Emmanuel Macron |
Dans son livre programme, Révolution, Emmanuel Macron
écrivait, «Nous devons aujourd’hui faire entrer la France dans le XXI° siècle.
C’est cela notre défi».
Un défi, il l’a reconnut lors de ses dernières
interventions, est très impopulaire auprès de ses concitoyens.
Et il a ajouté qu’il n’avait pas réussi à «réconcilier les
Français» avec le monde politique, sous-entendant qu’il n’’avait pas pu les
faire adhérer à «l’urgence» des réformes en profondeur qu’il leur propose.
Mais plutôt que de parler d’un mea culpa comme la plupart
des observateurs l’ont pointé, cet aveu est plutôt celui d’un constat d’une
réalité désespérante que, lui non plus, ne pouvait mobiliser la nation pour cet
objectif indispensable reconnu pourtant par une majorité de la population.
Dès lors, on peut se poser la question: si le projet
politique d’Emmanuel Macron est un succès, cela signifiera-t-il la défaite
électorale de ce dernier?
S’il réussit à réellement réformer la France pour le XXI°
siècle ou, soyons réalistes, plutôt pour les deux ou trois prochaines
décennies, le corollaire sera-t-il une impopularité telle qu’il ne pourra
prétendre à un second mandat?
Car, il est bien évident que les résultats d’une réforme en
profondeur (voire en semi-profondeur) de la France – et plus largement d’un
pays démocratique – ne peuvent pas, pour la plupart, se matérialiser à très
court terme par une forte amélioration des conditions d’existence pour la
population mais plutôt par une stagnation, voire même un recul de celles-ci.
Or, le court-termisme à toujours fait partie de la vision
existentielle d’un peuple pour des raisons, à la fois, compréhensibles et
légitimes mais aussi égoïstes et irresponsables.
Et il l’est devenu en élément central dans l’élaboration du
«sentiment des peuples», en particulier dans les démocraties républicaines à
cause de cette autonomisation de l’individu qui veut tout, tout de suite, qui
refuse tout sacrifice et dont le comportement politique est plus celui d’un
consommateur que d’un citoyen.
Sans oublier qu’il baigne dans une société où l’information
doit se nourrir continuellement de controverses pour appâter le client,
c'est-à-dire où la polémique doit l’emporter sur l’analyse de fond.
Emmanuel Macron était tout à fait conscient du défi qu’il lançait
au pays et à lui-même puisqu’il écrivait dans Révolution que «le moment que
nous vivons est bien celui d’une refondation profonde».
Et «cette grande transformation nous oblige tous. Refuser
les changements du monde en nous contentant de rafistoler un modèle créé pour
avant-hier, ce n’est pas la France.»
Il ajoutait que:
«Si nous voulons
avancer, faire réussir notre pays et construire une prospérité du XXI° siècle
dans le droit fil de notre Histoire, il nous faut agir. Car la solution est en
nous. Elle ne dépend pas d’une liste de propositions qui ne se feront pas. Elle
ne saurait émerger de la construction de compromis bancals. Elle se fera grâce
à des solutions différentes qui supposent une révolution démocratique profonde.
Elle prendra du temps. Elle ne dépend que d’une chose: notre unité, notre
courage, notre volonté commune.»
Dès lors, «la tâche à accomplir est d’ampleur. Elle ne
pourra pas être commencée sans une conscience aiguë des changements qui sont à
l’œuvre autour de nous. Et sans une rupture délibérée avec l’espèce de fatigue
accumulée depuis trop longtemps.»
Et, selon lui, «ce travail prendra dix ans» (soit deux
quinquennats…).
Or il est quasi-impossible, et plus encore à notre époque
actuelle, de demander une décennie à un peuple avant qu’il ne voit vraiment les
résultats des efforts qu’on lui demande de consentir, comme nous l’avons dit
précédemment, même lorsque l’on a remporté l’élection présidentielle avec plus
de 66% des suffrages!
Dès lors, le passage en force macronien dans bien des
réformes est sans doute le seul possible pour les implémenter non pas «contre»
ni «sans» le peuple mais «face» au peuple puisqu’on ne peut le faire «avec» le
peuple.
Mais il s’accompagne de cette quasi-certaine défaite
électorale à moins d’avoir une conjoncture économique, sociale et sociétale
particulièrement favorable, ce qui n’est plus le cas, pour l’instant,
d’Emmanuel Macron.
Cette œuvre à laquelle il a décidé de s’astreindre demande
beaucoup de courage et l’on sait que le courage en politique est, à la fois,
une des qualités essentielles mais aussi la moins partagée auprès de ceux qui
la font…
Parce que, concrètement, le courage est de s’affronter avec
un immobilisme face à un futur que l’on ne maîtrise pas et qui provoque
toujours un repli frileux sur un présent et un «c’était mieux avant».
«Nous en sommes là, à l’arrêt, curieusement immobiles et
souffrant aussi de cette immobilité qui ne nous satisfait pas, écrivait-il dans
Révolution. Dès qu’on touche quelque chose, des voix s’élèvent pour dénoncer la
braderie du modèle français, ce modèle qui pourtant ne marche plus.»
Et ceux qui ont ce courage, comme l’a actuellement Macron,
joue leur avenir politique à chacune de leur décision.
Est-il prêt à assumer qu’une victoire politique serait la
mort de sa carrière politique?
En tout cas, il affirmait, toujours dans Révolution:
«Je ne peux me résoudre à voir une France qui a peur et ne
regarde que ses souvenirs, une France outrancière qui insulte et exclut, une
France fatiguée qui stagne et qui gère.»
Ce qui semble indiquer qu’il ira jusqu’au bout de son projet
comme il le démontre actuellement.
Et probablement sans les Français.
Car, s’il disait aussi dans son livre que ceux-ci «sont
prêts à réinventer notre pays», c’est sans doute vrai mais seulement en rêve…
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC
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