dimanche 9 juillet 2017

Vues du Centre. Macron, le mal aimé des médias mais aussi leur fonds de commerce…

Par Jean-François Borrou

Dans cette rubrique, nous publions les points de vue de personnalités centristes qui ne reflètent pas nécessairement ceux du CREC. Ces points de vue ont pour but d’ouvrir le débat et de faire progresser la pensée centriste.
Jean-François Borrou est le pseudonyme d’un journaliste proche des idées centristes.

Emmanuel Macron
Si l’on veut comprendre la presse aujourd’hui, il faut partir d’un double constat.
Le premier est que dans un univers complètement concurrentiel, s’affrontent – certains dans leur secteur et tous dans un univers global – des médias qui sont souvent dans les difficultés financières surtout depuis l’envol d’internet, des sites gratuits et des réseaux sociaux.
Le deuxième est que les médias sont une industrie qui crée un produit, l’information, qui se monnaye auprès d’annonceurs par le biais d’un critère principal, le taux d’audience ou le tirage agrémenté, toujours auprès des annonceurs mais aussi de clients (téléspectateurs, auditeurs, lecteurs, internautes) de la capacité à faire le buzz et à s’adresser à des publics cibles particuliers.
De ce double constat on peut estimer que ceux qui seront capables d’occuper le devant de la scène ainsi que ceux qui sauront se créer des niches solides seront, in fine, les gagnants.
Dès lors, l’information devient un moyen de se faire remarquer, pour les uns, par le grand public, pour les autres, par une communauté particulière.
Et ce n’est pas la «vérité» et même pas la «réalité» qui est recherchée mais cette capacité à attirer l’attention et à se construire une clientèle fidèle.
C’est évidemment un constat rapide que certains trouveront caricatural mais qui, dans ses grandes lignes est exact.
Alors qu’aux Etats-Unis les médias se sont fourvoyés et continuent à se fourvoyer pour ces raisons en couvrant jusqu’à la nausée le candidat Trump et maintenant le président en améliorant de manière indécente leurs chiffres d’affaire, c’est Emmanuel Macron qui joue ce rôle en France désormais, sur le modèle importé d’Amérique pourtant si critiqué par ceux qui l’utilisent dans notre pays…
Mais quoi de commun entre un populiste démagogue proche de l’extrême-droite comme Donald Trump et un centristes progressiste comme Emmanuel Macron?
Rien d’autre que de profiter d’une séquence profitable pour engranger des clients, augmenter ses audiences ou ses tirages et faire de l’argent.
Dès lors, tous les jours, de manière exponentielle, on parle de Macron, généralement de manière critique, voire par insinuations, pour allécher le chaland.
La plupart des informations n’ont aucun intérêt – comme celle de savoir s’il a joué des coudes pour être bien placé lors de la photographie officielle au G20 d’Hambourg! – quand d’autres sont montées en épingle – comme celle de l’organisation de son voyage à Las Vegas quand il était ministre de l’économie.
Tout est bon pour profiter sans répit de la manne que ce soit par raisons uniquement financières ou en y mêlant un peu d’idéologie.
De ce point de vue BFMTV et Le Monde, même combat!
Pendant que la chaîne d’information en continue la plus regardée déroule continuellement sa stratégie simpliste et décervelante de faire le buzz sur le moindre pet de travers, le quotidien parisien numéro un mène une campagne agressive qui lui permet, par exemple, de titrer le 3 juillet dernier, «Macron installe un pouvoir sans partage», insinuant que la démocratie est en danger depuis l’élection d’Emmanuel Macron…
Le plus triste dans l’affaire est que, d’un côté comme de l’’autre, le fond est souvent désespérément vide.
Bien entendu, il ne faut pas sous-estimer non plus la fierté mise à mal des journalistes par un candidat puis un président qui joue son propre jeu en matière de communication et pas celui des médias.
Sans oublier cette incapacité que la profession a eu de comprendre ce qu’il représentait et de sa capacité à bouleverser le paysage politique en si peu de temps.
Quoi qu’il en soit, Emmanuel Macron, quoi qu’il fasse en bien ou en mal, sera durant tout son quinquennat, la tête de turc des journalistes.
En cela, il n’est aucunement un Trump français.
En revanche, la manière dont il est traité se rapproche de celle que les médias américains réservent depuis 25 ans à Hillary Clinton, une femme qu’ils ont souvent détestée et dont leur haine tenace a aussi fait le succès de Donald Trump.

Jean-François Borrou


Une Semaine en Centrisme. Il est temps pour un parti centriste aux Etats-Unis

Ni les centristes du Parti républicain – s’il en existe encore! –, ni ceux du Parti démocrate trouvent encore leur place dans leurs formations respectives.
Si c’est désormais le cas pour les démocrates depuis la défaite d’Hillary Clinton face à Donald Trump et la montée en puissance de Bernie Sanders, cela l’est depuis près de vingt ans pour les républicains, depuis l’offensive de la droite radicale pour faire main basse sur le parti d’Abraham Lincoln et Theodore Roosevelt, deux des premiers centristes de l’histoire politique américaine.
Aujourd’hui, la radicalisation des deux partis est une évidence.
Elle doit être mise à l’actif des idéologues d’extrême-droite du Parti républicain – les Buchanan, Santorum, Bannon, Paul et consorts –  qui ont voulu, souhaité et lutté pour créer une division irréversible entre les deux partis dominants de la vie politique américaine et tuer ce fameux consensus et la capacité de trouver un compromis qui était la marque de fabrique du système étasunien.
Leur guerre inlassable contre Barack Obama était une des manifestations les plus agressives de leur projet.
Même si le bipartisme – précisons tout de même que les Etats-Unis connaissant une myriade de partis politiques – est dans l’ADN de la politique américaine, la création d’une «troisième force» centriste est à présent la seule manière d’empêcher le débat politique de se radicaliser définitivement dans les années à venir.
Aujourd’hui, il y a un populisme de droite radicale (voire d’extrême-droite) incarnée par Donald Trump et un populisme de gauche radicale incarnée par Bernie Sanders.
Mais il y a en plus toute une mouvance d’extrême-droite du côté républicain dont Mike Pence, le vice-président n’est pas très éloigné (ce qui fait dire à beaucoup de politologues que Trump est un moindre mal et qu’il faut qu’il reste en place car sa destitution serait une grande catastrophe parce qu’il serait remplacé par Pence…).
Et ces deux populismes ne sont pas des mouvements éphémères.
Du coup, les centristes du Parti républicain et ceux du Parti démocrate ont intérêt à unir leurs efforts afin de défendre une démocratie républicaine modérée, équilibrée et harmonieuse qui était le projet politique des Pères fondateurs de la nation américaine, centristes dans l’âme et auteurs de la Constitution.
Actuellement, certains de ces centristes font fausse route en essayant de trouver des compromis avec les radicaux qui les utilisent sans vergogne et tenteront de les réduire au silence dès qu’ils le pourront.
De même, d’autres ont tort de croire qu’ils pourront reprendre le pouvoir à court voire à moyen terme à l’intérieur de leurs partis respectifs.
Les radicaux et les populistes sont en position de force et leur dessein est bien d’éliminer les modérés.
Dès lors, la seule solution raisonnable – mais qui ne sera peut-être pas mise en route… – est bien dans une alliance des centristes dans un nouveau parti politique.
D’autant qu’une majorité d’Américains selon les sondages réclament ce troisième parti.
Car le bipartisme est obsolète aux Etats-Unis pour les années qui viennent parce qu’il ne représente plus la sociologie électorale du pays qui est globalement divisée en trois et non plus en deux.
Auparavant, il y avait toujours moyen pour les modérés de trouver un terrain d’entente acceptable avec leurs ailes radicalisées ou plus idéologiquement marquées à droite et à gauche.
Mais cela n’est plus possible.
La droite radicale a tenté et presque réussi à déplacer le centre de la vie politique américaine vers la droite.
La réaction de la Gauche avec l’apparition pas aussi étonnante que cela d’un Sanders lors de la campagne pour les primaires démocrates a permis de rééquilibrer les choses et de pouvoir remettre le point central là où il doit être, entre la Gauche et la Droite.
Néanmoins il faut maintenant une incarnation de ce Centre parce qu’il en va, non seulement du débat politique mais de la représentation de la frange la plus nombreuse de la population du pays qui se trouve actuellement otage des franges radicalisées.
Reste qu’aucune initiative d’envergure n’est encore dans les tuyaux malgré le spectacle affligeant de la présidence Trump et les petites guerres mesquines qui touchent le Parti démocrate.
Sans doute que le fétichisme du peuple américain pour un système politique et une Constitution qui devraient être modernisés en est responsable en grande partie.

Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC