Justin Trudeau à l'Assemblée nationale |
Justin
Trudeau, a prononcé, le 17 avril, un discours fort à l’Assemblée nationale –
une première pour un Premier ministre canadien – dans le cadre de la visite officielle
qu’il vient d’effectuer en France actuellement au cours duquel il a développé
sa vision d’un Centrisme progressiste.
Extraits.
(…) Bien que nos concitoyens soient en meilleure santé, plus
riches et plus instruits que jamais, nombreux sont ceux qui s’inquiètent de
leur avenir et de celui de leurs enfants. L’anxiété se fait pernicieuse. Elle
est nourrie par un coût de la vie qui augmente alors que les salaires stagnent
et que les emplois se précarisent, par les écarts qui se creusent entre les
riches et les pauvres par une classe
moyenne qui s’amincit, par la polarisation du discours politique, par des
sentiments de dépossession et d’impuissance, chez nous et au-delà de nos
frontières.
Dans trop de pays, le populisme se répand, la démocratie
s’érode, symptômes d’un malaise qui afflige notre monde intégré. Ailleurs, des
millions de gens prennent la route, risquant leur vie, en quête d’un avenir
meilleur. Et l’on ne peut passer sous silence les températures qui grimpent et
un climat qui change. Force nous est d’admettre que «changement» n’est pas
toujours synonyme de «progrès».
Confrontées aux grands défis de notre époque, les
démocraties libérales portent la responsabilité d’articuler une vision claire
et convaincante de l’avenir auquel elles aspirent et du monde qu’elles espèrent
bâtir. Il s’agit là du mandat que nous ont confié nos concitoyens.
Votre invitation arrive à un moment charnière. La France est
appelée à réfléchir à son rôle au sein de la construction européenne et,
conséquemment, de l’ordre mondial. Je salue à cet égard l’engagement sans
faille du Président de la République, souligné encore une fois ce matin lors de
son discours devant les eurodéputés réunis à Strasbourg.
Le Canada, pour sa part, réfléchit à sa place dans un monde
qui évolue constamment et rapidement. Nous nous interrogeons sur l’état de
notre planète et notre capacité à alléger ses maux. La crise de la
mondialisation devrait-elle nous amener à nous isoler, à nous replier? Le
Canada devrait-il laisser la peur et l’inquiétude dicter son avenir et,
surtout, décider de celui de ses enfants? Ce n’est pas ce que nous sommes!
À une époque où des courants politiques exploitent
l’inquiétude bien réelle de leurs concitoyens, le Canada a choisi de contrer le
cynisme en faisant preuve d’audace et d’ambition. Alors que de nombreux pays se
définissent en s’opposant, le Canada s’affirme. Nous nous déclarons ainsi pour
le commerce progressiste, pour la diversité, pour l’immigration, pour la
protection de l’environnement, pour l’égalité des sexes, pour la règle de
droit, pour la démocratie, pour l’égalité, pour la liberté!
Comme l’avaient fait valoir les Lumières, face à l’ignorance,
choisissons la raison; face à l’obscurité, choisissons la science, les débats
et le progrès! Mon propos portera donc aujourd’hui sur cette approche positive,
résolument progressiste, que nous avons choisi d’adopter et sur ce qu’elle
signifie pour le monde. En traçant les grandes lignes d’une coopération
renouvelée, j’espère pouvoir dépeindre le prochain chapitre de la relation qui
nous unit et, ainsi, nous propulser ensemble vers un avenir encore plus
prometteur et plus prospère.
Les inégalités qui persistent dans nos sociétés laissent
s’installer le doute, l’inquiétude, voire l’hostilité de certains à l’égard
d’un monde intégré. Elles font obstacle à notre prospérité. En effet, nous
sommes tous perdants lorsque nos concitoyens sont exclus, que ce soit en raison
de leur sexe, de leurs origines, de leur orientation sexuelle ou de leur
identité de genre.
Aucun pays ne peut espérer atteindre son plein potentiel
sans la participation de tous ses citoyens, quels qu’ils soient, d’où qu’ils
viennent, quelles que soient leurs croyances. La France et le Canada ont
réalisé des progrès importants à ce chapitre. Nous avons tous deux marqué
l’histoire en choisissant un conseil des ministres paritaire. Je note également
que cette assemblée approche la parité. Je remercie les hommes qui se sont
levés pour ça aussi, mais là-dessus, je dois avouer qu’au Parlement canadien,
nous avons encore beaucoup de chemin à faire. Et c’est à nous d’œuvrer tous les
jours pour la véritable égalité des sexes à tous les niveaux, dans tous les domaines.
Ni la France, ni le Canada, ni les cinq autres économies les plus avancées du
monde qui forment le G7 ne peuvent prétendre avoir comblé ces inégalités.
C’est pourquoi l’égalité des sexes est le thème horizontal
du sommet du G7 que le Canada présidera au Québec, dans la région de
Charlevoix, en juin. Que ce soit en matière d’économie, d’emplois ou
d’environnement, les conclusions adoptées par les membres du G7 devront
contribuer à la véritable égalité hommes-femmes. Prenant conscience que les politiques
publiques n’affectent pas les hommes et les femmes de la même manière, nous
devons examiner chaque solution en tenant compte de ses effets sur les unes
comme sur les uns.
A travers les thèmes de notre présidence, nous chercherons
ainsi des moyens de contrer la faible croissance chronique, l’écart des revenus
et les inégalités sociales, ces inégalités qui érodent non seulement le niveau
de vie de la classe moyenne, mais aussi la confiance de la population à l’égard
du commerce mondial, de la coopération internationale et de la démocratie
libérale.
Cela explique notre décision de mettre sur pied le Conseil
consultatif sur l’égalité des sexes, sous la coprésidence de l’ambassadrice du
Canada en France, Mme Isabelle Hudon, et de Mme Melinda Gates, la grande
philanthrope. Leur mission est justement d’assurer l’intégration de l’égalité
des sexes dans l’ensemble des thèmes, des activités et des résultats de la
présidence du Canada au G7.
L’argument est simple: une plus grande participation des
femmes au marché du travail est indispensable à la croissance de nos économies,
et ce particulièrement alors que la moyenne d’âge des pays du G7 augmente et
que la part de la population active diminue. Je suis ravi, d’ailleurs, que la
France nous succèdera à la présidence du G7, sachant que votre président
partage ce souhait de poursuivre dans ce combat l’année prochaine.
Lorsque je pense à l’avenir du Canada et au rôle positif et
audacieux que nous entendons jouer, je vois à chaque chapitre la France à nos
côtés. Qu’il soit question du commerce progressiste, d’inclusion ou
d’environnement, que ce soit au sein du G7, des Nations unies ou de
l’Organisation internationale de la francophonie, je vois la France comme étant
une influence positive dont notre monde a tant besoin.
La France se dit pour la protection de l’environnement. Elle
s’affiche comme un vrai leader à l’échelle planétaire. Nos deux pays sont ainsi
unis dans leur ambition de lutter contre les changements climatiques, tout en
faisant croître nos économies de façon durable. De part et d’autre de
l’Atlantique, nous effectuons des investissements sans précédent dans les
technologies propres et dans les infrastructures vertes qui stimulent la
croissance et créent de bons emplois pour la classe moyenne.
Alors que les pays du monde cherchent à gagner des parts de
marché et tentent de se tailler une place de choix au sein de l’économie de
demain, le Canada, tout comme la France, doit favoriser le développement
durable pour maintenir une position concurrentielle.
Dans les toutes premières semaines de mon gouvernement, en
2015, nous avons participé activement à la COP21. (…)
Depuis ce moment fort, mon gouvernement a travaillé avec les
provinces, les territoires et les peuples autochtones afin de doter pour la
première fois le Canada d’un cadre national sur la croissance propre et les
changements climatiques. Nous avons d’ailleurs choisi de tarifier à l’échelle
du pays la pollution causée par le carbone et, comme vous, nous nous sommes
engagés à abandonner le charbon et à éliminer la totalité des centrales qui
exploitent ce combustible d’ici à 2030.
Mais, s’il y a une chose dont la France et le Canada sont
conscients, c’est que la lutte contre les changements climatiques doit
absolument être menée à l’échelle mondiale, puisque les conséquences du
réchauffement planétaire ne connaissent pas de frontières. Le nombre sans
précédent de pays ayant signé l’accord de Paris témoigne du consensus
international quant à l’impact de l’activité humaine sur le climat. Il revient
à nous de faire de cet accord de principe une réalité, à nous de veiller à ce
que nos enfants et nos petits-enfants puissent respirer l’air frais et profiter
des grands espaces comme nous l’avons fait, à nous de saisir les nombreuses
possibilités d’affaires et d’emplois qu’offre une économie sobre en carbone.
C’est dans cet esprit de coopération que le président Macron
et moi avons célébré hier la signature du partenariat franco-canadien pour le
climat et l’environnement. Par cette initiative, qui vise à promouvoir et à
accélérer l’atteinte des cibles de l’accord de Paris, nous nous engageons à
intensifier notre collaboration afin de mettre en œuvre des mesures concrètes.
Nous nous sommes entre autres engagés à réduire les émissions des secteurs du
transport terrestre, maritime et aérien, à promouvoir l’efficacité énergétique
et à intégrer le climat dans l’aide au développement.
Nous allons également mobiliser d’autres acteurs partout
dans le monde afin de promouvoir la tarification du carbone, et nous allons
encourager la recherche et l’analyse des effets des dispositions de protection
de l’environnement qui sont prévues dans les accords de libre-échange.
(…) Les menaces modernes rendent plus que jamais pertinente
la coopération entre nations. Prenez par exemple la situation au Mali. Le rôle
de la France pour y rétablir la sécurité et la stabilité est une inspiration
pour la communauté internationale.
(…) Ce qu’on voit, c’est que la France s’impose comme une
nation voulant donner au progrès son impulsion, qu’il soit question de la
protection de l’environnement, de lutte contre l’extrémisme violent ou encore
du rayonnement de la langue française. Le mois dernier, le Président de la
République prononçait un discours à l’Académie française, au cours duquel il exprimait
sa volonté de redonner à la langue française sa place et son rôle dans le
monde.
Il soulignait que le français était «devenu cette langue
monde, cette langue archipel», un fait dont nous sommes témoins tous les jours
en terre canadienne. Il faut que vous sachiez, amis français, à quel point les
Canadiens sont attachés à la langue française, ceux dont elle est la langue
maternelle, ceux qui l’ont apprise, ceux qui, sans la parler, inscrivent leurs
enfants dans des écoles d’immersion française, ou même ceux qui sont tout
simplement très fiers de compter cette langue internationale, cette langue de
culture, cette langue si belle, comme l’une de nos deux langues officielles.
(…) La France comme le Canada se doivent aujourd’hui de
faire de cette langue un outil de modernité, de travail, de prospérité. Comme
le soulignait l’écrivaine acadienne Antonine Maillet, première lauréate
canadienne du Prix Goncourt: «Un arbre est plus qu’un arbre: il est tronc,
racine, sève, feuilles, fruits, vent dans les branches, nids d’où s’échappent
les oiseaux du ciel. C’est la plus belle image que m’inspire la francophonie.»
Fier membre de la Francophonie, le Canada continuera d’y
promouvoir non seulement la langue française et les communautés qui la vivent,
mais aussi son attachement à la coopération internationale et aux valeurs de
paix, de démocratie, de respect des droits de la personne, de pluralisme
pacifique, de diversité, d’inclusion, et de prospérité partagée. Ici encore, notre
partenariat est essentiel.
Une amitié forte, capable de résister à l’épreuve du temps,
c’est un sentiment qui se cultive, qui requiert du travail et, parfois, une
grande volonté d’aller de l’avant. J’ai été témoin de cette volonté lorsque le
Canada et l’Union européenne ont conclu l’Accord économique et commercial
global. Ce jour-là, nous avons décidé de ne pas opposer le commerce au progrès
social et environnemental.
Ensemble, nous avons choisi une approche progressiste pour
nos échanges. Ensemble, nous avons élevé nos voix pour un commerce qui profite
au plus grand nombre, pour un accord qui crée de bons emplois bien rémunérés
pour la classe moyenne, pour une entente qui protège l’environnement et
réaffirme notre engagement à l’accord de Paris, pour un partenariat à l’image
de nos valeurs et à la hauteur de nos ambitions.
Après tout, quatre siècles de commerce et d’échanges nourrissent
la confiance. L’AECG – ou le CETA comme vous dites ici en bon français – va
plus loin que n’importe quel autre accord commercial dans le monde. Il donne
l’exemple sur la protection des droits de la personne, sur l’environnement et
sur la mobilité des citoyens. Il préserve le droit des États de légiférer et de
réglementer dans l’intérêt public, de mettre en œuvre des politiques visant à
soutenir leurs industries culturelles, en plus de protéger les normes du
travail et de promouvoir une coopération accrue en matière d’environnement.
Entré en vigueur de façon provisoire il y a quelques mois,
le CETA produit déjà des effets. En 2017, avec seulement quatre mois
d’impulsion donnée par le CETA, les importations au Canada en provenance de la
France ont augmenté de 4 %. Rien que dans les secteurs agricole et
agroalimentaire, l’augmentation atteint 8 % par rapport à l’année
précédente.
Les investissements canadiens en France ont, quant à eux,
progressé de 23 % l’an dernier. Aujourd’hui, quelque 200 entreprises
canadiennes emploient plus de 28 000 personnes en France, tandis que
les Français soutiennent 95 000 emplois au Canada.
Posons-nous la question: si la France n’arrive pas ratifier
un accord de libre-échange avec le Canada, avec quel pays imaginez-vous pouvoir
le faire?
Le CETA n’est que le point de départ d’une nouvelle ère de
coopération et d’intégration. Ensemble, nous devons aller encore plus loin et
oser faire le pari de l’innovation, du progrès et de l’avenir. Nos
scientifiques, nos centres universitaires et nos étudiants ont été parmi les
premiers à reconnaître l’immense potentiel que recèlent les nouvelles
technologies comme l’intelligence artificielle et l’apprentissage profond.
En tant que gouvernements, nous nous devons de jouer un rôle
de premier plan pour encourager leur créativité, leur ingéniosité et leurs
idées. À nous de miser sur nos concitoyens, sur la connaissance et sur la
science. Ce pari courageux, c’est celui du siècle des Lumières qui a permis aux
pays du monde de surmonter les défis et qui inspire depuis le progrès.
Chers amis, les problèmes auxquels nous sommes confrontés
sont bien réels. Nous ne pouvons pas nier le réchauffement planétaire. Nous ne
pouvons pas ignorer les inégalités dans nos sociétés ou faire abstraction des
défis bien réels que nous devons relever. Mais nous ne pouvons pas non plus
nous résigner. Nous ne pouvons pas nous permettre d’accepter le monde tel qu’il
est.
Le Canada a décidé d’être pour le progrès. Et nous voyons
notre partenaire, notre alliée, notre amie de toujours, la France, comme étant,
elle aussi, pour. Vous portez l’héritage des Lumières dont les idées ont fait
de votre pays un symbole d’espoir pour le monde, d’une génération à l’autre. À
l’ignorance, vous avez répondu par la raison. Plutôt que l’obscurité, vous avez
choisi la science, les débats et le progrès. Ensemble, ravivons ces valeurs
humanistes.
Chers amis, ce partenariat renouvelé entre la France et le Canada
dont je vous parle, un partenariat ancré dans nos valeurs et notre histoire, et
renforcé par notre ambition commune, résonnera partout dans le monde. Amis
Français, les Canadiens vous tendent la main. Ayons l’audace de bâtir ensemble
un monde plus progressiste, plus diversifié, plus vert, plus inclusif, plus
ouvert, plus démocratique; un monde plus libre, plus égal et plus fraternel; un
monde à notre image.
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