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François Bayrou au congrès du MoDem à Paris |
Lors d’un long discours de
clôture du congrès du Mouvement démocrate, François Bayrou a rendu un hommage appuyé
et remarqué à Emmanuel Macron.
Il a ainsi déclaré:
«J'écrivais, dans le livre que je consacrais au mois de
janvier 2017, à l'approche des élections présidentielles: ‘Il y a un
moment où les peuples se lassent de la lassitude elle-même!’ Je sentais monter
cette fontaine-là, cette jouvence-là. Je sentais qu'une sève venait et cette
sève, c'est Emmanuel Macron qui en a été le porteur et le défenseur devant les
Français jusqu'à la victoire.
Alors, nous, nous sommes venus en soutien, bien sûr parce
que nous avons identifié le risque et il était important, bien sûr parce que,
dans les propos, les idées et la vision d'Emmanuel Macron, nous avons reconnu
notre projet, car ‘c'est notre projet disait-il’. Mais c'est le nôtre aussi.
Nous nous sommes donc engagés avec enthousiasme, avec efficacité, sans que dans
nos rangs quelles qu'aient été les analyses préalables des uns et des autres,
les convictions préalables des uns et des autres, une seule réserve s'exprime à
l'égard du choix que nous avions fait.
Cela vient aussi de la personnalité du nouveau Président de
la république, et je veux le dire ici, car nous sommes quelques-uns à croire,
au contraire de ce que les pessimistes nous ont enseigné au travers du temps,
que ce sont les hommes qui font l'Histoire.
C'est étrange, car on est, depuis longtemps, habitué à cette
idée que, au fond, c'est l'économie qui décide de tout et il s'agit de
mouvements profonds mondiaux. Nous avons vérifié en 2017 qu'il arrive que
les hommes fassent l'Histoire. Emmanuel Macron, avec sa jeunesse, avec
l'enthousiasme qu'il a su focaliser, avec quelque chose qui n'est pas souvent
dit et que je veux dire devant vous, avec la liberté d'esprit qui est la
sienne, avec son originalité d'approche et de pensée et son audace – le moins
que l'on puisse dire, c'est qu'il n'en a pas manqué pendant l'année 2017 –,
a su faire naître un monde nouveau. Nous sommes heureux de l'y avoir aidé, mais
il est juste de dire que c'est lui, par son élan, par sa volonté, par son
anticonformisme, qui a réussi à faire naître un monde nouveau et je crois que
c'est une gratitude que nous devons exprimer à son endroit.
Il était dépeint par un grand nombre d'acteurs et
d'observateurs, et par nous aussi parfois, comme un homme du moule, du moule du
pouvoir en France. Et bien, ce que nous avons vérifié pendant l'année, ce que
je vérifie tous les jours et ce que je veux dire spécialement, c'est qu'il
n'est pas prisonnier du moule et que c'est pour cela qu'il est en capacité de
porter, d'entraîner et, au bout du compte, de changer la situation du pays.»
Auparavant, il avait parlé de sa
fierté d’être à la tête d’un parti qui avait (enfin) le pouvoir à force, selon
lui, d’abnégation et en ne trahissant pas ses idéaux:
«Je suis très fier d'avoir mené tous ces combats pendant dix
ans et de pouvoir, aujourd'hui, vous présenter cette équipe qui s'est exprimée
tout au long de ces deux jours, cette équipe qui est formée de ceux qui ont
pris la responsabilité des grands choix que nous avons faits et ils viennent de
s'exprimer, de ceux qui sont aujourd'hui la voix de notre mouvement à
l'Assemblée nationale, au Sénat, au Parlement européen, quelques
60 parlementaires.
Cette équipe est également formée de vous, vous qui avez
participé au congrès, vous les milliers de militants qui nous écoutent
peut-être à l'instant, des citoyens engagés, des responsables civiques qui ont
montré l'idée qu'ils avaient de l'avenir et qui ont montré quelque chose
d'encore plus important, et Marielle le mentionnait à l'instant, à savoir que
l'on peut avoir un idéal et faire entrer cet idéal dans la réalité.
On a pris l'habitude, au travers du temps -ceux qui
s'intéressent aux mouvements politiques- de croire qu'il existe des idéaux dans
un ciel lointain, mais que la réalité est, au contraire, faite de demi-mesures,
de reculades et d'arrangements pas toujours brillants, pas toujours
présentables.
Nous, nous avons montré exactement le contraire, à savoir
que l'on peut avoir un idéal et s'appuyer sur cet idéal pour changer la
réalité, pour changer le monde.
Permettez-moi de le dire, c'est une bonne nouvelle pour
nous, mais, sans vouloir exagérer, c'est une bonne nouvelle pour tous ceux qui
croient à la démocratie en France et, peut-être, à la démocratie même au-delà
de nos frontières.
C'est ce que vous avez fait par cet engagement, qui ne s'est
jamais démenti, qui n'a jamais faibli et qui, au contraire, s'est affirmé avec
l'idée que nous pouvions aller plus loin que beaucoup ne croyaient que nous
pouvions aller.»
Et d’enchaîner sur l’ouverture d e la nouvelle majorité
présidentielle:
«Cette équipe a montré cette force et cette force était
ouverte.
J'étais très heureux qu'Alain Juppé nous ait envoyé un
message au début du congrès. J'étais très heureux que le Gouvernement, chère
Jacqueline, chère Geneviève, soit là en force et en puissance. J'ai beaucoup
aimé le discours d'Édouard Philippe hier, beaucoup parmi vous l'ont fait et
peut-être pouvons-nous le lui dire par nos applaudissements...
Et j'étais très heureux que Pierre Moscovici, en tant que
Commissaire européen français, avec les différences de parcours qui sont les
nôtres, vienne ce matin nous dire ce que nous avions de plus précieux en commun
et qui nous unissait.
(…) Par exemple, ce n'était pas être prisonnier du moule et
des habitudes que de nommer un Premier Ministre qui venait précisément du parti
le plus opposé à la vision que lui-même, Président élu, portait. C'était un bon
choix et nous avons vérifié qu'Édouard Philippe, avec ses idées, ses convictions,
sa liberté d'esprit, puis son style a, lui aussi, montré une manière d'être.»
François Bayrou a également rappelé que le Mouvement
démocrate ne venait pas de nulle part mais avait son ancrage dans l’histoire du
Centre:
«Il n'existe pas beaucoup de formations politiques qui peuvent
affirmer (…) quelque chose d'absolument important pour moi et essentiel: nous
sommes une force aujourd'hui, mais en vérité nous sommes une force car nous
avons un patrimoine, une vision, une histoire. Nous savons d'où nous venons. À
chacune des époques de cette histoire, nous avons des inspirateurs. Ils ne sont
pas là physiquement, car la vie change les choses, mais ils sont là par la
pensée, par la volonté. Permettez-moi de dire que ceux qui, de notre famille
politique -je pense à Robert Schuman- ont construit l'Union européenne
d'aujourd'hui, la communauté européenne, ils sont là. Pour nous, ils sont là.
Je le disais hier, comment se sentir étranger à ceux de
notre famille politique, presque seule dans la vie politique française, qui ont
su dire non aux accords de Munich le jour des accords de Munich?»
Puis il est revenu sur la constitution d’une majorité au
centre qui semblait impossible à certains sous le régime de la V° République:
«Pendant des mois et des mois, nous avons vécu dans le
scepticisme général autour de la proposition que nous faisions de changer la
majorité du pays, pas seulement d'obtenir une alternance, mais, comme nous le disions
à l'époque, d'obtenir ‘la’ grande alternance, pas seulement l'alternance qui
vise à remplacer un camp par un autre, mais l'alternance visant à remplacer les
deux camps en même temps au pouvoir.
Le nombre de ceux – et je dis cela avec une toute petite
délectation – qui nous ont expliqué que les institutions de la V° République
étant ce qu'elles étaient, il était impossible qu'un homme du centre, un homme
de ce terreau central du pays soit élu Président de la République - il y avait
beaucoup de raisons de le penser, puisque, nous-mêmes, nous avions échoué dans
cette bataille - et que, en tout cas, si jamais il arrivait que cette élection
fût acquise, alors on pouvait être certain d'une chose, c'est qu'il ne pourrait
pas avoir de majorité: ‘Comment auriez-vous une majorité? Vous n'avez aucun
sortan!’
Eh bien, nous avons montré de quoi ceux qui n'ont aucun
sortant sont capables, lorsque les peuples veulent que les choses changent.
C'est donc la première fois depuis deux décennies qu'il y a
une majorité fondée sur un accord profond : la majorité centrale du
pays, celle que nous avons construite, c'est la seule majorité cohérente, et
les majorités latérales -je les appelle ainsi- majorités d'un bord ou de
l'autre sont totalement incohérentes. Nous avons rendu à la vie politique
française la vertu essentielle qui est de mener une politique avec une
cohérence dans la pensée et dans l'action.»
Puis il a développé le rôle qu’il voulait que le MoDem et
lui-même veut voir jouer dans la majorité présidentielle:
Dans cet espoir-là, le Président de la République et ceux
qui l'entourent au Gouvernement ont une immense responsabilité, mais nous
avons, nous aussi, une responsabilité éminente, nous, comme citoyens, comme
force politique. Car j'ai toujours affirmé que la responsabilité de l'avenir
d'un pays appartenait évidemment aux gouvernants mais n'appartenait pas
seulement aux gouvernants, et même appartenait à la majorité mais n'appartenait
pas seulement à la majorité, et que nous avions tous une coresponsabilité dans
l'avenir du pays. Et même, si nous voulons réfléchir philosophiquement trente secondes,
cette coresponsabilité-là est précisément la définition de la démocratie.
Nous sommes, dans cette famille politique, très attachés à
un penseur, un homme d'engagement qui s'appelait Marc Sangnier, lequel a donné
de la démocratie une définition que je veux rappeler devant vous. Il a dit: ‘La
démocratie, c'est l'organisation sociale qui porte à son plus haut la
conscience et la responsabilité des citoyens’.
Cette conscience et cette responsabilité nous enjoignent à
participer à l'effort de reconstruction que portent le Président de la
République et le gouvernement.
Alors, nous voyons bien la responsabilité qui est la nôtre.
J'ai évoqué, même si c'est en quelques phrases, la responsabilité de gestion.
(…) Toutefois, au-delà de la responsabilité de gestion, il y
a une perspective que je voudrais défendre devant vous. Notre responsabilité
n'est pas seulement d'adapter la France aux réalités économiques du monde. Cela
compte, car les réalités économiques du monde s'imposent à tous, et celui qui
voudrait les ignorer serait inéluctablement drossé, comme l'on dit pour les
bateaux, sur les écueils. Cependant, nous ne sommes pas une force d'adaptation
de la France, nous sommes une force de révélation ou d'aide à la révélation du
projet de société que doit porter la France dans ses frontières et dans le
monde, auprès de ses citoyens et auprès des citoyens du monde.
Je veux m'arrêter une seconde à ce point, mais, pour nous,
pour moi, c'est très important.
Toutes les études, il en est encore sorti plusieurs cette
semaine, montrent le mouvement que nous avons dénoncé -avec d'autres- depuis
longtemps, que j'ai appelé dans un livre qui avait fait un peu de bruit
autrefois et intitulé Abus de pouvoir ‘le mouvement des inégalités croissantes’.
Nous vivons dans un univers dans lequel la concentration continue des richesses
entre les mains d'un nombre toujours plus étroit de puissants devient quelque
chose d'absolument effrayant.
La concentration perpétuelle de l'avoir, du pouvoir, de
l'influence dans les mêmes mains est un danger pour la société ou pour les
sociétés, où qu’elles se trouvent. C'est un danger pour les sociétés du monde,
c'est un danger pour les sociétés que l'on présentait hier en émergence et dont
on voit que l'écart devient tellement insupportable qu'il menace même leur
existence.
C'est un danger pour le monde, c'est un danger pour l'Europe
et, mes amis, c'est un danger pour la France.»
Et de s’attaquer aux «monopoles» et aux inégalités:
Alors, ces choix existent en politique étrangère, ces choix
existent en politique économique. Par exemple il est du devoir de la France, y
compris en matière de gestion, de proposer une politique de lutte contre les
monopoles ou une politique de lutte contre la puissance toujours démultipliée
des monopoles, même si ces monopoles sont dans des domaines de technologies
nouvelles dont il apparaît qu'il est extrêmement difficile de les contrôler et
même extrêmement difficile de leur parler.
Mais cette lutte contre les monopoles, elle est un besoin de
notre pays. Je crois qu'elle est un besoin de l'Europe. Et d'ailleurs, c'est
très simple si nous posons la question : quel est l'instrument politique
qui nous permettra un jour de lutter contre les monopoles si nous en décidons
ainsi ? Cela s'appelle l'Union européenne et il n'y a pas d'autre
possibilité.
Je veux préciser encore un peu le projet social. Le projet
social n'est pas seulement un projet d'allocations.
Pour deux raisons : la première est que les
allocations sont nécessaires dans beaucoup de situation. Et le gouvernement en
a tenu compte puisque, sur le minimum vieillesse, par exemple, ou sur
l'allocation adulte handicapé, par exemple ou sur la taxe d'habitation, entre
nous, le gouvernement a proposé une augmentation de ces allocations qui sont
des allocations de solidarité, de présence auprès de ceux qui en ont le plus
besoin dans la société française. Mais nous savons très bien d'abord que de
l'argent pour des allocations, forcément il y en aura moins dans l'avenir qu'on
ne croyait qu'il y en avait dans le passé et ceux qui disent le contraire
racontent, je crois, des histoires et donc nous avons le devoir de penser
différemment le projet social qui a été pensé dans les années précédentes.
Il y a une deuxième raison : dans une politique sociale
qui ne serait fondée que sur l'idée ou le principe des allocations, il y a
quelque chose que l'on n'aperçoit pas, c'est qu'il arrive assez souvent que les
allocations, elles aussi, soient une dépendance, surtout quand rien n'est fait
pour lutter contre cela.»
Il a terminé son discours en rappelant ce qu’était le Centre
pour lui:
«Qu'est-ce que le Centre ? Oh, c'est une chose très
simple (…). Le Centre, c'est la reconnaissance du pluralisme dans la
démocratie.
Le Centre, cela signifie une chose: vous n'êtes pas obligés
d'être d'un côté ou de l'autre, spécialement quand les deux côtés se
trompent. Vous avez la liberté d'affirmer un autre chemin, une autre voie,
d'autres convictions et, parce que vous refusez cette contrainte ou cette
suggestion d'être d'un côté ou de l'autre, du même mouvement vous libérez tous
ceux qui sont inconfortables, insatisfaits et qui n'acceptent pas qu'on leur
impose des idées qui ne sont pas les leurs.
Nous sommes la garantie du pluralisme. Nous sommes la
garantie du pluralisme pour nous, et Dieu sait que nous n'avons pas l'intention
de baisser pavillon sur ce point, mais nous sommes également la garantie du
pluralisme pour les autres en même temps, car nous considérons que le
pluralisme est une richesse.»
(…)
«Ceux qui soutenaient que le Centre et la droite étaient la
même chose parlaient du ‘parti unique de-la-droite-et-du-Centre’ avec des
traits d'union entre chacun de ces mots… Ce sont les traits d'union qui sont
mon ennemi. Le Centre a sa logique, sa vision, sa philosophie, son histoire et
son projet, et c'est bien pour tout le monde.»
(…) Si l'on veut qu'il y ait un Centre, il faut un noyau dur
du Centre, car contrairement à ce qu'un certain nombre de personnes vous
disent, le Centre, ce n'est pas mou, le Centre, c'est dur. Enfin, cela doit
être.»
Et d’évoquer l’organisation effective d’un axe central:
«Nous avons reconstruit et rétabli la possibilité pour notre
pays d'une majorité cohérente centrale, mais il nous faut maintenant
l'organiser. Chacun doit s'organiser pour soi-même et il se trouve que j'ai
beaucoup de sympathie pour la démarche de En Marche et ceux qui vont essayer de
la faire vivre.
(…) Il n'en demeure pas moins que nous avons le devoir de
nous organiser, chacun pour notre compte, mais également ensemble et cet
ensemble, cette maison commune, comme je dis, pour rendre plus solide la
démarche de ceux qui défendent la majorité centrale, pour préparer les élections
accessoirement, mais pas uniquement.»