Guy Verhostadt |
On
sait qu’Emmanuel Macron veut réunir tous les progressistes des 27 pays de l’Union
européenne lors des prochaines élections au Parlement européen de 2019 afin de
créer une dynamique pour un renouveau de la construction européenne et pour
faire barrage à la montée des nationalismes populistes.
Une tâche ardue mais qui vient peut-être de trouver sa
naissance effective avec la prochaine alliance entre le président français et
Guy Verhostadt, ancien premier ministre belge et président du groupe ADLE (Alliance
des démocrates et des libéraux pour l’Europe) réunissant l’ensemble des
centristes au Parlement européen (dont l’UDI et le Mouvement démocrate) ainsi
qu’une parti des libéraux de droite et de gauche.
Une alliance qui pourrait s’appeler «Génération Europe».
C’est en tout cas ce que vient de révéler Guy Verhostadt lors
d’une interview au quotidien Ouest France.
Cette alliance pourrait préfigurer un axe central européen
où les libéraux de droite, du centre et de gauche pro-européens formeraient une
large alliance dans le prochain Parlement européen et, peut-être, lors des
élections qui conditionneront sa composition politique.
Extraits de l’interview de Guy Verhostadt:
- Comment votre groupe va-t-il se positionner aux prochaines
européennes?
Après la rencontre entre le Hongrois Orban et l’Italien
Salvini, la lutte, en 2019, sera une lutte entre les populistes nationalistes
d’une part, et une alternative pro-européenne. Avec Emmanuel Macron, on n’a pas
seulement la même analyse, mais plus ou moins les mêmes propositions. Le
discours de la Sorbonne est très largement soutenu chez les partis de l’ADLE.
On est prêt à créer avec Macron cette alternative.
- A faire partir du même groupe après les élections?
Oui, c’est évident.
- Sous l’étiquette ADLE? Sous un nouveau nom?
Je ne sais pas, on est en train d’en discuter. Mais ce sera
quelque chose de nouveau, un mouvement. Une alternative pro-européenne aux
nationalistes. Notre groupe est prêt à y participer dès maintenant, sans
attendre.
- Vous allez faire campagne ensemble?
Je pense qu’il faut se présenter ensemble, oui.
- Sous un même étendard?
Chaque parti va garder ses symboles, mais on crée un
mouvement plus large. L’objectif c’est de créer un groupe décisif dans le futur
parlement, un outil pour arrêter la vague nationaliste.
- Pour dire quoi?
On peut tout dire sauf que l’Union européenne marche bien.
La grande différence entre les nationalistes et nous, ce n’est pas sur
l’analyse. C’est sur les recettes. Il y a une crise européenne, il faut la
reconnaître. Ne pas le faire, comme le font les partis classiques qui disent
qu’on avance à petits pas, c’est de la mauvaise politique. En néerlandais, il y
a un proverbe, pour cela. Les mauvais docteurs et leurs demi-mesures laissent
les plaies puruler.
- Macron est contre la logique des « Spitzenkandidaten »,
(la tête de liste du parti arrivé en tête devient président de la Commission
européenne), or vous avez toujours été pour. Vous avez changé d’avis?
On était très pour et on est devenu très critiques. On aime
les Spitzenkandidaten pour lesquels les gens peuvent voter, mais la
justification démocratique, c’était la liste transnationale. Et pour des
raisons purement politiciennes, le PPE n’en a pas voulu. Or, en refusant les
listes transnationales, ils ont tué le Spitzencandidate. C’est eux qui l’ont
tué. Cela reste un système où c’est madame Merkel qui décide qui est le
prochain président de la Commission. Ce qui me préoccupe le plus, c’est que le
vrai candidat du PPE, c’est monsieur Orban.
- Votre mouvement aura une tête de liste?
Je ne peux pas vous en dire plus pour l’instant. Quand on
était parmi les principaux défenseurs du système du Spitzen, comme une étape
vers une démocratie transnationale européenne, ceux qui ont voulu promouvoir ce
principe sont en train de le tuer. Castaner parle d’anomalie démocratique si on
garde un candidat sans liste transnationale, sans base démocratique. Il n’a pas
tort.
- Vous ferez vos propres listes transnationales?
Nous devons avoir dans notre mouvement des partis
paneuropéens, comme Volt qui est né l’an passé. Ils ont les mêmes idées.
Ensuite, nous devons mettre comme condition pour faire partie de notre
mouvement et de notre groupe que sur votre liste vous avez aussi des gens qui
ne sont pas de votre nationalité. Pour créer cette démocratie transnationale.
- Que proposez-vous sur la crise migratoire ?
Les gens pensent que la crise migratoire, c’est l’Europe. Ce
n’est pas la réalité, c’est le manque d’Europe le problème. C’est justement
parce qu’il y a un système d’asile basé sur le pays d’entrée, qui nie la
solidarité, qu’on est dans l’impasse. (…)
- La méthode des petits pas est morte?
C’est fini, oui. Il faut une refondation européenne,
notamment sur la manière de décider. Comment voulez-vous dans un monde dominé
par l’empire chinois, l’Inde, les Américains, la Fédération russe, et nous, on
se réunirait quatre fois par an on déciderait à l’unanimité à vingt-sept ? Cela
ne fonctionne pas.
Les Américains ont été capables, neuf mois après le début de
la crise financière, de lancer un missile à trois étages : nettoyage des
banques (400 milliards de dollars), plan d’investissement sur dix ans (900
milliards), un plan de quantitative easing de 1 200 milliards. Et tout cela en
neuf mois. Et deux ans après ils étaient sortis des problèmes, et nous dix ans
après on discute encore sur le nettoyage des banques, sur un fond qui ferait un
tiers du fond américain. Et le quantitative easing on l’a fait à la fin, mais
pour éviter la déflation et pas pour relancer l’économie.
Ce système qui est un brin confédéral, un brin
intergouvernemental, un brin requérant l’unanimité, ne peut plus fonctionner.
On prend les décisions, mais toujours trop tard. Et les décisions sont toujours
trop molles, pas à la hauteur de l’enjeu.
- C’est un système à bout de souffle selon vous?
Mais naturellement. Si on ne fait pas gaffe, cela va
disparaître. Rien n’est éternel. Heureusement, on a le Brexit. Il illustre la
vague populiste, mais il a provoqué aussi une sorte de résurrection de
l’attachement à l’UE au sein des opinions publiques. Au Danemark les sondages
disent clairement que les gens ne veulent plus quitter le navire. On voit les
difficultés, le chaos que crée la sortie de Grande-Bretagne.
Même les populistes n’osent plus dire qu’ils veulent sortir
de l’UE. Et ils se jettent sur la question migratoire. Donc, on voit un
changement dans leur langage. Ils voulaient tous sortir de l’euro, Le Pen,
Salvini, Strache. Et maintenant ils restent. Ils voient que les gens ne le
veulent pas. Nous les pro-européens, on doit se saisir de l’opinion publique
qui est consciente de tout cela. Et cesser avec les demi-mesures qui ne
résolvent rien. C’est une occasion à saisir maintenant. La prochaine crise peut
achever l’UE.
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