Selon les proches du chef de l’Etat, celui-ci répèterait
souvent que le maire de Pau lui «a beaucoup apporté» et, précisent ces mêmes proches, pas simplement électoralement
parlant, mais également par «sa culture, sa
profondeur et sa connaissance du pays».
Quant à Bayrou, il continue à parler de manière récurrente de son admiration pour
son cadet.
Même chose pour La République en marche et le Mouvement
démocrate.
Ainsi, le président du groupe MoDem à l’Assemblée nationale,
Marc Fesneau, peut affirmer que si «chaque groupe a sa propre identité», cela
n’empêche par qu’ils aient «de nombreux points de jonctions» et des «contacts
très réguliers».
Dont acte.
Cependant à y regarder de plus près, c’est bien une
concurrence entre les deux formations de la majorité qui est en cours.
Une concurrence initiée le plus souvent par le MoDem.
Cette volonté de se démarquer afin exister pour ce dernier
est surtout un moyen de démontrer qu’il est le seul parti des deux à être
réellement centriste, à avoir un projet et une ligne d’action, à être proche
des citoyens et à être là dans la durée et pour durer.
En creux, cela signifie que François Bayrou et ses
lieutenants ne croient absolument pas à la pérennité du mouvement macronien
dans le temps et qu’ils parient sur son lent délitement qui pourrait se faire
largement au profit de leur parti.
Selon eux, ils pourraient, à terme, récupérer plusieurs
députés déjà très proches de leurs idées.
Des éléments concrets plaident en faveur de leur thèse comme
les problèmes récurrents de coordination de LREM ainsi que du manque de
consistance de beaucoup de ses élus sans oublier que les positionnements
politiques de ces derniers sont parfois antinomiques ce qui produit parfois une
ligne politique globale absente et des prises de position pour le moins incohérentes
que le chaperonnage de l’Elysée et de Matignon tente tant bien que mal d’encadrer.
De son côté, le Mouvement démocrate, donné sans cesse
mourant, a réussi à survivre depuis 2007 et à connaître une étonnante
résurrection en 2017 au moment où tout le monde publiait son acte de décès.
Bien évidemment, c’est grâce à l’élection d’Emmanuel Macron
mais François Bayrou est convaincu (ou feint de l’être…) que sans son aide, le
leader d’En marche n’aurait pu accéder à l’Elysée.
Donc, il estime être un des éléments essentiels de cette
victoire et il ne veut pas se la faire voler.
Il se voyait premier ministre mais avait trouvé au ministère
de la Justice, surtout en tant que ministre d’Etat et numéro trois du
gouvernement, une récompense qui le contentait alors.
Son départ pour cause d’affaire d’attachés parlementaires
européens fictifs l’a obligé à se concentrer sur le MoDem en attendant des
jours meilleurs pour ses projets personnels.
Il est persuadé que son parti a une carte majeure à jouer et
qu’il est légitime qu’il fasse tout pour qu’il soit, à terme, le cœur pensant
et agissant de la majorité présidentielle.
Chimère ou réalité, il bénéficie, pour l’instant, de
l’inorganisation de LREM pour cette ambition mais il sait qu’il faut vite qu’il
s’installe dans une position stratégique avant que cette dernière trouve enfin
son unité et sa vitesse de croisière.
Evidemment, il n’est pas question pour les leaders de La
République en marche de laisser François Bayrou les phagocyter.
A terme, ils estiment que leurs 313 députés feront
politiquement poids face aux 47 du MoDem.
Cependant, ici et maintenant, leur préoccupation est de ne
pas être seulement le réceptacle d’hommes et de femmes dont souvent le point
commun est leur différence…
Evidemment, cette compétition entre LREM et le MoDem vaut
pour ce quinquennat et cette législature mais aussi pour la bataille électorale
qui aura lieu dans cinq ans.
Parce que si Emmanuel Macron se voit bien alors rempiler à
l’Elysée, François Bayrou ne se voit absolument pas prendre sa retraite, ni
avoir un rôle subalterne et secondaire.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC