Barack Obama |
«Où est Barack Obama?» (Where is Barack Obama?), titre le
New York magazine et pourquoi ne s’oppose-t-il pas à Trump dont une des
obsessions est de détruire toute son œuvre politique et législative de ses huit
années de présidence?
Et de constater avec justesse que «l'Américain le plus
populaire, dont l'héritage est la cible principale de Donald Trump, a, pour
l'instant, pratiquement disparu de la vie publique».
Ainsi le journaliste Gabriel Debenedetti s’interroge dans
son enquête fouillée pour le magazine, «Comment l'homme le plus omniprésent en
Amérique pendant huit ans a-t-il pratiquement disparu? Au cours de sa
présidence, Obama s'est présenté comme le guide laïc du pays autant que comme
son commandant en chef, quelqu'un qui comprenait le cœur moral de la nation et
insistait pour que nous nous en imprégnions. Qu'est-ce qui explique sa
quasi-absence de la scène politique, où il pourrait plaider publiquement contre
la destruction de toute son œuvre politique mais aussi de ce qu’est la vie
américaine plus largement? Qu'est-ce qui l'empêche de parler plus souvent de la
nécessité de protéger les normes démocratiques et la primauté du droit, d'être
des gens décents? Où est l'homme qui a pleuré après Sandy Hook (ndlr: école
primaire où des enfants ont été assassinés) et a chanté à Charleston (ndlr: où
des paroissiens noirs ont été assassinés dans leur église), qui après chaque
meurtre de masse a essayé d'apaiser une nation outragée, qui a parlé des
valeurs américaines dans ses voyages à travers le monde? Et, tactiquement, qu'y
a-t-il derrière le silence relatif de l'une des figures les plus populaires,
alors que la politique américaine semble être au bord de la rupture?»
Et il est vrai que si le 44° président des Etats-Unis se
montre de temps en temps, il n’est pas redescendu dans l’arène politique et ne
prévoit pas de le faire sauf exceptions.
Tout cela ressort à la fois de sa personnalité, de son
engagement centriste et, paradoxalement, de la situation politique du pays, en
particulier la présence de Donald Trump à la Maison blanche et des dangers
qu’elle recèle pour la démocratie étasunienne.
Pour Gabriel Debenedetti, «La réticence d'Obama est plus
qu'une simple question de stratégie de communication. Il a surtout choisi de ne
pas participer au cycle de l’indignation de l'Amérique libérale à propos de
Trump. Bien qu'il lise le New York Times et d'autres journaux, il ne suit pas
les tweets quotidiens de Trump et ne regarde pas les nouvelles télévisées. Il
est énervé par les agissements de l'administration et confie à ses amis que ce
qui l'inquiète le plus, c'est l'ordre international, la fonction de président,
l'érosion des normes démocratiques et les luttes de gens qui ne sont soudainement
plus sûrs de leur statut en matière d’immigration ou de l'avenir de leur couverture
santé. Pour autant, dans les conversations avec ses amis politiques, Obama
insiste sur le fait que le désordre d'aujourd'hui n’est qu’un épiphénomène sur
le long arc de l'Histoire et soutient que son propre travail doit se focaliser
sur le progrès pour le futur(…).»
Et de rappeler:
«Depuis le choc de l’élection (de Trump), il a résisté à la
condamnation directe de son successeur». Dès la victoire du populiste, «il
discutait avec de hauts responsables de son Administration sur ce que cela signifiait
que le pays ait choisi Trump, hésitant entre le fait que cette élection était
un bizarrerie accidentelle et qu’elle soit un rejet de sa propre vision de
l'Amérique. Dans les mois qui ont suivi l'investiture, Obama a publiquement
fait référence au nouveau président avec parcimonie – mais plus qu’il ne
l’aurait voulu. Il a publié des déclarations prudentes défendant la loi sur l’assurance
santé et soutenant l'accord de Paris sur le changement climatique, tout en
évitant de mentionner Trump par son nom et laissant largement la résistance à
celui-ci parler de elle-même.»
Ainsi, «dans des conversations privées, Obama mentionne
rarement ou pas du tout Trump».
Selon Jim Messina, son ancien conseiller et directeur de sa
campagne lors de la présidentielle de 2012 «la chose importante à considérer
avec Obama dans le contexte actuel de la politique est quels sont ses objectifs
généraux. Le premier objectif d'Obama est d'adhérer au précédent créé par George
W. Bush, le laissant seul et respectant le transfert pacifique du pouvoir. La
seconde consiste à soutenir l’engagement politique d’une jeune génération de
dirigeants».
Surtout, il ne veut pas d’un affrontement frontal avec Trump
afin que ce dernier ne l’instrumentalise et ne le récupère à son profit alors
qu’Obama n’a plus d’avenir politique précis et que cela pourrait avoir des répercussions
négatives sur le Parti démocrate, ses dirigeants et la nouvelle génération
qu’il veut promouvoir.
Lors d’une interview sur la radio Wbur, Debenedetti a
précisé, à propos de son enquête, qu’Obama «s’inquiète que s’il intervient et
parle avec force contre Trump, il ne transforme le débat en un combat Obama
versus Trump qui ne servirait pas à grand-chose même s’il pourrait stimuler la
gauche. Mais il s'inquiète surtout que cela puisse consolider le lien entre les
républicains (ndlr: dont la majorité des élus ont toujours détesté Obama par
peur que son projet réussisse) et Donald Trump et que le débat ne tourne qu’en
un affrontement peu reluisant entre gauche et droite.»
Et il ne croit pas si bien dire puisque la chaine populiste
d’extrême-droite, Fox news, a mentionné son enquête en concluant par une
attaque contre… Hillary Clinton, la pleureuse qui fait des «monologues» sur sa
défaite, se lamentant d’avoir perdu alors qu’elle a eu «plus de trois millions
de voix de plus» que Donald Trump!
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
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