Il n’est pas question ici de dénier à l’UDI et à ses
dirigeants leur pro-européanisme qui est certainement un des plus forts, des
plus réels et des moins contestables du monde politique français avec une
volonté fédéraliste évidente.
Mais si ce militantisme européen concoure à ce que le parti
centriste présente sa liste aux prochaines élections européennes (une décision
formelle doit être prise le 15 décembre mais il semble qu’elle est déjà prise
dans les faits avec un récent tractage au niveau national), cela ressort plus
d’un calcul politique autour de cinq points principaux qui peuvent d’ailleurs
être contradictoires:
- se donner une visibilité politique nationale avec peu de
risques alors que l’UDI a peine à exister aux yeux des Français et que ses
apparitions médiatiques sont éparses;
- se distancier de la majorité présidentielle et d’un
pouvoir qui ignore le parti centriste dont, il est vrai, la ligne politique
demeure largement illisible, afin de les pénaliser (le score du parti sera
autant en moins pour une liste de l’axe centrale menée par LREM);
- démontrer son indépendance vis-à-vis d’un président de la
république et d’un gouvernement qui est largement impopulaire et en tirer des
avantages électoraux éventuels (qui ne sont, néanmoins, guère confirmés par les
sondages actuellement);
- mobiliser les militants et les sympathisants autour d’une
campagne alors même que le parti est affaibli par des départs et que sa
non-présence lors de la présidentielle demeure une tâche sur le mandat de son
président, Jean-Christophe Lagarde, qui s’était fait élire à sa tête en
promettant qu’il y aurait un candidat UDI en 2017;
- faire pression sur la liste de l’axe central qui est en
train de se dessiner autour du projet européen d’Emmanuel Macron et qui fera
alliance avec l’ALDE (Alliance des libéraux et démocrates européens dont l’UDI
est membre…) afin de négocier dans les meilleures conditions un éventuel
ralliement et une possible intégration.
Est-ce une bonne stratégie?
Si l’on prend l’intérêt unique de l’UDI, on peut le penser
même si cette «fronde» peut, en cas de désastre électoral de la liste du parti
et une victoire de celle de l’axe central, la marginaliser encore plus et créer
des dissensions en son sein qui pourraient, à terme, la faire imploser (même si
la résistance du parti face aux forces centrifuges doit être noté).
Mais, a contrario, si elle réussit (c’est-à-dire, si elle va
jusqu’au bout du processus électoral dans une campagne où elle aura de la
visibilité et qu’elle obtient un bon score avec des élus au Parlement européen
alors que la liste de l’axe central sera en difficulté), l’UDI aura fait un
pari gagnant en réintégrant d’une certaine façon le haut du panier des
formations politiques.
De même, elle pourra affirmer que le Centre ne se résume pas
à la majorité présidentielle (ainsi qu’au MoDem de François, son principal
adversaire, bien avant LREM…) et se donner un futur pour le moins intéressant à
côté (ou aux côtés) de cette même majorité en vue de futurs rendez-vous
électoraux, voire pour peser sur la politique et/ou acquérir un statut supérieur
au sein de l’opposition face, en particulier, à LR.
Si l’on prend l’intérêt du Centre, rien n’est moins sûr.
Cette nouvelle dissension marquerait un espace centriste
divisé même sur ce qui réunit tous ses membres, le projet européen et une Union
européenne plus forte, et serait sans nul doute utilisée par les adversaires
des centristes (et du pouvoir en place).
Elle serait aussi un frein à la constitution de ce qui
apparaît désormais une nécessité face à la montée des populismes démagogiques
et des extrémismes dangereux, l’axe central, regroupant toutes les formations
et les personnalités qui défendent la démocratie républicaine et qui va des
libéraux de droite aux sociaux-libéraux de gauche en passant par les libéraux
sociaux du centre).
De ce point de vue, la liste irait à l’encontre même de ce
que défend l’UDI.
Cependant, il peut y avoir un effet positif pour le Centre.
Au moment où la majorité présidentielle connait des
difficultés certaines, l’UDI pourrait devenir le réceptacle des centristes
déçus par Emmanuel Macron (qui sont en nombre selon les sondages) qui demeureraient
ainsi dans le giron du Centre et ne s’en iraient pas voir ailleurs ou ne se réfugieraient
pas dans l’abstention.
Quoi qu’il en soit l’inexistence ou non de cette liste
autonome devrait être un moment de vérité pour l’UDI.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC
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