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Emmanuel Macron |
Emmanuel Macron a pu parvenir à l’Elysée et se retrouve en
capacité de pouvoir refonder la vie politique française grâce à l’aboutissement
d’un long processus alors qu’un nouveau est en train de débuter s’appuyant sur
une situation politique particulièrement favorable pour y parvenir.
Pouvoir remporter l’élection présidentielle en se présentant
comme «ni gauche, ni droite» dans un pays où la Constitution de la V°
République a fait en sorte de créer un bipartisme (ou bi-coalition) de fait
entre la Droite et la Gauche, est certainement un exploit politique mais qui
n’est pas venu néanmoins, comme ça, de nulle part.
Il s’agit d’une lente maturation de décomposition d’un
spectre partisan simpliste qui s’est montré incapable de structurer la vie
politique sur le long terme et qui, en déliquescence depuis plusieurs années,
s’est effondré en 2017, un peu pus tôt que prévu suite à de récents événements.
On pouvait en effet supposer que cette refondation aurait
plutôt lieu en 2022, voire à partir de 2022 quand les divers acteurs de
celle-ci seraient prêts à discuter et à se rapprocher selon un nouvel
agencement partisan, plus en phase avec la société réelle.
Bien entendu, il ne faut pas minimiser les facteurs
extérieurs qui ont facilité cette montée plus rapide de prévue de l’axe central
et qui a permis la victoire d’Emmanuel Macron.
Ainsi, la non-candidature de François Hollande, les défaites
aux primaires d’Alain Juppé et de Manuel Valls, les affaires ayant plombé la
candidature de François Fillon et la campagne désastreuse de Benoit Hamon ont,
bien évidemment, joué en faveur d’Emmanuel Macron et permis sa révélation tout
en faisant imploser les deux grands partis de gouvernement, LR et le PS tout en
recomposant l’espace centriste.
Mais il ne faut pas non plus exagérer ces facteurs parce
qu’alors il faudrait parler de circonstances chanceuses pour les élections du
Général de Gaulle en 1958, de Valéry Giscard d’Estaing en 1974, de François Mitterrand
en 1981 et 1988, de Jacques Chirac en 2002, de Nicolas Sarkozy en 2007 et de François
Hollande en 2012.
Sans oublier que le facteur «chance» ou plutôt une situation
particulière à un moment donné est toujours présent dans une élection.
En outre, les repositionnements politiques de Manuel Valls
et d’Alain Juppé, ce dernier qui demeure une des personnalités politiques
préférées des Français malgré sa défaite surprise à la primaire de LR, montrent
que l’axe central était bien dans une dynamique et que s’il a bénéficié de
circonstances favorables, elles n’ont que précipité son avènement plutôt que de
le fonder.
Si on retrouve une configuration de l’espace politique qui
peut rappeler la Troisième force de la IV° République où une coalition centrale
gouvernait face à un Parti communiste sur sa gauche et un parti puis une
mouvance gaullistes sur sa droite, elle est plus proche d’une Troisième voie
mise en pratique par Bill Clinton aux Etats-Unis et Tony Blair au Royaume Uni
dans les années 1990.
Cependant, de par son fondement basé sur l’émergence d’un centrisme
moderne, ce processus à un aspect unique, c’est-à-dire nouveau.
Ce processus qui a permis l’émergence d’un axe central sur
lequel s’est appuyé le nouveau président de la république a débuté en 1983 avec
le virage de la rigueur du gouvernement socialiste de François Mitterrand (virage
qui peut-être qualifié de conséquence de la victoire de la Gauche en 1981,
c’est-à-dire de la première alternance politique sous la V° République).
Ainsi, les vingt-cinq années dans l’opposition de la Gauche
avaient poussé cette dernière dans un idéologisme pur et dur sans prise avec le
réel qui se solda par deux ans de gouvernement qui furent une catastrophe parce
qu’uniquement dictés par une vision partisane enfermée dans des certitudes où
l’on se faisait fort de plier la réalité à celle-ci.
Pour éviter que les trois prochaines ne deviennent
cataclysmiques, Mitterrand du se résoudre à écouter ceux qui, dans son propre
camp, l’exhortait à prendre enfin la voie social-démocrate comme un Jacques
Delors.
Cela ne suffit pas à reconquérir la confiance des Français
mais ce fut un véritable tournant dans la vie politique française où les deux
camps qui prétendaient gouverner acceptaient dorénavant de le faire en se
confrontant au réel et non en le déniant.
Ce processus a continué avec la première cohabitation en
1986 qui démontrait que ces deux camps n’étaient pas dans une opposition
irréductible mais pouvaient gouverner ensemble quand les Français le décidaient
et pour le bien du pays même s’il ne faut pas oublier, évidemment, les fortes
tensions qui eurent lieu alors entre François Mitterrand et le gouvernement de
Jacques Chirac.
Néanmoins, cela amena Mitterrand à changer complètement de
stratégie pour sa réélection en 1988 par rapport à 1981.
Il centrisa son discours ainsi que ses propositions en
évoquant quasiment un ticket entre lui et son ennemi intime du PS mais
représentant emblématique de la gauche pratique, Michel Rocard, puis, une fois
la victoire acquise, il fit entrer des centristes dans son gouvernement alors
qu’il n’avait pu avoir qu’une majorité relative à l’Assemblée nationale ce qui
ne l’empêcha de gouverner, démontrant une nouvelle étape dans le processus.
En 1989 la chute du mur de Berlin et l’effondrement de
l’Union soviétique et du «communisme réel» (déjà traduite en France par une
baisse historique du PC à l’élection présidentielle de 1988) valida un peu plus
celui-ci.
Il se poursuivit ensuite en 1993 avec la deuxième
cohabitation, plus apaisée que la première avec Edouard Balladur en premier
ministre.
Et la troisième cohabitation qui débuta en 1997 et fut
l’inverse des deux premières, avec un président de droite, Jacques Chirac, et
un premier ministre de Gauche, Lionel Jospin, démontra que tous les cas de
figure étaient viables dans la démocratie républicaine française.
En 2002, le processus est confronté à la présence au second
tour de la présidentielle du candidat d’extrême-droite, Jean-Marie Le Pen qui a
éliminé Lionel Jospin à a surprise de tous.
Mais il passe avec succès cet examen face à ce tsunami
politique grâce à une mobilisation sans équivalent des démocrates qui permet à
Jacques Chirac de gagner avec plus de 82% des voix.
Malheureusement, Chirac sera incapable de comprendre qu’il
faut alors renouveler la vie politique et il s’enfermera dans la vieille
opposition droite-gauche sans voir que cela va, à terme, consolider et
conforter les populismes démagogiques qu’il prétend combattre.
Ce processus semble faire un retour au premier plan en 2007
avec l’entrée de personnalités de gauche dans le gouvernement de Nicolas
Sarkozy mais il s’agit en réalité d’un simple débauchage et non d’une volonté
de bâtir une nouvelle majorité présidentielle.
En revanche, il connait une nouvelle accélération en 2012
avec l’élection de François Hollande et de sa politique résolument
social-démocrate voire parfois social-libérale ce qui a entraîné le phénomène
des fondeurs du Parti socialiste et une montée en puissance du Front national,
premier parti en pourcentage de voix aux élections européennes puis aux
élections régionales tout en libérant la parole chez les réformistes de gauche
et de droite.
Au-delà d’un bilan du quinquennat qui s’est achevé et de
savoir si l’action de Hollande était pensé comme une volonté de recomposition
de la vie politique, force est de reconnaître que sa présidence a produit un
axe central de fait, c’est-à-dire une convergence politique entre les
réformistes progressistes de droite, de gauche et du centre positionnés dans
l’espace central (lieu politique de l’humanisme progressiste et réformiste)
mais pas d’une alliance concrète qui n’est d’ailleurs pas encore scellée avant
le premier tour des élections législatives de juin prochain et ne le sera pas.
Bien sûr, les événements que nous venons de citer sont la
partie visible d’un iceberg qui a travaillé la société française depuis ces
vingt-cinq dernières années et à amener les démocrates républicains à se
rapprocher pendant que sur leur droite et leur gauche les radicaux et les
extrémistes se rapprochaient à leur tour.
La présidence d’Emmanuel Macron devrait être celle de l’axe
central même s’il est encore trop tôt pour savoir si cela se fera dans une
alliance en bonne et due forme ou dans une configuration post-partisane où des
majorités conjoncturelles se créeront pour voter les lois si le gouvernement
est minoritaire.
Et l’on devrait assister à terme à cette recomposition
politique autour d’une tri-coalition (et peut-être ensuite d’un tripartisme)
avec une coalition de droite et une coalition de gauche regroupant les radicaux
et les extrémistes ainsi qu’une coalition de l’axe central.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC