Jean-Christophe Lagarde |
Les
anciens du Nouveau Centre, désormais à la tête de Les centristes (Hervé Morin)
et de l’UDI (Jean-Christophe Lagarde), ont fait leur rentrée médiatique ce
jour, l’un sur les antennes de Franceinfo, l’autre dans les colonnes de
L’Express.
Et
le moins que l’on puisse dire, c’est que leur soi-disant «soutien» à la
politique d’Emmanuel Macron et de son gouvernement est de plus en plus
critique.
Déjà,
depuis plusieurs mois, Morin se lâche sans aucune réserve sur le Président de
la république tout en prétendant qu’il soutien une partie de sa politique alors
que Lagarde semblait plus mesuré.
Mais
l’on connait les envies d’exister du président de l’UDI qui font qu’il rue
parfois dans les brancards sans aucune subtilité.
C’est
le cas dans l’entretien qu’il a accordé dans les colonnes de L’Express, publié
à côté de celui de Valérie Pécresse, la fausse «frondeuse» de LR, dont la
teneur est à peu près le même que celui de Lagarde.
Ainsi,
on comprend bien que l’angle d’attaque de ces deux-là est de condamner, en se
proclamant les défenseurs des «territoires», un président qui serait éloigné du
peuple, pas assez social et trop proche des riches.
Une
nouveauté chez Lagarde, une volonté de «démondialisation» qui n’était prônée,
jusqu’à présent que par les extrêmes de droite et de gauche ainsi que par le
populisme de Laurent Wauquiez, bien éloignée d’une vision libérale de l’économie
qui est généralement celle des centristes.
Extraits
de l’interview de Jean-Christophe Lagarde
- Quelques semaines après l'affaire Benalla, votre regard
sur Emmanuel Macron a-t-il changé ?
Jean-Christophe Lagarde. Non, car l'affaire Benalla n'est
pas symptomatique de la macronie, mais de la V° République. Depuis 1958, nous sommes
malheureusement la seule «démocratie» qui considère que quelqu'un qui travaille
auprès du chef de l'Etat peut tout se permettre. Ce qui explique que rien n'a
arrêté Alexandre Benalla, c'est que toute la haute administration a considéré
qu'il était au-dessus des lois puisqu'il travaillait à l'Elysée. La promesse du
«nouveau monde» d'Emmanuel Macron est morte avec l'affaire Benalla.
- Emmanuel Macron est-il politiquement affaibli ?
La majorité a passé un été très difficile, dont on retient
deux événements : l'affaire Benalla et l'arrêt de la réforme constitutionnelle.
Emmanuel Macron bénéficiait de l'élan de l'élection présidentielle. C'est fini,
il n'a plus de dynamique. Sa priorité doit être d'en retrouver une! Dès lors,
deux questions se posent à lui: comment rendre à nouveau crédible sa promesse
de gouverner autrement? Le gouvernement reprend-il le chemin des réformes? Les
deux questions sont liées puisqu'Emmanuel Macron n'aura pas les moyens
d'engager ses réformes sans retrouver la crédibilité d'un pouvoir différent, plus
transparent et démocratique.
- Quels actes attendez-vous précisément ?
Emmanuel Macron avait commencé à s'attaquer à l'organisation
des pouvoirs. Mais marginalement. Réformer le Conseil supérieur de la
magistrature, mettre fin à la présence des anciens présidents de la République
au sein du Conseil constitutionnel, supprimer la Cour de justice de la
République, c'est bien. Mais tout cela n'est en rien majeur. La réforme
constitutionnelle de Macron était très en-deçà de celle de Nicolas Sarkozy, en
2008, qui avait créé des droits pour l'opposition, le Parlement et les citoyens.
Il faut aller plus loin dans la démocratisation des institutions en renforçant
les pouvoirs de contrôle et d'enquête du Parlement.
Allons-nous rester le seul pays occidental où le Parlement,
et tout particulièrement l'opposition, n'ont pas le droit d'enquêter autant
qu'ils le veulent sur tous les sujets, y compris lorsqu'une enquête judiciaire
est en cours ? Aux Etats-Unis, des gens aussi puissants que le patron de
Facebook, Mark Zuckerberg, viennent devant la commission d'enquête du Congrès
en tremblant. Moi, je veux bien croire qu'Emmanuel Macron a été abusé par un
collaborateur, mais la meilleure démonstration de sa bonne foi, c'est de faire
en sorte que ça ne puisse pas se reproduire. Il ne s'agit pas de réorganiser
les services de l'Elysée, mais d'assurer la transparence et le contrôle du
pouvoir exécutif. Le président Macron prend-il la mesure de cela ? Si oui, sa
promesse de gouverner différemment redevient crédible. Si non, cet aveuglement
paralysera la dynamique de ses réformes, qui ont besoin d'un cap et d'un
agenda.
- Quel serait ce cap?
Le président Macron explique aux Français la nécessité de
miser sur les premiers de cordée ; tout le monde peut partager ça. On a en
effet besoin que quelqu'un tire la cordée. Mais attention, pour escalader la
montagne, on ne peut pas laisser le dernier de cordée en tongs et en short,
sinon il va crever de froid. Et, avant même de monter, il le sait et se
révolte. Emmanuel Macron doit montrer que sa politique s'adresse à tous les
Français, y compris à ceux qui sont en short et en tongs.
Ce qui me frappe avec le recul estival, c'est que la
politique d'Emmanuel Macron sert le plus ceux qui sont déjà les gagnants de la
mondialisation et ceux, souvent les mêmes, qui vivent dans les centres des
grandes métropoles françaises. Ceux qui ont raté leur formation initiale, ceux
qui vivent dans les banlieues ou dans le monde rural sont-ils pris en compte dans
le projet d'Emmanuel Macron? A sa place, mon obsession serait de faire en sorte
que la locomotive accélère sans qu'aucun wagon ne décroche.
Par exemple, à l'UDI, nous proposons depuis plus d'un an une
grande agence nationale de la cohésion des territoires. Comme au temps de la
planification, il faut montrer qu'il y a une politique déterminée pour que tout
le monde ait accès aux transports, à la téléphonie mobile, à l'Internet à haut
débit, à des formations d'excellence, à un réseau médical ...
(…)
- Vous êtes très critique. Finie la bienveillance vis-à-vis
du président?
Rien n'a changé. Nous restons à la fois totalement libres de
montrer les manques, mais bienveillants. Si Emmanuel Macron se plante, c'est
toute la France qui souffrira et nous subirons des aventures politiques
extrêmes, dont les plus fragiles souffriront les premiers. Donc je continue à
souhaiter sa réussite, mais je suis libre de dire: «Attention, là, vous oubliez
des choses». Le président Macron a fait un nombre de réformes tout à fait
remarquables que les trente dernières années de la vie politique française
n'avaient pas permis de réaliser, comme la réforme du Code du travail ou de la
SNCF. Mais il faut qu'il démontre que son pouvoir est vraiment différent de
celui des autres et qu'il est au service de tout le monde.
- Comment cela se traduira-t-il lors des prochaines
échéances électorales ? Allez-vous faire liste commune avec LREM aux
européennes?
Il est trop tôt pour se poser la question d'une alliance.
Nous trancherons en décembre ou janvier. Rassembler ceux qui refusent la
destruction de l'Europe est-il le meilleur service à rendre à la cause
européenne? Si l'on partage un même projet, peut-être. Sinon, ça ne marche pas.
Aujourd'hui, je vois plutôt le pouvoir comme trop enclin à accepter des règles
d'échanges économiques et commerciaux qui ne sont pas justes. Pour l'UDI,
l'Europe doit servir une «démondialisation», c'est-à-dire, non pas la fin des
échanges, mais la mise en place de relations équitables à l'intérieur de l'UE
comme à l'extérieur.
Nous devons réformer l'Europe de l'intérieur: actuellement,
elle organise une compétition déloyale entre ses membres alors qu'elle n'a pas
été faite pour cela. Ensuite, il faut fédérer l'Europe face aux grandes
puissances mondiales pour reconquérir notre indépendance sur un certain nombre
de sujets, comme la souveraineté industrielle ou technologique, mais aussi pour
le contrôle des frontières et de l'immigration, la création d'un parquet et
d'une police fédérale qui combattent le terrorisme et la grande délinquance
internationale... (…)
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