Edouard Philippe |
Une
position qui risque de braquer les partis centristes de l’UDI et du Mouvement
démocrate qui plaident pour une beaucoup plus forte dose de proportionnelle,
autour des 25%.
En
revanche, sur l’organisation du travail parlementaire et sur les prérogatives
du Parlement, il estime que des compromis sont possibles.
En
outre, il réfute les critiques, portées notamment par François Bayrou, selon
lesquelles il n’y aurait pas de volet social suffisant à la politique menée par
le pouvoir.
Par ailleurs, il estime que le macronisme est «un
programme, une volonté, une façon d'appréhender la France dans un monde qui
s'est transformé».
Voici les principaux extraits de cette interview:
- Le jour de la passation des pouvoirs à Matignon,
le 15 mai 2017, vous disiez à Bernard Cazeneuve être de droite.
Aujourd'hui, les Français perçoivent la politique de votre gouvernement comme
de droite. Vous assumez?
J'assume parfaitement toute la politique que nous
menons. D'autant que cette politique est la mise en œuvre des engagements du
président. Et que deux élections – la présidentielle, puis les législatives –
ont conforté la volonté de transformation du pays.
- Certains dans la majorité, comme François Bayrou,
ont pourtant le sentiment que vous avez plus libéré que protégé…
Il est sain que des voix s'expriment au sein de la
majorité pour apporter leur sensibilité. Le «libérer» est sans doute plus
visible à leurs yeux que le «protéger». C'est parce que nous inventons de
nouveaux mécanismes de protection. Nous avons pris de nombreuses mesures pour
remettre en marche l'ascenseur social : le dédoublement des classes de CP dans
les zones défavorisées, la police de sécurité du quotidien, nos mesures en
faveur de la formation ou l'apprentissage.
- En fait, vous faites du Juppé sans Juppé?
Non, je suis là pour faire du Macron, pas du Juppé.
Emmanuel Macron n'est pas Alain Juppé. Ils sont différents à bien des égards,
même s'ils ont tous deux porté au moment de la campagne des projets inspirés
par une volonté semblable de transformer le pays, de le réparer, de l'inscrire
dans une Europe à laquelle ils croient, d'ouvrir le jeu politique.
- Etes-vous toujours de droite?
Je viens de la droite. Mais un an après mon arrivée à
Matignon, je ne me pose plus cette question, et les Français ne me la posent
pas non plus. Je mets en œuvre les engagements du président Une seule chose
m'intéresse : que les Français perçoivent que notre politique est efficace,
qu'elle permet de réparer le pays, après des années d'immobilisme.
- Qu'est-ce que le macronisme?
C'est un programme, une volonté, une façon
d'appréhender la France dans un monde qui s'est transformé.
- M. Macron affirme que les mesures prises en
faveur des plus aisés vont relancer l'investissement, et que les ordonnances
travail, qui facilitent les licenciements, vont faire baisser le chômage. Votre
politique est-elle un pari?
L'honnêteté intellectuelle invite à être prudent en
matière de prédiction. Les économistes savent souvent expliquer le passé, mais
ils ont rarement des certitudes sur l'avenir. Je m'appuie pour ma part sur des
réalités. J'observe que l'introduction de l'impôt sur la fortune a conduit,
avec d'autres facteurs, de nombreux investisseurs à quitter le pays. J'observe
que notre taux de chômage est plus élevé que celui d'autres pays européens qui
ont pris des décisions comparables à celles que nous sommes en train de
prendre. Notre pays est aujourd'hui jugé comme ayant une économie plus
attractive, c'est un fait.
- Etes-vous d'accord avec la théorie des premiers de
cordée du chef de l'Etat?
Il s'agit d'une image plus que d'une théorie ! Elle
montre que dans un pays, il y a toujours un lien entre tout le monde. L'image
de la cordée a cette vertu extraordinaire dans un monde perçu souvent comme
individualiste : elle rappelle qu'on est tous attachés. La cordée est le
contraire de l'individualisme.
- Après la réforme des retraites en 2019, le
gros du programme aura été fait. Quel est le plan pour le deuxième temps du
quinquennat ?
Il n'y a pas de temps 1 et de temps 2 du quinquennat.
Je ne crois pas ceux qui disent qu'on aura terminé en 2019 l'ensemble du
programme, et qu'après il n'y aura plus rien à faire. Il y a immensément à
faire dans le pays pour le réparer. Le programme de travail sera dense jusqu'au
bout.
- Quelles sont les marges de négociation avec
l'opposition sur la réforme constitutionnelle ?
Il y a trois blocs. Un premier sur la modernisation du
Conseil supérieur de la magistrature, les ex-présidents de la République qui ne
pourront plus siéger automatiquement au Conseil constitutionnel ou encore la
suppression de la Cour de justice de la République. Sur ces points, nous avons
un accord. Il y a un deuxième bloc, qui comprend les engagements du président :
réduction d'un tiers du nombre de parlementaires, limitation du cumul des
mandats dans le temps et introduction d'une dose de proportionnelle aux
élections législatives. Là-dessus, je considère que le président, dans ses
consultations, a fait les gestes pour dégager un accord politique. Puis il y a
un troisième paquet, sur la fabrique de la loi et le contrôle parlementaire.
Sur ce dernier volet, notre objectif est d'avoir une discussion parlementaire
riche sur la meilleure façon d'arriver à une forme d'efficacité réciproque.
- La recomposition politique impulsée par M. Macron
est-elle terminée ?
Les cultures de droite et de gauche continuent
d'irriguer le débat public et de marquer l'appartenance des individus. Les gens
me disent: «Je suis plutôt de droite
ou plutôt de gauche, mais j'aime bien ce que vous faites.» Je pense que
l'erreur des partis, et leur échec considérable jusqu'en 2017, vient de
ce qu'ils n'ont pas voulu comprendre que raisonner exclusivement en ces termes,
au-delà des évolutions du monde, c'était très appauvrissant. La recomposition
est encore en cours et les européennes vont continuer à la traduire.
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