Beaucoup appellent désormais Emmanuel Macron, un centriste,
et estiment que c’est le Centre qui a gagné le premier tour de l’élection
présidentielle, certains allant même à prétendre que l’accession du leader d’En
marche! serait une victoire historique du Centrisme depuis le début de la V°
République.
Et de poursuivre en expliquant que Macron va réaliser les
rêves de François Bayrou, le gardien de la maison centriste, qu’il serait en
quelque sorte son fils spirituel et plus sûrement son héritier politique.
Mais, d’autres, affirment que les centristes, en tout cas
certains d’entre eux, sont les grands perdants de ce premier tour, tous ceux
qui se sont rangés, à l’initiative de l’UDI, derrière François Fillon.
Car, non seulement, ils ont choisi le mauvais cheval de
manière totalement irresponsable mais leur motivation électoraliste et de
récupérer des strapontins au gouvernement les conduit dans un mur qu’ils ont
eux-mêmes construit…
Quoi qu’il en soit, il faut faire ici une différence entre
le Centre et les centristes.
La première place d’Emmanuel Macron au premier tour et sa
position de favori pour le second tour selon les sondages d’opinion est une
évidente victoire pour le Centre.
Même s’il n’est pas un centriste revendiqué, Macron est
totalement centro-compatible et il porte avec lui les valeurs humanistes et
progressistes du Centrisme ainsi que son principe du juste équilibre.
Ses «ni gauche, ni droite» et «en même temps» caractérisent
sémantiquement parlant cette proximité avec le Centre.
En revanche, l’éclosion d’Emmanuel Macron dans l’espace
central, futur leader d’un axe central s’il gagne le 7 mai prochain, démontre
le délabrement de l’espace centriste et des partis qui s’y trouvent et se
prétendent du Centre.
Si, aujourd’hui, François Bayrou peut affirmer avec une fierté
non feinte que sa stratégie et ses idées ont rencontré les Français, c’est bien
la mort dans l’âme qu’il a du renoncer à se présenter à l’élection
présidentielle parce qu’il ne récoltait qu’autour de 5% d’intentions de vote
dans les sondages.
De même, son Mouvement démocrate est une coquille de plus en
plus vide, ne comptant que quelques élus, dont aucun député, ce qui montre la
faiblesse de son entreprise politique, notamment depuis 2007 et son score de
plus de 18% à la présidentielle d’alors.
Bien entendu, la dynamique Macron lui a donné une exposition
politico-médiatique et un avenir politique qu’il n’aurait pas eu et, surtout,
qu’il ne risquait plus d’avoir, d’où d’ailleurs son alliance avec le leader
d’En marche! qui lui a permis de préserver son futur et toutes les options qui
vont avec.
Bien sûr, sa stature politico-médiatique a aidé Emmanuel
Macron, notamment dans la sphère centriste, en lui donnant la caution d’une
personnalité politique de premier plan.
Mais son entreprise qui était de diriger la France semble
définitivement morte.
Il faudrait un concours de circonstances particulières pour
qu’il puisse se présenter en 2022 et gagner.
Reste qu’en cas de victoire de Macron, il aura certainement
un rôle majeur à jouer dans la future majorité présidentielle.
Certains le voient déjà premier ministre mais quelque soit
son poste et ses fonctions, ils seront importants.
De même, les autres personnalités du MoDem devraient en
bénéficier.
Enfin, les thèmes privilégiés portés par François Bayrou
depuis longtemps ainsi que ses solutions devraient se retrouver au cœur des
débats politiques dans les cinq années à venir avec un Macron président.
En revanche, la situation est totalement différente pour
l’UDI qui vit certainement ses derniers moments en tant que parti politique.
Ses leaders, en décidant, d’abord, de ne présenter aucun
candidat à la présidentielle puis d’aller soutenir un candidat de droite
radicale, malhonnête et menteur, qui n’a pas hésité à lancer des fausses
informations tout au long de la campagne (notamment qu’il parlait tous les
jours avec Jean-Louis Borloo, le créateur de l’UDI, pour récolter des voix
centristes supplémentaires), ont porté un coup fatal à cette confédération qui
était déjà mal en point par la guéguerre minable que se livrent Jean-Christophe
Lagarde et Hervé Morin.
Déjà, de nombreux militants sont partis pour aller soutenir
Emmanuel Macron ainsi qu’une de ses formations, l’Alliance centriste.
Bien entendu, au vu du duel Macron-Le Pen, l’UDI a appelé à
voter pour le premier nommé lors du second tour mais c’était le minimum qu’elle
pouvait faire.
On entend ici ou là de nombre de ses membres affirmer qu’ils
iront dans les meetings de Macron et qu’ils s’afficheront avec lui.
On espère simplement qu’il ne s’agit pas seulement d’un opportunisme
indigne qui suivrait une position politique irresponsable qui a porté un coup
très dur au Centre.
L’avenir de l’UDI passe par un éclatement avec ceux qui
seront du côté de Macron, dans En marche! ou dans son alliance et ceux qui
s’accoleront de manière encore plus proche avec LR, voire qui seront absorbés
par le parti de droite.
En tout cas, on peut penser que, même si Macron accueillera
ceux qui voudront le rejoindre, le poids politique de l’UDI et de ses leaders
dans les cinq prochaines années devrait être minime sauf exceptions.
Quant aux quelques centristes qui sont encore dans LR, ils
ont tous appelé à voter Macron au second tour, ce qui était prévisible,
certains pensant même à faire partie de sa majorité s’il est victorieux le 7
mai prochain.
Paradoxalement, certains d’entre eux, proches d’Alain Juppé,
pourraient même avoir des positions ou des postes nettement plus importants que
les centristes de l’UDI.
Reste le cas de quelques personnalités indépendantes dont,
évidemment, Jean-Louis Borloo.
Celui-ci a déjà dit toute la proximité qu’il avait avec les
idées d’Emmanuel Macron mais ne l’a pas rejoint.
Pour autant, malgré les pressions évidentes et la
manipulation du camp Fillon et de Fillon lui-même dans des déclarations
indécentes, il n’a pas appelé à voter pour le candidat LR dont il ne partageait
pas le programme et dont il condamnait les agissements.
Il pourrait être une personnalité importante de la future
majorité et son profil correspond bien à ce que cherche Emmanuel Macron pour le
poste de premier ministre.
Pour conclure, les idées et les valeurs du Centre ainsi que
des personnalités centristes ont été en première ligne lors du premier tour de
cette présidentielle et les résultats ont conforté leurs positions.
Si Emmanuel Macron devient le prochain président de la
république, ils auront une place évidemment importante dans le prochain
quinquennat.
En revanche, les partis centristes semblent être les grands
perdants avec certains de leurs leaders qui traverseront sans doute leur désert
pendant quelques temps.
La leçon politique pour le Centre français est, quoiqu’il
arrive le 7 mai, de se refonder pour enfin bâtir du solide et être un élément
central de la vie politique française, victoire ou non de Macron.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC