Depuis la victoire d’Emmanuel Macron puis celle de La
République en marche aux législatives ainsi que la fragilisation de la Droite,
beaucoup de centristes se sont à nouveau mis à espérer en s’emparant une
nouvelle fois de l’arlésienne du «Grand parti du Centre» celui qui réunirait
tous les centristes et qui serait à même de concurrencer, voire de supplanter,
les formations de droite et de gauche avec, à la clé, un souvenir pour le moins
enjolivé de feue l’UDF lors de ses plus belles années.
Le constat fait par les leaders de l’UDI et du MoDem est
double.
D’une part, la victoire de Macron et celle de LREM est bien
celle du Centre.
Mais, en réalité, ni Macron ou LREM ne sont du Centre.
Sans oublier que Macron et LREM vont droit dans le mur à
plus ou moins brève échéance.
Conclusion, il y a une place à prendre pour les «vrais»
centristes avec un «vrai» parti centriste.
C’est ce que répètent inlassablement depuis juin dernier
François Bayrou et Jean-Christophe Lagarde, présidents respectifs du MoDem et
de l’UDI.
Mais c’est aussi ce que dit, par exemple, Hervé Morin ou
d’autres comme, dernièrement, le maire UDI de Bourges, Pascal Blanc dans une
tribune libre dans… l’Obs!
Avant de voir si la constitution d’une telle formation est
réalisable, voyons de quoi elle serait faite.
Pour François Bayrou, son noyau dur serait le MoDem et sa
désormais quarantaine de députés, avec l’absorption de l’UDI, d’une partie de
LREM et le ralliement de membres modérés de LR et du PS.
Pour Jean-Christophe Lagarde, son noyau dur serait constitué
d’abord de l’UDI puis de droitistes modérés (en particulier ceux de Les
constructifs) avec le ralliement d’une grande partie des troupes du MoDem et le
retour au bercail des centristes qui sont allés voir du côté de Macron et de
LREM sans oublier, à la marge, de modérés de gauche et de droite.
A part une différence dans le noyau dur – et on en comprend
aisément la raison! –, les deux visions sont à peu près identiques même si
Bayrou parle de parti du Centre alors que Lagarde parle de parti de
centre-droit, ce qui fait qu’il ne débauchera pas autant que cela à LREM et au
MoDem.
Et bien sûr, le fait que le parti prôné par François Bayrou
serait le fer de lance de la majorité présidentielle alors que celui défendu
par Jean-Christophe Lagarde serait la principale formation d’opposition même si
cette dernière serait constructive…
En revanche, pour un Hervé Morin et d’autres, le grand parti
serait plutôt une alliance uniquement entre le centre-droit et la droite
modérée afin de recréer une sorte d’UMP (projet initial de Lagarde mais qu’il a
étendu depuis), en tout cas du projet qui avait été à la base de la création de
cette dernière.
Quant à la proposition de Pascal Blanc, elle est plutôt
celle d’une vision traditionnelle de la réunification de la sphère centriste
même si elle se veut «moderne» en empruntant son architecture à tous les mouvements
politiques qui se sont créés ces dernières années en Europe comme La République
en marche en France.
Ce souhait d’un «Grande parti du Centre» a-t-il néanmoins
une chance de devenir réalité?
Au-delà de toutes les tentatives avortées, des échecs cuisants
et des calculs politiciens derrière les déclarations d’intention, la création
d’une telle formation se heurte à plusieurs obstacles.
Le premier s’appelle LREM qui, évidemment, pour les
promoteurs du «Grand parti du Centre» n’est pas centriste.
Or et même si elle réunit au-delà du Centre, La République
en marche est bien positionnée, non seulement, au centre mais est
principalement du Centre.
Dès lors, créer à côté une formation forte qui se
réclamerait, peu ou prou, de la même orientation politique semble difficile.
Sans parler de l’hypothétique débauchage de ses membres dont
on ne voit pas pourquoi ils quitteraient un parti qui a la majorité absolue à
l’Assemblée nationale pour en rejoindre un autre qui serait loin de l’avoir.
Le deuxième est la faiblesse à la fois du MoDem et de l’UDI.
Même si le Mouvement démocrate a connu une réussite
exceptionnelle aux législatives grâce à l’effet Macron, ce n’est qu’une petite
formation, sans beaucoup de militants et qui n’est absolument pas sûre de
pouvoir réaliser la même prouesse électorale dans le futur.
De même, l’UDI ne vit électoralement parlant que grâce à la
Droite et sa faiblesse actuelle est liée complètement à celle de LR.
Ainsi, les deux formations du Centre qui seraient les
piliers de ce «Grand parti» n’existent électoralement parlant que parce que
leurs alliés le leur permettent (on se rappelle du malaise à l’intérieur de
LREM suite aux largesses de Macron en faveur du MoDem lors des législatives).
Le troisième est l’état de morcellement et de désunion dans
lequel se trouve l’espace centriste.
Les querelles de personnes mais aussi l’incapacité des
petites chapelles centristes de s’unir entre elles sur le long terme datent de
très longtemps et, à part pour un court moment de l’existence de l’UDF,
perdurent depuis le début de la V° République.
Et rien ne permet de dire qu’elles pourraient être
surmontées dans le court terme.
Le quatrième est qu’on ne voit pas pourquoi ou comment ce «Grand
parti du Centre» pourrait attirer à lui suffisamment d’électeurs alors qu’il y
a LREM au centre et LR à droite.
Bien sûr, ses promoteurs parient sur la défaite et la
désaffection de l’électorat de La République en marche ainsi que sur sa
désagrégation pour réussir leur plan.
Cependant, si tel était le cas, pourquoi un parti qui
défendrait quasiment les mêmes idées pourrait se démarquer et gagner quoi que
ce soit.
On le voit, le «Grand parti du Centre» demeure encore à l’heure
actuelle un fantasme loin des réalités politiques du moment.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC