Bernie Sanders & Hillary Clinton |
Hillary Clinton est pratiquement devenue une paria depuis sa
défaite face à Donald Trump comme si elle était responsable de la montée en
puissance du populiste démagogue mais aussi de sa victoire qui, rappelons-le,
n’est due qu’à un système électoral archaïque et obsolète, indigne d’une
démocratie moderne, et non d’un vote populaire qu’elle a aisément remporté.
Donc, en toute logique, elle devrait se trouver aujourd’hui
à la Maison blanche et elle devrait être louée comme la première femme
présidente des Etats-Unis.
Mais la centriste ne reçoit que critiques et insultes d’un
monde médiatique et d’une opinion publique qui s’acharnent contre elle.
Comme si elle devait être le bouc émissaire du vote des
Américains et de leur honte d’avoir mis à la tête de leur pays un clown
dangereux et incapable.
Il ne s’agit évidemment pas ici de refaire l’élection
présidentielle américaine car, légalement (tout au moins jusqu’à ce qu’on ait
trouvé des preuves l’incriminant dans les pratiques illégales dont on le
soupçonne pendant la campagne), Trump a gagné.
D’ailleurs, Hillary Clinton n’a jamais contesté cette
élection et n’a jamais prétendu, à l’inverse du clown en question, qu’elle n’accepterait
pas les résultats si elle perdait, un clown qui continue à prétendre que des
millions de gens ont frauduleusement voté alors qu’aucune preuve n’a jamais été
apportée à ce sujet.
Non, il s’agit seulement, de répondre à ce procès en
sorcellerie dont est victime la centriste en rappelant quelques évidences.
Et c’est ce qu’elle fait dans un livre qu’elle vient de publier,
intitulé «What happened» (Ce qui est arrivé) dans lequel, après avoir écrit qu’elle
acceptait l’entière responsabilité de son échec et des erreurs commises, elle
affirme qu’une partie de sa défaite provient de «l'appareil d'intelligence
russe, d’un directeur de FBI malavisé et d’un collège électoral d’un autre âge»,
ce que personne ne contestera.
Mais elle estime qu’une autre partie de celui-ci vient de
l’attitude et de la stratégie de son adversaire lors des primaires démocrates,
Bernie Sanders.
Nombre de commentateurs lui sont tombés dessus en la
décrivant comme une mauvaise perdante alors qu’elle ne fait qu’écrire des
choses qui sont justes.
Oui, comme l’affirme Clinton, Sanders a joué d’abord la
défaite de Clinton avant même de penser à la victoire d’un candidat démocrate
car il voulait, à la fois, prendre le pouvoir d’un parti dont il n’est même pas
membre – ou d’en créer un sur les décombres de celui-ci – en le gauchisant et
en faisant perdre, quoi qu’il en coûte, l’aile centriste de celui-ci représenté
ici par l’ancienne secrétaire d’Etat de Barack Obama.
Pour cela, celui qui se présente comme un socialiste, avait
besoin de faire imploser le parti démocrate et de jouer sur la corde populiste
de gauche comme le faisait Trump avec la corde populiste de droite.
Clinton regrette que Sanders l’ait attaquée
«personnellement» et qu’il ait mis tant de temps à se retirer de la course et à
déclarer qu’il la soutenait après qu’il ait perdu mathématiquement les
primaires, installant un doute chez ses supporters qu’il voulait la voir gagner.
Elle poursuit en expliquant qu’en outre «c'était plus que
frustrant de voir Bernie agir comme s'il avait un monopole sur la pureté
politique» alors même qu’il avait des positions plus que discutables pour les
progressistes sur les «questions importantes comme l'immigration, des droits
liés à la procréation, la justice raciale et la sécurité vis-à-vis des armes à
feu.»
Clinton a ainsi raison d’écrire que les attaques de Sanders
«ont fait des dégâts durables, ce qui a compliqué le rassemblement des
progressistes avant l'élection et a ouvert la voie à la campagne de Trump
contre 'Hillary la crapule'».
Du coup, Clinton a eu deux adversaires extrémistes, un de
chaque côté de l’échiquier politique, qui ont utilisé tous les arguments
démagogiques et fallacieux pour la faire perdre.
Et ce laminage a commencé dès le début des primaires
démocrates.
Pour s’en rendre compte, il faut voir avec quelle
délectation Donald Trump a repris la plupart des arguments populistes de Bernie
Sanders contre la centriste et lui a même proposé une sorte d’alliance de fait.
Car, comme l’écrit également Hillary Clinton, Bernie Sanders
jouait la démagogie à fond: il «annonçait à peu près la même chose, mais en
plus gros. Sur tous les sujets, c'est comme s'il promettait des abdos en quatre
minutes, ou des abdos en zéro minute. Des abdos magiques!»
Bien sûr, Sanders a refusé et a combattu Trump mais a
soutenu avec mollesse Clinton ce qui a eu comme conséquence une abstention
forte de ses électeurs de la primaire lors de l’élection présidentielle et qui
explique – avec les magouilles des Etats républicains qui ont empêché beaucoup
d’afro-américains, de latinos et de jeunes de voter par des décisions iniques –
la défaite de la candidate démocrate dans certains Etats qui se sont révélés
clés.
Toujours dans son livre, Hillary Clinton avoue qu’elle s’est
«résolue à accepter que beaucoup de gens, des millions et des millions de gens,
ont décidé qu'ils ne m'aimaient vraiment pas. Vous pouvez imaginer ce que cela
fait.»
Et elle a annoncé qu’elle ne se présenterait plus à aucune
élection.
Voilà donc une grande dame de la politique et du centrisme
américain qui tire sa révérence alors même que près de trois millions
d’Américains de plus que ceux qui ont voté pour Trump voulait la voir diriger
leur pays...
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC