Le gouvernement Macron |
Le nouveau gouvernement d’Emmanuel Macron est sans conteste
un gouvernement de l’espace central réunissant des progressistes réformistes de
droite, de gauche et du Centre, donc est composé de personnalités de ce que
l’on appelle l’axe central, une nouveauté dans le paysage de la V° République.
Cependant, il n’est pas issu d’une alliance entre les
différentes composantes de l’axe central, c’est-à-dire de formations clairement
identifiées ou de courants, voire même de groupes, homogènes appartenant à
celles-ci.
Ainsi, seul le Mouvement démocrate a, pour l’instant,
formalisé une alliance avec La république en marche même si celle-ci a donné
lieu à quelques tensions, notamment sur la nature de cette alliance, lors de
l’établissement de la liste des candidats aux législatives.
Les autres membres du gouvernement faisant partie de l’axe central
sont venus en leur nom.
Tout comme l’ont été les personnalités politiques qui ont
signé les appels à accepter la main tendue par Emmanuel Macron et ce, même si
dans les signatures on peut repérer la présence de courants réformistes mais
sans que ces derniers aient une réalité structurelle ou soient là en tant que
groupes constitués.
Dans ce cadre, on peut déjà pointer les forces mais aussi
les fragilités de ce premier gouvernement Macron qui viennent directement de sa
composition transpartisane et donc de la transgression du paysage politique
établi que cela a engendré.
On peut tenter de les analyser tout en sachant qu’aucun
précédent ne peut être pris comme comparaison pour affirmer que cette tentative
de recomposition politique peut fonctionner ou pas.
Commençons par les fragilités qui sont de deux ordres.
Les premières fragilités viennent de ce que cette reconfiguration
partisane dans le cadre de l’espace central et avec des personnalités de l’axe
central s’est faite sans une alliance politique en bonne et due forme et sans
que cette recomposition – qui ne concerne pour l’instant que l’exécutif – ait
reçu l’onction du suffrage universel.
Même si l’on peut considérer que l’élection de Macron – qui
avait été très clair sur ses intentions en la matière – ainsi que le fait qu’il
soit arrivé en tête au premier tour, apportent la légitimité démocratique
nécessaire et indispensable à la composition transpartisane de ce gouvernement
(rappelons que pour ses adversaires, il n’aurait été élu que pour faire barrage
au FN).
Les deuxièmes fragilités viennent de la capacité des
représentants de cet axe central à travailler ensemble dans un même
gouvernement et, surtout, de travailler avec la feuille de route imposée par
Emmanuel Macron.
Il se pourrait bien que des incompatibilités naissent assez
rapidement et que les réflexes partisans (re)prennent le pas sur la
recomposition politique que soutiennent pourtant en principe tous les membres
du gouvernement.
Ces fragilités pourraient devenir prégnantes et déstabiliser
ce bel édifice de consensus et de compromis en cas de défaite ou même de
non-victoire (c’est-à-dire sans majorité absolue) pour La république en marche
lors des législatives.
Dans le cas d’une cohabitation traditionnelle, ce gouvernement
devra démissionner et sa durée de vie aura donc été très courte.
Mais dans les cas d’un gouvernement minoritaire qui peut se
maintenir parce que La république en marche sera le principal groupe de
l’Assemblée national ou d’une coalition, il est probable que Macron doive faire
des concessions sur la composition de son gouvernement ou, plus important, sur
sa ligne politique entraînant le départ de certains de ses membres qui ne
seraient plus en phase avec les nouveaux objectifs ou qui seraient remplacés
par des personnalités pour permettre soit de faire accepter qu’il soit
minoritaire, soit de le faire fonctionner sous les auspices d’une nouvelle
majorité de gouvernement.
Dans ces deux derniers cas de figure, quoi qu’il arrive,
Emmanuel Macron sera obligé de conduire des tractations, soit pour négocier un
pacte de non-agression vis-à-vis de son gouvernement minoritaire, soit afin
d’officialiser une alliance entre un ou plusieurs partis (ou un ou plusieurs courants
de partis) de l’axe central.
Rien ne dit, pour l’instant et malgré la volonté de beaucoup
à droite et à gauche ainsi qu’au centre de travailler avec Emmanuel Macron sans
rejoindre La république en marche, que le nouveau président pourra bâtir une
coalition en bonne et due forme.
Pour ce qui est d’un gouvernement minoritaire, il pourra tenter
de faire passer ses mesures au Parlement en s’appuyant sur des majorités de
circonstances selon les textes et leurs domaines d’intervention dans une
pratique post-partisane.
Mais, ici, les précédents, tant en France qu’à l’étranger
sont peu nombreux et l’ont été sur des textes précis et non sur une série de
texte sur une longue période.
La seule tentative de mettre sur pied cette architecture
post-partisane a été celle de Barack Obama aux Etats-Unis en 2009, juste après
sa première élection et elle fut un échec complet.
Il ne faut oublier, bien sûr, la situation dans laquelle
certains des ministres qui se présentent à la députation, soient battus, ce qui
entraînera alors leur départ prématuré automatique.
Cependant, le gouvernement actuel possède des forces
indéniables.
D’abord auprès de l’opinion publique comme l’ont montré tous
les sondages publiés depuis sa constitution.
Les Français approuvent qu’il soit transpartisan et
souhaitent qu’il réussisse, ce qui lui donne une certaine latitude d’action et
une capacité à durer.
Ensuite, du côté de LR et du PS, on sait que nombre des élus
de ces deux partis sont favorables à travailler avec le nouveau pouvoir.
Même s’ils ne participent pas à la future majorité, ils
pourraient ne pas s’opposer frontalement au gouvernement lui permettant quel
que soit le résultat des législatives de pouvoir travailler et légiférer.
D’autant que plusieurs membres de l’équipe gouvernementale
sont des personnalités appréciées dans leurs camps respectifs comme Jean-Yves
Le Drian au PS, Edouard Philippe et Gérald Darmanin à LR, Nicolas Hulot chez
les écologistes, François Bayrou au MoDem.
En outre, la dynamique qui peut se créer autour de ce
gouvernement et à l’intérieur de celui-ci peut également lui donner la capacité
d’agir et d’obtenir des résultats, donc, non seulement, de le souder mais de
permettre, en plus, de nouveaux ralliements.
Et puis, ce qui n’est pas rien, les conjonctures sociétale
et économique, à défaut peut-être de la sociale, sont favorables, pour
l’instant, à ce gouvernement.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC