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Tous les séditieux du moment en appellent au peuple pour
déclencher la révolution qui destituera le pouvoir en place et instituera un
nouvel ordre social (qui n’est pas le même pour tous…), sur fond de violences
et de menaces de mort à tout va (président de la république, ministres,
députés, policiers et gendarmes, personnalités diverses dont les gilets jaunes
qui veulent négocier).
Mais, au fait, de quel peuple parlent-ils?
De cette multitude qui n’est capable que de mouvements de
foule qui créent souvent le chaos et la désolation ou de cette entité idéale
sensée représenter l’ensemble du pays et de la nation?
Mais si la première a bien une existence dans les moments de
trouble comme c’est le cas actuellement, la deuxième n’existe pas.
Quand on parle de peuple dans la démocratie d’aujourd’hui
(voire dans tous les systèmes politiques), on parle en réalité des individus
qui, collectivement, sont assujettis aux lois de l’Etat.
Mais ces individus ne sont en aucun cas membres d’une
quelconque fraternité que l’on pourrait appeler «peuple» et qui aurait le début
du commencement d’une existence collective, même si on l’appelle «nation».
Ils sont avant tout des personnes qui défendent leurs
intérêts individuels et qui ont toutes leurs différences ontologiques et
existentielles.
Et si elles ont conscience de faire partie d’un collectif,
c’est d’abord parce qu’elles sont née sur un territoire donné avec
d’indéniables éléments culturels qui les rapprochent (le «mode de vie»), le
tout pouvant, dans certains moments de crise aigue les amener à les défendre de
menaces venues essentiellement de l’extérieur.
Comme l’explique le philosophe Hans Kelsen, «En vérité, le
peuple n’apparait un, en un sens quelque peu précis, que du seul point de vue
juridique: la soumission de tous ses membres au même ordre étatique.»
Et de poursuivre:
«Le ‘peuple’ n’est donc point – contrairement à la
conception naïve que l’on s’en fait – un ensemble, un conglomérat d’individus,
mais uniquement un système d’actes individuels déterminés et régis par l’ordre
étatique.»
C’est pourquoi les centristes sont toujours plus enclins à parler
aux individus réels plutôt qu’à un «peuple» imaginaire.
Or donc, de quel peuple parlent ceux qui appellent à
descendre dans la rue pour renverser la démocratie républicaine libérale?
D’un troisième type qui n’est nullement l’ensemble des
citoyens (même si leur fantasme leur fait espérer que cela soit le cas) mais
uniquement leurs militants et leurs sympathisants ainsi que tous ceux qui
peuvent trouver un intérêt au chaos, que ce soit pour la défense d’un intérêt
particulier, un sentiment de haine pour la société ou une vulgaire envie d’en
profiter matériellement par le pillage.
Ce n’est donc jamais le «peuple» qui descend dans la rue,
même s’il y avait une majorité de la population à arpenter le pavé, mais des
individus ou des groupes d’individus.
En revanche, on se rapproche plus d’une notion collective du
peuple au moment des élections dans le sens où tous ceux qui possèdent le droit
de voter peuvent alors s’exprimer et dire «la volonté du peuple» qui se
déclinent évidemment en plusieurs volontés idéologiques et partisanes dont une
ressort majoritaire.
Dès lors, ceux qui les remportent avec la majorité des voix
reçoivent la légitimité nécessaire pour administrer le pays jusqu’au prochain
scrutin.
Cependant, cette légitimité ne leur donne jamais le droit de
faire ce qu’ils veulent mais de gouverner les individus en mettant en place la
volonté de la majorité tout en respectant les droits de la minorité.
Les séditieux qui en appellent aux armes bafouent donc
allègrement les règles de la démocratie républicaine et c’est celle-ci, in
fine, qui est leur cible.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
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