François Bayrou |
François Bayrou, depuis son
ralliement à Emmanuel Macron durant la campagne électorale, se targue sans
cesse d’avoir l’oreille du président de la république et d’être dans une relation plus
qu’amicale avec ce dernier, surtout, de partager toutes ses
orientations.
Il l’a encore répété lors de ses
dernières apparitions médiatiques.
Pourtant, il s’est plaint que sa
loi sur la «moralisation» politique ait été édulcorée.
Pourtant, il s’est plaint qu’il
n’y ait pas de volet social dans le projet économique de Macron.
Pourtant, il se plaint encore et
encore de la suppression de l’impôt sur la fortune.
On en connait qui seraient plus
qu’énervés de n’être jamais vraiment écoutés ou qui croient qu’ils ne le sont
pas, tout en disant qu’ils le sont…
Cependant, le président du MoDem
s’en va répétant que tout va bien et qu’il ne sera pas celui qui sera le
responsable d’une crise dans la majorité présidentielle.
En réalité, il semble bien que
l’état d’esprit de François Bayrou soit de se confronter au président de la
république.
Mais, dans son opposition à la
réforme de l’ISF voulue part Macron, il est difficile de savoir ce qu’il veut
(et peut) exactement en retirer.
Veut-il aller vers un vrai clash
avec Macron? Veut-il marquer seulement son «indépendance» et sa «différence»
dans une guérilla sans fin? Veut-il prendre date pour l’avenir soit pour
devenir un opposant au vent mauvais, soit pour succéder à Edouard Philippe?
A-t-il une revanche à prendre pour n’avoir pu se présenter à la présidentielle
ou pour avoir été débarqué du gouvernement ou pour n’avoir pas été assez
soutenu par Macron?
Peut-être veut-il tout cela à la
fois?!
Car, même si la suppression de
l’ISF est plus de l’ordre du symbolique (comme son existence l’était) que d’une
mesure ayant un effet sur toute la société française, Bayrou n’a pas cessé de
monter au créneau pour dénoncer la mesure comme s’il s’agissait d’une ligne
jaune qui a été franchie, selon lui, par le gouvernement et non le chef de
l’Etat (ce qui lui permet de ne pas être encore dans une confrontation frontale
avec ce dernier).
Rappelons que, dans toutes ses
interventions récentes, Bayrou a critiqué systématiquement la suppression de
l’ISF pour affirmer qu’elle est mauvaise en l’état et qu’il faut l’amender (*).
C’est même un des feuilletons politiques
de ces quinze derniers jours mis en scène par l’ensemble des médias.
Et même si la mesure a été
adoptée par l’Assemblée nationale, c’est désormais sur les sénateurs que compte
le président du MoDem pour revenir en arrière, ce qui sera peut-être le cas
puisque Macron est très minoritaire au Palais du Luxembourg.
Bayrou a fait de l’ISF une
bataille pour savoir jusqu’où son pouvoir et son influence allaient dans la
majorité présidentielle.
Reste à savoir si Macron a décidé
– avec Bayrou ou sans lui – de laisser une porte de sortie honorable au
président du MoDem en acceptant de modifier à la marge le projet de loi.
Ce qui ressort de tout cela,
c’est que Bayrou n’a renoncé à aucune de ses ambitions personnelles et
politiques, et qu’il le fait savoir dans ce cas comme dans d’autres.
Sans doute se trouve-t-il
galvanisé par la victoire de «ses» idées et qu’il n’est pas prêt à laisser ce
moment politique lui échapper.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC
(*)
Extrait de l’interview de François Bayrou sur RTL le 22 octobre 2017:
- Est-ce que vous faites
partie de ceux qui pensaient que cette réforme de l’ISF va permettre de réinjecter
de l’argent dans l’économie?
Vous savez bien que je suis
en désaccord sur le fond, avec l’orientation qui a été prise sur ce point
(NDLR: la suppression de l’ISF) par le gouvernement. J’étais et je suis en
accord profond – et j’en ai parlé très souvent avec lui – avec l’engagement du
président de la République. L’engagement du président de la République, c’était
de dire: il n’est pas normal que l’argent qui s’investit dans l’économie
réelle, dans les entreprises, dans les usines, dans les start-up, dans les
créations, que cet argent-là soit taxé de la même manière que l’argent qui
dort. C’est anormal. Alors même qu’on a extrait depuis très longtemps de l’ISF
les œuvres d’art. Et nous avions dit: ‘Ecoutez, c’est très simple. On va
traiter l’argent qui s’investit dans l’économie réelle comme les œuvres d’art’.
Et le reste continuera à assumer un impôt de solidarité, qui est un impôt, à
mes yeux, juste. Partout dans le monde, il y a une concentration de richesses
de plus en plus importante, entre un nombre de possédants de plus en plus
réduit. C’est ce que j’ai appelé dans un livre ‘les inégalités croissantes’. Et
que la France dise: ‘Nous, nous sommes pour la liberté, pour le risque, pour
l’initiative, pour la créativité, mais nous résistons aux inégalités croissantes’:
cela, c’est un projet de société.
- C’est votre plus gros point
de désaccord avec Emmanuel Macron la réforme sur l’ISF?
Sur ce point, oui. Je ne suis
pas de cet avis.
- Pourquoi Emmanuel Macron ne
vous écoute-t-il plus?
Non, d’abord ça n’est pas
Emmanuel Macron qui est le père de cette mesure. Peut-être, ça paraîtra
artificiel, mais c’est le gouvernement. En tout cas, je ne change pas d’avis et
j’ai des raisons de penser que lui est aussi sensible à ce sujet.
(…)
- Cette mesure vient malgré
tout d’être votée…
Il y a le Sénat maintenant.
Je pense que quand il y a des débats essentiels pour la société, des débats
essentiels pour l’économie, des débats essentiels pour l’idée qu’on se fait de
l’avenir du pays, alors le travail parlementaire doit jouer tout son rôle. Et
j’aurais trouvé très bien – alors je sais bien qu’il y a eu un vote qui n’est
pas allé dans ce sens. Mes amis du groupe du MoDem ont déposé un amendement. On
leur a dit: ‘Ce n’est pas constitutionnel’. Je demande à voir qu’est-ce qui
expliquerait que ce qui est constitutionnel pour les œuvres d’art, ne soit pas
constitutionnel pour l’investissement dans l’entreprise. Pour moi, c’est sain
que dans une majorité, il y ait des débats, c’est sain que tout le monde
puissent exprimer des sensibilités complémentaires et je pense – j’allais dire
je sais – que la sensibilité que je veux exprimer là, qui est celle de, au
fond, du pôle social de la majorité. Je sais que cette sensibilité là, Emmanuel
Macron y est sensible et en partage les attentes.