Regards Centristes est une série d’études du CREC qui se penchent sur
une question politique, économique, sociale ou sociétale sous le prisme d’une vision
centriste. Quinzième numéro consacré à la question dont le Centrisme envisage
la questions des migrants particulièrement en ce début de XXI° siècle où elle
est devenue sujet de multiples controverses dans les démocraties républicaines
mais aussi partout dans le monde.
Les migrants et l’immigration sont en train de devenir une
des discussions centrales et motifs à controverses et affrontements dans les
démocraties occidentales en ce début de deuxième millénaire ce qui n’étonnera
que ceux qui ne s’intéressent pas au sort de la planète et qui n’ont pas écouté
ni même entendu les spécialistes du sujet qui nous ont alerté pendant des
années sur une situation de plus en plus problématique pour que nous nous en
saisissions au plus vite afin de trouver des solutions acceptables avant qu’il
ne devienne ingérable..
Le phénomène n’est surtout pas nouveau.
Le déplacement de peuples, voulu ou subi par ceux-ci,
funestes ou bénéfiques pour les territoires de destination, existent depuis les
débuts de l’Humanité et fait partie intégrante de son écosystème.
L’immigration dont on parle actuellement, le déplacement de
populations de pays pauvres vers les pays riches constituées de personnes qui
viennent d’ethnies différentes, de cultures différentes, de croyances
différentes des populations autochtones, a déjà une longue histoire que ce soit
pour des raisons économiques, politiques ou suite à des événements dramatiques (famines,
guerres, etc.).
Et les spécialistes dont nous parlions plus haut nous ont
prévenu voici des décennies que cette question serait au cœur du fonctionnement
de démocraties occidentales et des pays riches plus largement et qu’il fallait
l’organiser quand il était encore temps et faire en sorte de développer prioritairement
les pays d’où ces populations sont issues afin d’éviter que ces vagues – plus ou
moins importantes selon les moments mais toujours constantes – posent problème
aujourd’hui politiquement, économiquement et sociétalement parlant avant
peut-être de susciter de la part des populations un rejet total d’une majorité
et la venue au pouvoir de partis et de personnages extrémistes et dangereux et
nous y sommes!
Car c’est un bien un problème politique par excellence avant
d’être humanitaire.
Ici il ‘agit d’un constat car la venue de l’«autre» est
avant tout un problème de sa perception par celui qui est déjà là et du
sentiment qu’il inspire et du danger qu’il peut représenter.
Bien entendu, l’urgence devient humanitaire et la vision de
ces migrants, de ces femmes, de ces hommes et, surtout, de ces enfants souvent
en détresse absolue ou ayant quitté leur pays, leur communauté parce qu’ils n’y
ont aucun avenir, voire qu’ils y sont en danger de mort pour des raisons
diverses, touchent émotionnellement la plupart des habitants de ces démocraties
et de ces pays riches et agit sur notre conscience.
Mais, in fine, devant des flux qui donnent l’impression de n’être
pas gérable, c’est l’angoisse, la peur, la crainte qui dominent la majorité des
habitants des terres d’immigration provoquant de plus en plus de réactions de
rejet, d’ostracisme, de violence quand ce n’est pas, tout simplement, de
détournement des regards en laissant faire le sale boulot à d’autres et au
destin...
Rappelons que l’immigration possède de multiples facettes,
les unes positives, les autres négatives.
Au rayon des conséquences positives de l’immigration, il y
a, pour les pays d’où partent les émigrés, un allègement des difficultés liées
souvent à la surpopulation et les problèmes qui en découlent dans les pays
pauvres, la résolution de conflits ethniques ou idéologiques, la manne
financière que ces émigrés pourront amener en s’intégrant dans les pays d’accueil,
en travaillant et en envoyant une partie de leurs salaires à leurs familles
demeurées «au pays», participant à une redistribution et une aide indispensable
à leur terre natale.
Pour les pays d’accueil, les immigrés sont aujourd’hui
susceptibles de solutionner la baisse de la démographie, parfois dramatique
dans certains pays, avec tous les problèmes qui y sont liés (par exemple, le
paiement des retraites), d’apporter leur savoir-faire (notamment pour ceux qui
sont les mieux formés et qui ont des capacités souvent d’excellence dans des
domaines où l’on manque de main d’œuvre comme par exemple l’informatique), de
faire le travail que les populations des pays riches ne veulent pas faire (ce
qui est toujours d’actualité malgré le chômage et les tentatives de revaloriser
ces emplois), une ouverture sur le monde et un enrichissement avec l’apport
positif de leurs cultures respectives.
Au rayon des conséquences négatives de l’immigration, il y
a, pour les pays d’émigration une perte de main d’œuvre souvent qualifiée, un
appauvrissement du tissu social, une désertification de certaines zones,
notamment rurales alors que l’autosuffisance alimentaire est inexistante.
Pour les pays d’immigration, c’est un surplus de population
auquel il faut faire de la place, tant dans le logement que dans le travail que
dans les services comme l’Education nationale ou la Santé ce qui amène à des
coûts parfois élevés sans un retour immédiat sur investissement (même si, à
terme, l’intégration de cette population génère des revenus pour les organismes
sociaux, des taxes et des impôts pour les collectivités publiques et des
dépenses de toutes sortes qui permettent des gains pour les entreprises).
Mais il y a aussi le problème d’intégration culturelle (au
sens large, c’est-à-dire tous les comportements particuliers à la population d’un
pays, de la manière de se vêtir à la religion pratiquée en passant par la
manière d’envisager les rapports sociaux) voire ethnique (et on parle ici,
entre autres, bien évidemment de la couleur de la peau, clairement du racisme
ou de la crainte que suscite parfois chez certains une couleur de peau
différente sans que cela soit réellement du racisme).
Si, par exemple, les immigrés italiens, polonais, espagnols
ou portugais qui sont venus en France entre la fin du XIX° siècle et le milieu
du XX° siècle posaient des problèmes d’intégration au niveau culturel et moins
au niveau ethnique, il faut se rappeler que la chasse au «rital», au «polak», à
l’«espingouin» ou au «portos», fut une pratique courante des organisations et
individus xénophobes, comme l’est aujourd’hui celle de la chasse aux Arabes ou
aux Africains (avec, souvent, une prédominance ethnique du rejet).
Pour autant, l’angoisse et la crainte réelles (c’est-à-dire
ressentie) d’une insécurité (souvent fantasmée mais dont in ne peut pas dire qu’elle
est inexistante) se nourrit aujourd’hui de différences culturelles importantes
et, surtout, revendiquées par certains groupes de populations qui ont immigrées
ces dernières décennies dans les pays occidentaux.
On place évidemment ici le problème de la religion et de
ceux qui en font une pratique extrémiste et, en même temps, politique.
Sans oublier le fantasme le plus grand, cette peur
irrationnelle mais nourrit de quelques éléments rationnels, de voir débarquer
des hordes d’immigrés qui vont détruire le tissu social, le tissu économique et
le tissu sociétal ainsi que de piller les ressources du pays le faisant
retourner des siècles en arrière.
Les chiffres de la population mondiale par continents et
zones géographiques sont les éléments rationnels mais si toutes les populations
pauvres voudraient vivre comme les populations riches, elles ne souhaitent pas
majoritairement quitter leur pays et le voudraient-elles qu’elles ne le
pourraient matériellement.
Mais il est tout à fait vrai que les pays occidentaux ne
peuvent «accueillir toute la misère du monde» sauf à décider sciemment de s’appauvrir
sachant qu’il n’y a pas assez de richesses dans le monde pour que toute sa
population vive à l’«occidentale».
Sans oublier que les pauvres des pays riches –souvent les
plus opposés à l’immigration et qui estiment être prioritaire – ont besoin que
l’on s’occupe d’eux afin de leur permettre de sortir de leur condition.
Reste que cette peur que l’extrême-droite appelle «le grand
remplacement» et qui fait des ravages dans tous les pays occidentaux (regardons
la peur des blancs des classes populaires aux Etats-Unis depuis qu’on leur a
dit que leur couleur n’était plus majoritaire dans le pays) parce qu’elle parle
l’émotionnel, aux inquiétudes et aux angoisses, dans un univers parfois
fantasmagorique, s’inscrit de plus en plus dans l’inconscient collectif…
Comment une un
courant politique comme le Centre et une pensée politique comme le Centrisme
envisagent cette question cruciale de l’immigration de ce début du XXI° siècle?
Rappelons les fondamentaux du Centrisme et ce qu’ils nous
disent.
La pensée centriste moderne a, en France, trois origines
principales au-delà de cette réflexion qui date des débuts de la philosophie
politique sur la modération, l’équilibre, la médiété qui viennent des temps
forts anciens, d’Aristote, de Confucius et d’autres.
Il y a la démocratie chrétienne qui nous dit qu’il faut de
la compassion pour l’autre, qu’il faut l’aider, qu’il faut l’accueillir, tout
un agir issu directement du message de Jésus.
Il ya le libéralisme qui prône comme société mondiale
idéale, la liberté et l’ouverture par de-là les frontières et les différences
dans un monde unique fait de diversité et de mélange.
Il y a le radicalisme qui affirme que la république
démocratique est un régime universel dont les valeurs doivent réunir la planète
en une grande communauté.
Tous ces courants de pensée incitent à accueillir, partager
et intégrer (bien sûr, ils ne sont pas irresponsables en méconnaissant les
problèmes que posent cet accueil, ce partage et cette intégration mais leur
philosophie est caractérisée par l’ouverture).
Mais faudrait-il encore que la situation le permette.
Ainsi, il faudrait un accord de vue sur les bases de vie des
sociétés, ce qui n’est le cas avec les différences culturelles actuelles qui
peuvent détruire à terme (et l’on ne parle pas de long terme qui joue plutôt en
faveur d’une assimilation réussie mais de court et moyen terme) le vivre
ensemble démocratique.
Il faut que les richesses puissent être partagées sans léser
ceux qui accueillent, notamment les plus nécessiteux, et permettre à ceux qui
sont accueillis de vivre décemment sinon on crée un problème pour les premiers
et on ne résout pas le problèmes des derniers.
Il faut que tout cela se passe dans la sécurité, sachant que
sans celle-ci aucun des droits de la démocratie républicaine ne peut réellement
être effectif.
Ajoutons qu’il faut également une ouverture d’esprit des
populations accueillantes, c’est-à-dire un savoir qui ne les amène pas à un
rejet par ignorance, par adhésion à de la propagande haineuse et fausse, par l’imagination
de faux périls.
Mais il faut également que les dirigeants soient capables d’expliquer
les défis et ne masquent pas les réels périls par du politiquement correct qui
ouvre souvent la voie au succès des populistes démagogues et extrémistes qui
jouent sur les interrogations existentielles de ces populations.
Concrètement, quelles sont les mesures centristes et
préconisées par les formations centristes:
Ici, deux lignes directrices fondamentales.
La première est qu’une situation migratoire est toujours
particulière par rapport à l’époque où elle se déroule.
Cela ne veut pas dire que les mêmes causes ne produisent pas
les mêmes effets (les causes de la migration étant souvent les mêmes à travers
l’Histoire comme l’absence de travail, la famine, la guerre, les persécutions,
etc.) mais qu’il faut remettre celles-ci dans leur contexte afin de trouver les
solutions adéquates qui ne peuvent être identiques à un modèle figé.
La deuxième est que si l’émotionnel ne doit pas être éjecté
(nous ne serions plus alors des humains), il doit être canalisé, voire
supplanté, par des principes de réalité, d’équilibre, de responsabilité et de
respect concernant, à la fois, les populations autochtones et les populations
migratoires qui toutes deux subissent, même si ils ne sont las identiques, des
chocs migratoires.
Le tout doit être accompagné d’un effort d’information afin
que les autochtones et les migrants sachent exactement quelle est la situation,
empêchant le catastrophisme fantasmagoriques chez les premiers et les rêves
chimériques chez les seconds.
Bien entendu, se surajoute à tout cela les raisons pour
lesquelles les populations ont décidé de migrer dans l’accueil ou son refus par
les pays d’immigration.
Enfin, il faut être clair, à la fois, pour les autochtones
et les migrants, que ceux qui viennent doivent s’insérer dans une culture et
non le contraire, dans un système politique et qu’il n’est pas concevable que
des demandes illégitimes et effarantes puissent être faites comme par exemple
celles qui veulent des lois venues d’ailleurs (comme la charia, la loi
islamique) s’applique en même temps que les règles de droit de la démocratie
républicaine ou celles qui souhaitent que les hommes et les femmes ne puissent
se baigner ensemble dans les piscines publiques, tel que cela est demandé par
des organisations dans nombre de pays occidentaux.
Ce sont donc ces deux lignes qui doivent soutenir toute
décision en matière d’accueil des migrants et elles doivent s’appliquer en
regarde de la réalité du moment.
Prenons un exemple concernant l’emploi.
Ici tout et n’importe quoi a été dit entre cette fameuse «préférence
nationale» de l’extrême-droite et le refus de regarder la réalité du marché du
travail des pays occidentaux par les universalistes intégraux.
Quand il y a un chômage élevé, tout travail qui peut être
exécuté par une personne – quelle que soit son origine – vivant légalement sur
le territoire d’un pays doit lui être proposé prioritairement.
Si on ne trouve personne pour le remplir pour quelque motif
que ce soit, alors il peut être proposé à toute personne capable de l’exercer.
Aujourd’hui, s’il y a de plus en plus de médecins qui ne
viennent pas des pays de l’Union européenne dans nos hôpitaux français, c’est
parce que l’on en trouve pas et qu’il faut proposer ces postes à tous les
étrangers hors UE capables de les remplir.
Ainsi, on ne peut pas dire à une personne qui est née et/ou
a grandi et/ou vit dans un endroit qu’on ne va pas lui offrir un travail avant
une personne qui vient d’ailleurs parce que cela va être ressentie par la
première comme une injustice et provoquera une réaction de rejet de la deuxième,
celle qui lui «pique son boulot», pouvant mettre à mal la cohésion sociale et
le vivre ensemble d’une communauté, situation sur laquelle surferont avec
gourmandise les populistes démagogues extrémistes.
Mais il est tout aussi évident que l’on doit proposer ce
travail à une personne venue d’ailleurs en cas de refus ou d’incapacité à
trouver quelqu’un de l’endroit pour le remplir.
Ici, d’ailleurs, on ne fait qu’être dans la loi dans le sens
où la personne qui vit sur place depuis plus ou moins longtemps est légalement
protégée contre une personne venant de l’extérieur et qui n’a pas le droit d’y
vivre (sauf à trouver un travail qui régularisera a priori et non a posteriori
sa situation personnelle).
Ce n’est qu’en appliquant des règles claires dans ce domaine
que l’on évacuera toutes les sources d’incompréhension en matière d’emploi
comme dans d’autres domaines.
En conclusion, on peut rapporter les propos récents (juin
2018) du président du Mouvement démocrate, François Bayrou, de culture
politique démocrate chrétienne, face à la crise migratoire qui touche l’Union
européenne et de la manière de se comporter envers les migrants notamment ceux
qui traversent la Méditerranée venant d’Afrique et le plus souvent des côtes de
Libye parce qu’ils montrent toute la complexité d’avoir une position ferme
entre les valeurs centristes et la réalité:
«Ceux qui peuvent donner des leçons sur le sujet ont
beaucoup de chance. Moi, je n'en donne pas parce que je sais très bien que les
réactions de l’opinion publique sont des réactions extrêmement violentes. Vous
avez vu qu'Emmanuel Macron a trouvé un équilibre entre la fermeté et
l'humanitaire. Ce sont toujours des cotes mal taillées, toujours un peu bancal
comme équilibre, puisque l'on prendra notre part des immigrés qui seront admis
sur le territoire européen. Je trouve que ça c'est un équilibre, mais ça ne
vaut pas une règle générale, ça ne vaut pas un code de conduite, de principe,
que nous aurions mis au point tous ensemble et qui nous permette d'avoir une
doctrine lisible par tous le monde y compris les immigrés. Mais est-ce qu'on
lutte contre les réseaux? Comment lutte-t-on contre les réseaux? Parce qu’il y
a des pays qui payent parfois les réseaux pour qu’ils ne transportent pas les
immigrés… Et qu'est-ce qu'on fait pour les territoires d'où viennent les
immigrés, soit pour des raison de guerre, soit pour des raisons économiques ?
Tant que l'Europe n'existera pas en tant que telle, alors à cette question, il
n'y aura pas de réponse. Et donc pas de réponse à l'immense question des
migrants qui se pose sur toute la planète. Trump a été obligé de faire
marche-arrière parce qu'il y a heureusement une loi à laquelle personne ne
manquera, c'est que nous ne sommes pas seulement des Etats, nous sommes une
civilisation: c’est-à-dire des générations qui se sont construites autour d'un
certain nombre de principes qui font que quand sur vos écrans on voit le visage
d'un enfant abandonné, cela ne résiste pas un quart de seconde.»
Alexandre Vatimbella avec l’équipe du CREC
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