d’amélioration qui apporte un
gain et, en même temps, un épanouissement pour l’humain (individuellement et
collectivement).
Son contraire est l’immobilisme.
Le progressisme (porté par les progressistes), quant à lui,
est un courant de pensée né au XIX° siècle qui veut mettre en place une
transformation des structures sociales, économiques, sociétales et politiques
par des réformes afin de parvenir à l'amélioration des conditions de vie pour
tous.
Son contraire est le conservatisme.
C’est d’ailleurs en se rattachant à ces définitions
positives que le progrès est défendu par les centristes qui se définissent
comme progressistes et que le Centrisme est un progressisme car il est un
humanisme qui prône une évolution positive du monde.
Historiquement, le progressisme se développe face à la
montée du capitalisme sauvage triomphant lors de la révolution industrielle à
la fin du XIX° siècle et au début du XX° siècle.
Enfin, si le progrès est toujours une notion positive, c’est
l’évolution qui ne l’est pas systématiquement.
Polémiques et
oppositions à propos du progrès
Si le Centre n’a guère de problème en général pour se dire
progressiste et partisan du progrès à la suite de Condorcet, il est vrai que
ces notions, tant à droite, qu’à gauche, sont souvent critiquées et attaquées.
Ainsi, pour certains, le progrès n’existe pas et la notion,
elle-même est une tromperie, une position défendue, notamment, par Michel
Foucault.
Pour d’autres, il est une notion historiquement datée, étant
essentiellement une idée du XIX° siècle et du début du XX°.
Pour d’autres encore, comme Paul Valéry, il est même une
notion négative, car celle-ci est la cause principale d’une fuite en avant
désastreuse des sociétés humaines, tant dans leur addiction matérialiste de
plus en plus forte et déconnectée du réel, que dans la production de gaspillage
et dans un pillage écologique, responsable de nombreux maux dont le
réchauffement climatique.
Pour d’autres, le progrès se confond en réalité avec
l’évolution, c’est-à-dire qu’il ne serait pas contrôlé et contrôlable par
l’humain mais que celui-ci, d’une certaine façon, le subirait parce qu’il
serait le fruit de paramètres non-maîtrisables.
En revanche, pour d’autres, à l’instar de Francis Bacon et comme
pour les centristes, c’est une notion essentiellement volontariste et surtout positive
car elle permet, d’ouvrir des possibilités à l’humain, de permettre à
l’Humanité de devenir meilleure, tant du point de vue de la lutte contre les
pauvretés, contre les maladies, contre les injustices et pour un humanisme de
plus en plus développé et qu’il ne faut pas la confondre avec l’Histoire et ses
soubresauts, car elle n’est pas forcément linéaire et certaines périodes
peuvent être globalement un retour en arrière (si l’on considère, par exemple,
que les deux conflits mondiaux ont été des avancées extraordinaires en matières
technique et de découvertes, notamment médicales mais qu’ils ont montré une
barbarie humaine régressive par rapport au concept de civilisation).
Par exemple, la création d’une nouvelle machine est toujours
une avancée technologique mais elle ne devient un progrès que si elle a des
implications positives dans la vie des êtres humains.
De manière plus élaborée, le progrès peut évidemment s’analyser
dans un rapport pour et contre où, pour qu’il existe, le pour l’emporte sur le
contre avec le cas de figure idéal où le constat d’un progrès ne prête à aucune
discussion comme la mise au point d’un médicament qui éradique une maladie sans
qu’il y ait des conséquences négatives ou même des effets secondaires.
En conclusion et par rapport aux notions d’évolution ou de
progression, voire de développement ou de transformation, qui peuvent définir
des événements négatifs ou positifs, il est important de bien comprendre que la
notion de progrès est associé, pour le Centre et le Centrisme, à des événements
positifs, c’est-à-dire bénéfiques pour l’Humanité et l’humain.
C’est en ce sens, et seulement en ce sens que le Centrisme
est un progressisme.
Si «le progrès est le mode de l’homme» comme l’a écrit
Victor Hugo, on peut comprendre Albert Einstein lorsqu’il dit que «le mot
progrès n’aura aucun sens tant qu’il y aura des enfants malheureux» et en
rappelant, avec Friedrich Hegel, selon lequel «le progrès» se fait «dans la
conscience de la liberté».
Mais le dernier mot reviendra au centriste Theodore
Roosevelt pour qui «une grande démocratie doit être progressive ou elle cessera
bientôt d’être grande ou une démocratie».
Etude du CREC sous la direction d’Alexandre Vatimbella
Dans la même collection: