François Bayrou |
Beaucoup
de ceux qui ont travaillé avec François Bayrou se sont toujours plaints du peu
de fiabilité du respect des alliances ainsi que de sa volonté d’exister à tout
prix qui le mène à s’opposer avec ceux avec qui il s’allie lorsque l’occasion
se présente.
Dans
l’entretien qu’il vient d’accorder au Figaro, on voit, une nouvelle fois, qu’il
joue sur le soutien qu’il apporte au Président de la république et au
Gouvernement comme il l’avait déjà fait il y a quelques mois.
Bien
sûr, il réaffirme qu’il demeure un allié fidèle mais il critique vertement le
pouvoir et estime qu’il doit retrouver «l’élan du projet initial» et la «promesse
de l’élection présidentielle», sous-entendant qu’il a trahi cette dernière.
Or,
en cette période où Emmanuel Macron est l’objet d’attaques virulentes ainsi que
son parti, La république en marche, un allié fidèle prendrait plutôt leur
défense au lieu de les attaquer.
Cette
attitude est sans doute dangereuse pour ceux-ci mais plus encore pour Bayrou
qui ne semble pas prendre la dimension d’une critique frontale même si ses
sympathisants semblent le suivre sur ce terrain.
Extraits
de l’interview au Figaro:
- Marc Fesneau, candidat MoDem pour le perchoir, a obtenu 86
voix. Soit le double des voix du groupe MoDem à l'Assemblée. Comment
analysez-vous ce vote?
C'est un magnifique score qui traduit une estime personnelle
pour Marc Fesneau et qui valide une démarche politique. Cela montre que loyauté
et indépendance peuvent marcher de pair. Quand le groupe MoDem à l'assemblée a
décidé à l'unanimité de présenter la candidature de Marc, tous les messages
reçus traduisaient une attente: que dans la majorité des voix libres puissent
se faire entendre, pour que soit retrouvé l'élan du projet initial porté par
Emmanuel Macron.
- Jean-Louis Bourlanges a dénoncé le manque de considération
de LREM? Le formuleriez-vous de la même manière?
Cette exigence de respect, de travail réellement partagé,
elle ne peut pas être discutée. Le groupe MoDem a été, est et sera d'une
parfaite loyauté à l'intérieur de la majorité, mais aujourd'hui, comme beaucoup
de Français qui ont voté Emmanuel Macron en 2017, le MoDem a le souci et la
volonté de retrouver la promesse de l'élection présidentielle. D'une part
l'énergie et l'optimisme pour changer ce qui doit l'être, y compris les
pratiques politiques; d'autre part l'engagement d'inventer un modèle de société
qui soit «en même temps» réaliste et généreux. Les derniers mois, cette
promesse a paru s'éloigner: on a eu le sentiment que la nécessaire exigence
gestionnaire effaçait le besoin d'un horizon et d'un sens pour l'action.
- Comment l'expliquez-vous?
Beaucoup de politiques vivent dans l'idée que l'élection
d'Emmanuel Macron a été un accident et attendent impatiemment qu'on en revienne
au passé. Je pense exactement le contraire. L'élection d'Emmanuel Macron a été
un moment historique, en ce sens qu'elle a révélé l'attente profonde, souvent
inexprimée, d'un pays qui ne se retrouvait plus, ni dans le modèle politique ni
dans le modèle de société qu'on lui proposait.
- Un an après l'élection présidentielle, êtes-vous déçu par
Emmanuel Macron?
Quel naïf pouvait croire que les choses seraient faciles? En
tout cas, pas moi! Mais je ne perds jamais de vue, pas une seule seconde, que
cet homme jeune élu par temps d'orage, et que nous avons aidé à faire élire,
est la seule chance pour que le modèle politique français ne dérive pas vers un
pays définitivement fracturé.
- Comment définissez-vous le rôle du MoDem alors?
Soutien et exigence.
- Avez-vous l'impression que votre parti pèse et est entendu
par l'exécutif et LREM?
Nous serons entendus, mais non pas en raison d'accords
d'appareils, mais uniquement parce que nous disons et dirons des choses fortes
et justes. C'est ainsi que nous lutterons contre le sentiment de décrochage
chez les Français. Rien n'est plus important pour moi que de voir le président
retrouver avec les Français l'élan du printemps 2017. Cet élan, ce n'était pas
une fausse promesse! C'était le fond de sa nature, telle que je la perçois:
libre face à l'univers technocratique et aux lobbys, un homme qui ne veut pas
baisser les bras.
- Pourquoi ne perçoit-on plus cet élan?
Les Français ne voient plus bien où conduisent les réformes
qui sont successivement proposées. Or il ne s'agit pas de traiter des dossiers
les uns après les autres, mais de construire une société et de retrouver un
pays. Il existe une exception heureuse: la politique de l'éducation nationale.
Là, on voit où l'on va, et les Français adhèrent. J'espère et je crois qu'il
peut en être de même pour la lutte contre la pauvreté. Mais dans le nombre de
ces réformes, la responsabilité précise du président de la République est de
donner une ligne directrice, de dire ce qui relie les décisions qui sont
prises, d'expliquer le fil conducteur.
- Mais l'Affaire Benalla a mis en lumière un exercice du
pouvoir très solitaire…
Emmanuel Macron est arrivé au pouvoir avec des équipes qui
n'avaient pas l'expérience de grandes responsabilités exécutives et sans
l'organisation rodée à ce type de responsabilités. Il se trouve qu'il a voulu
en plus, dans les équipes qui l'entourent, une mixité d'âge, une mixité de classes
sociales, une mixité culturelle. Il arrive que dans ces chaînes de
responsabilité, la malchance fasse qu'il y ait un maillon qui claque. Un jeune
homme de 26 ans, nimbé de l'aura de l'Élysée, a cru qu'il pouvait se moquer des
règles et des usages. Les glissières de sécurité que doit comporter tout
pouvoir n'ont pas fonctionné. Vous comprenez pourquoi je me suis toujours battu
pour des contre-pouvoirs. C'est la raison pour laquelle je défends un Parlement
de plein exercice, respecté, mieux équilibré qui exerce sa mission de contrôle
vis-à-vis de l'exécutif. Il fait son travail, c'est pourquoi je n'approuve pas
par exemple les attaques contre le Sénat.
- Certains reprochent pourtant à LREM une volonté
hégémonique sur la vie politique.
Croire que l'on peut être hégémonique dans un monde aussi
complexe et instable que celui dans lequel nous vivons, ce serait une stupidité
et une très grande naïveté. On a au contraire besoin d'élargir la base sur
laquelle on s'appuie, et pas de la restreindre. On a besoin d'écouter, pas de
faire taire. Tout pouvoir doit trouver des partenaires, une base qui fait
confiance, et face à lui des corps de contrôle.
- Gérard Collomb a jugé nécessaire de faire preuve de plus
«humilité». Vous aussi?
Il a traduit avec ses mots un sentiment dont vous voyez
qu'il est proche du mien.
- Le MoDem compte-t-il présenter une liste aux européennes?
Pour moi, l'enjeu impose de rassembler! Nous devons construire
une liste unique avec LREM à condition que nous nous mettions d'accord
précisément sur les grands choix et sur le profil des candidats. Cela impose un
vrai travail en commun.
- Le MoDem demanderait-il la tête de liste?
Non. Quand on aura fait ce travail, il faudra trouver la
meilleure ou le meilleur pour être figure de proue, sans distinction
d'étiquettes.
- Cette liste pourrait-elle intégrer les juppéistes?
Plus on rassemble, et mieux c'est! Surtout avec des
sensibilités dont on est proche. Cela permet de garder une cohérence
d'ensemble. Mais surtout, il nous faut inventer une démarche qui enfin inclue
les peuples citoyens dans le projet! J'ai d'ailleurs beaucoup aimé l'expression
d'Emmanuel Macron «le retour des peuples». Au long des dernières décennies, le
peuple des citoyens a eu le sentiment que le pouvoir était tenu en lisière par
des prétendues élites. Les peuples ne sont naturellement ni racistes, ni
xénophobes, ni stupides. Simplement ils demandent à comprendre où on va.
- Ça explique pour vous cette montée des «populismes»
partout en Europe face aux «progressistes»?
Le «populisme», je n'aime pas cette expression. Je ne leur
concède pas le peuple. Il y a un clivage qui dit la vérité de ces choix: c'est
le clivage «démocrates» contre «démagogues». Et je suis d'accord avec ce qu'a
dit Edouard Philippe: pour la première fois la question de l'Europe, ce sera
«to be or not to be».
- Emmanuel Macron installe un duel avec Viktor Orban et
Matteo Salvini. C'est la bonne stratégie, selon vous?
Orban, Salvini et ceux qui les suivent, il faut voir ce
qu'ils sont: ils sont une trahison de nos raisons de vivre, ils sont la
négation de la civilisation européenne. Pour gagner des voix, ils ont décidé de
franchir les limites fixées depuis la guerre par tous les responsables
européens, eux qui avaient fait l'expérience mortelle de la haine envers celui
que ne vous ressemble pas.
- Vous auriez voté la procédure du Parlement européen contre
la Hongrie?
Oui, naturellement. Profaner ce que nous avons en commun
mérite lutte et mobilisation.
- Macron n'a pas dit où siégeraient les députés européens de
LREM. Pouvez-vous siéger dans un même groupe?
Je me suis toujours battu pour que le centre européen se
rassemble et se structure, sur des valeurs de démocratie et de justice. Nous
avons vocation à nous rassembler pour travailler ensemble.
- Emmanuel Macron n'est-il pas plus isolé qu'il y a un an
sur la scène européenne?
Pour tout le monde en Europe, l'élection d'Emmanuel Macron a
marqué le retour de la France. Quand on porte un projet, si ce projet est juste
et fort, on n'est jamais seul.
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