Petite devinette: quelle est la différence entre Dieu et un
humain?
Dieu, lui, il sait qu’il n’est pas un humain.
Camus disait, dans «L’Homme Révolté», «pour être homme,
refuser d’être Dieu».
Oui, nous savons que les espèces peuvent disparaître et que
les civilisations peuvent s’effondrer suite à un phénomène naturel
catastrophique mais aussi à cause de nous, les humains, de notre stupidité et
de notre inconséquence.
Oui, nous savons que nous ne pouvons pas régler tous les
problèmes et nous continuons d’affirmer, devant les menaces qui s’amoncellent
que nous trouverons bien, au dernier moment, une solution grâce à notre génie.
Oui, nous savons que notre liberté est fragile et que la
démocratie, système qui assure la plus grande dignité à ses membres peut être
détruite, non seulement, pas ses ennemis extérieurs mais aussi et plus sûrement
par ses ennemis intérieurs et nous continuons à leur tendre nos deux joues en
espérant que les peuples dans leur grande sagesse qu’ils n’ont en réalité
jamais eue, repousseront l’hydre avant qu’elle ne frappe.
Si nous étions Dieu, si c’était le cas, il n’y aurait plus
de maladies, plus de catastrophes naturelles, plus de pauvreté et que de
l’amour…
Nous pouvons, certes, croire à notre omnipotence mais la
croyance n’a jamais eu le dessus sur le réel.
Il suffit d’ouvrir les yeux!
Alors soyons responsables de ce nous sommes, de ce que nous
avons fait mais aussi de ce que nous pouvons devenir et de ce que nous pouvons
faire.
Agissons en humains comme nous le demande Camus.
Ce n’est que de cette façon que nous pourrons rechercher le
meilleur et éviter le pire, que nous construirons sans détruire.
Bien sûr, les idées et les objets seront toujours ce que
nous en faisons.
Les utopies sur le meilleur des mondes peuvent devenir les
pires sociétés cauchemardesques sur terre.
Une arme peut nous protéger d’agresseurs mais nous permet
d’agresser.
Les réseaux sociaux peuvent nous rapprocher et nous
émanciper comme ils peuvent nous éloigner et nous mentir.
Ayant dit cela, nous ne pouvons nous abriter derrière cette
«neutralité» de nos créations humaines parce que nous savons aussi ce qu’est
l’humain et ses comportements «déviants», individuellement et collectivement.
Dire que le pouvoir n’est toxique que dans son utilisation
de chefs pervers et odieux est vrai.
Mais ne pas mettre en place un système qui empêche de tels
personnages de prendre ce pouvoir, démocratiquement ou non, est totalement
irresponsable et inexcusable.
Dire qu’un fusil automatique qui peut tirer des centaines de
coups à la minute n’est dangereux que dans les mains d’un fou est juste.
Mais nier le fait de savoir que ce sera évidemment le cas si
on le vend à tout le monde sans aucun contrôle des acheteurs est une manière
scandaleuse de nier sa responsabilité.
Même chose pour des réseaux sociaux dont on sait
pertinemment dès leur création qu’ils charrieront le pire à côté du meilleur,
voire que le pire prendra rapidement le dessus si l’on ne régule pas leur
utilisation.
En refusant de prendre les décisions, en refusant d’être
responsables, en croyant que tout trouvera une solution, la bonne évidemment,
nous sommes un mélange détonant d’irresponsables à l’hubris démesuré et parfois
remplis de suffisance nous rendant d’une niaiserie gigantesque et qui,
naturellement, tentent le diable…
C’est ce que nous faisons actuellement en matière de climat
et d’atteintes à l’environnement en fermant les yeux tout en se persuadant
qu’il y aura quelques inventeurs de génie et quelques leaders éclairés qui nous
sortirons de l’ornière avant que nous disparaissions.
De même, dans nos démocraties républicaines, l’idée que ses
ennemis ne sont pas assez puissants pour la détruire ou que les postures de
certains ne sont que du cinéma et qu’in fine, le peuple, dans son absolue
sagesse (qui n’est en réalité qu’un absolu manque de sagesse!), se réveillera à
temps, est en train de tuer le seul système politique qui garantit le plus de
liberté à tous.
Et, ici, le diable n’est pas dans les détails mais dans
notre propension à n’être que des spectateurs désengagés des catastrophes qui,
patiemment, attendent leur heure pour déferler, se moquant bien des maigres
lignes Maginot que nous croyons imprenables.
Certains diront que je me complais dans le catastrophisme.
Ils le disaient déjà, pour d’autres, à propos de ceux qui
alertaient sur le nazisme, le fascisme, le communisme avant que ces idéologies
ne s’implantent dans plusieurs pays.
Ils le disaient de ceux qui alertaient sur les dangers des
CFC responsables de la disparition de la couche d’ozone ou sur les dangers de
l’amiante qui a causé tant de cancers.
Ces lanceurs d’alerte, souvent vilipendés et mis au ban de
la société, espéraient bien se tromper comme beaucoup de leurs congénères
d’aujourd’hui l’espèrent dont moi-même.
Et n’oublions que, comme Sisyphe condamné par les dieux,
nous devons, ainsi que nous le conseillait Boileau, sans cesse remettre sur le
métier notre ouvrage sans penser que les choses sont données pour toujours même
quand on croit les avoir réglées définitivement.
Qui, dans l’exaltation de la victoire de 1945 sur les
totalitarismes, pouvait penser que les partis pro-nazis reviendraient sur le
devant de la scène dans nombre de pays du monde?
Et tout cela, il n’y a que 73 ans, moins que notre espérance
de vie…
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