Tony Blair |
Dans une tribune publiée récemment par Le Monde, l’ancien
premier ministre britannique Tony Blair, inventeur avec l’ancien président
américain, Bill Clinton, de la Troisième voie (Third way) dans les années 1990,
parlent de son expérience du pouvoir et donnent des conseils au nouveau
président de la république française, Emmanuel Macron, qu’il adoube.
Si, aujourd’hui, Blair est devenu une personnalité
controversée par son soutien sans réserve à la guerre contre l’Irak de Saddam
Hussein de George W Bush ainsi que dans son rôle de conseiller de chefs de
l’Etat qui ne sont pas de grands démocrates, il reste celui qui a tenté et
parfois réussi la synthèse entre un libéralisme économique assumé et un
solidarisme social, ce qui a permis à la gauche du Royaume Uni de revenir au
pouvoir après les années de la très conservatrice et ultralibérale Margaret
Thatcher alors que tout le monde estimait alors que le Parti travailliste était
proche de l’extinction.
Son parcours politique et sa pratique du pouvoir l’ont
d’ailleurs conduit vers le Centrisme et l’on peut estimer qu’à la fin de son
mandat, il était plus centriste que les Libéraux démocrates qui, pourtant
revendiquaient l’appellation…
Son positionnement politique était très exactement celui
revendiqué aujourd’hui par Emmanuel, le social-libéralisme et un progressisme
qui prenait en compte la réalité, ce qui faisait défaut alors au Parti
travailliste et permis son retour au pouvoir (Blair fut premier ministre
pendant plus de dix ans et eut comme successeur un autre social-libéral, Gordon
Brown) comme c’était le cas aux Etats-Unis où Bill Clinton recentra avec succès
le Parti démocrate et demeura huit ans à la Maison blanche.
Il tente un retour politique, selon lui, européen convaincu,
guidé par ses grandes craintes vis-à-vis de la montée des populismes sur le
vieux continent et, en particulier, celui qui en Grande Bretagne conduit au
Brexit qu’il combat en adversaire déterminé.
Voici des extraits de cette tribune
- «Bel exploit ! En à peine plus d'un an, Emmanuel Macron a
fondé un mouvement et accédé à la tête de l'une des grandes puissances
mondiales. Il y est parvenu avec un programme d'une grande clarté idéologique:
en dépassant les vieux paradigmes de gauche et de droite et en s'inscrivant
résolument contre le nouveau populisme qui déferle sur les pays occidentaux.»
- «Pour une bonne partie de la population des pays
occidentaux, la mondialisation provoque un stress culturel et économique, qui
crée du ressentiment et de la peur. (…)Les populistes surfent sur cette colère,
exploitent des sujets comme l'immigration et créent des boucs émissaires. (…)
Ce qu'Emmanuel Macron a compris, c'est qu'il n'y a qu'une seule réponse
sérieuse : elle consiste non pas à traiter par le mépris des inquiétudes qui
sont légitimes et compréhensibles, mais à expliciter les solutions qui
amélioreront véritablement le sort de la population. Il faut pour cela défendre
résolument les valeurs que nous partageons contre les extrémistes qui utilisent
la religion comme instrument de haine, sans confondre l'islamisme radical avec
l'islam. Il faut un Etat actif qui accompagne les victimes des mutations
économiques, mais il faut aussi affirmer clairement qu'on ne peut pas arrêter
le changement et que ceux qui disent le contraire mentent.»
- «Cette politique de centre progressiste est la seule à
même de vaincre le populisme. Le monde a donc réagi avec un soulagement palpable
et justifié à la victoire de Macron. Tous ceux d'entre nous qui croient au
progrès en mettant la mondialisation au service du plus grand nombre souhaitent
et ont besoin qu'il réussisse. Mais, comme il n'est pas sans le savoir, le plus
dur commence à présent. Pour reprendre la formule du dirigeant politique
américain Mario Cuomo, ‘on fait campagne en poésie mais on gouverne en prose’.
- «La méthodologie de la réforme est importante. La première
chose à faire est de déterminer ce qui va vraiment faire bouger les choses.
J'ai passé mon premier mandat à mener des réformes dont l'ampleur ne s'est pas
suffisamment traduite dans le discours. Pourtant, on peut y perdre une bonne
partie de son capital politique. J'en ai tiré comme leçon qu'il faut se centrer
sur les choses réellement importantes. S'assurer que les mesures sont assorties
d'effet.
La réalité, c'est que la plupart des gens savent que les
réformes sont nécessaires pour la France. L'économie française possède de
nombreux atouts mais elle ferait beaucoup mieux si l'Etat donnait de
l'autonomie aux entreprises au lieu de les entraver. Ces réformes ne reviennent
en rien à minimiser l'importance de la justice sociale; elles sont, bien au
contraire, la seule façon de l'assurer, en créant la croissance et les emplois
indispensables au bien-être de la population.»
- «J'ai constaté que le plus difficile quand on gouverne est
de traduire les réformes dans les faits. L'administration est douée pour gérer
le statu quo, nettement moins pour le modifier. J'ai découvert qu'il était
essentiel d'établir des priorités et de créer des structures spécialement
chargées de mettre en œuvre les réformes, avec des équipes formées dans ce seul
but.»
- «L'Europe doit être réformée. Si l'on inscrit le programme
des réformes de la France dans le cadre d'un programme de réformes de l'Union
européenne, la proposition devient nettement plus attrayante. Cela souligne,
comme il se doit, que le changement en France fait partie intégrante des
transformations indispensables sur l'ensemble du continent et cela donne aux
citoyens européens le sentiment que l'on entend leurs angoisses à propos de
l'Europe et que l'on y répond.»
- «La politique du XXIe siècle doit ressembler à son
époque et se projeter dans l'avenir. Assurément, pour le nouveau président, le
plus dur commence. Mais le cap est bon, et nombreux sont ceux qui, dans le
monde, empruntent la même direction.»