Dans cette rubrique, nous publions les
points de vue de personnalités centristes qui ne reflètent pas nécessairement
ceux du CREC. Ces points de vue ont pour but d’ouvrir le débat et de faire
progresser la pensée centriste.
Jean-François Borrou est le pseudonyme
d’un journaliste proche des idées centristes et qui collabore épisodiquement à
cette rubrique. Ses propos sont les siens et non ceux du CREC.
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Emmanuel Macron |
C’est la grosse artillerie qu’est en train de sortir la
Droite en ce moment pour tenter désespérément de contrer la montée inexorable
d’Emmanuel Macron.
Tout le monde est sur le pont, des trolls d’internet aux
députés de LR qui déversent fausses informations, sous-entendus, insinuations
et théorie du complot en saisissant la justice sur du vent.
Et la presse droitiste n’est pas en reste.
Je ne parlerai pas de titres comme Valeurs Actuelles qui
n’est plus depuis longtemps qu’un simple bulletin de propagande.
En revanche, le cas du Figaro est assez symptomatique de ce
qui se passe actuellement dans l’univers d’une droite radicalisée.
A l’inverse de ce que j’ai écrit récemment sur Le Monde et
son attitude hypocrite qui est de se présenter en journal de référence qui
traite les sujets le plus objectivement possible pour réfuter son parti-pris
évident contre Emmanuel Macron (lire l’article ici), alors que l’on sait bien
que son tropisme de gauche est une réalité depuis fort longtemps, le cas du
Figaro n’est pas qu’il avance caché.
Il se dit de droite, il est de droite et il veut la victoire
du candidat de droite à la présidentielle.
Aucune hypocrisie, donc, ou juste un peu quand il fait
semblant de traiter tous les candidats de la primaire LR de la même manière
alors qu’il a pris partie pour Sarkozy contre Juppé puis pour Fillon toujours
contre le même Juppé.
A voir les propos clairs et sans équivoque de ses
journalistes et de ses contributeurs, son positionnement à la droite de la
Droite est une évidence qu’il ne peut contester et qu’il ne conteste d’ailleurs
pas.
Qu’il soit donc un adversaire déterminé d’Emmanuel Macron
qui se revendique comme un social-libéral progressiste proche du Centre mais
aux racines de gauche, partisan d’une société ouverte – que des gros mots pour
Le Figaro! – n’est guère étonnant.
C’est donc plutôt pour l’exemplarité de son opposition au
leader d’En marche! qu’il est intéressant d’analyser son comportement et d’en
comprendre les motifs.
Prenons donc le numéro qui est paru aujourd’hui, 29 mars
2017 – mais on aurait pu prendre la plupart de ceux qui sont parus lors des
derniers mois.
Voyons d’abord le contenu.
- Pas moins de quatre attaques contre Macron sur la une: «Le
doute grandit sur le projet économique de Macron» (titre principal) avec le
chapô: «Selon plusieurs études, le projet d’En marche! ne relancera pas
l’économie et coûtera plus cher que prévu en raison des nombreuses dépenses
supplémentaires annoncées par le candidat»; «Immobile à grand pas, avec Macron
le rétablissement des comptes attendra» (éditorial); «Hollande-Macron: ‘je t’aime
moi non plus’» (accroche); «Mélenchon, Hamon, Macron: qui mobilise le plus à
gauche» (accroche).
- Sur la double-page 4-5 pas moins de quatre articles sur
les cinq pour attaquer Macron: «Macron tente d’imposer des règles à ses
soutiens» avec le chapô «Le leader d’En marche! s’efforce de dissiper les
doutes sur sa capacité à réunir une majorité s’il était élu président»; «Les
hollandais en ordre dispersé face à l’ex-conseiller du président»; «A Berlin,
le candidat Hamon ravit au leader d’En marche! le soutien de Schulz»; «Valls se
rapproche d’un ralliement (à Macron) sans grand entrain».
- Page 14 entièrement consacrée à «Hollande-Macron: ‘Je
t’aime, moi non plus’ avec le chapô «Inconnu il y a encore trois ans, le leader
d’En marche! doit beaucoup au chef de l’État, qui l’a nommé secrétaire général
adjoint de la présidence en 2012 avant d’en faire son ministre de l’Économie en
2014. Désormais, le favori de la présidentielle cherche par tous les moyens à
ne pas endosser le costume du dauphin de Hollande».
- Page 15 entièrement consacrée à «Mélenchon, Hamon, Macron:
qui mobilise le plus à gauche?» avec le chapô «Macron attire 40% des
sympathisants de gauche; Hamon et Mélenchon 30% chacun, selon les études de
l’institut OpinionWay. 45% des électeurs de Hollande disent aussi choisir le
candidat d’En marche!».
- Page 17 accroche pour le site internet Figaro-Vox «Fillon,
Macron: un traitement médiatique à deux vitesses».
- La une du Figaro économie: «Le projet de Macron sous le
feu des critiques» avec le chapô «Selon plusieurs instituts, le programme du
candidat d’En marche! n’est pas financé».
- Double page du Figaro économie: «Le projet économique de
Macron concentre les critiques» avec le chapô «Selon des instituts libéraux, le
programme du candidat d’En marche! n’est pas financé, multiplie les dépenses et
ne résorbera pas le déficit»; «Le candidat d’En marche! hésite sur le rythme des
réformes».
Quelle est la volonté du Figaro qui transparait dans tous
ces articles à charge où l’insinuation est particulièrement présente?
- De décrédibiliser le candidat d’En marche sur l’économie
qui est son point fort;
- De le faire constamment et systématiquement apparaître
comme un homme de gauche
- De le présenter comme un proche de François Hollande et
donc son successeur naturel;
- De montrer qu’il n’a pas la stature et les reins solides
pour diriger cette campagne et donc pour s’installer à l’Elysée;
- D’affirmer qu’il est le chouchou des médias (sauf, sans
aucun doute, du Figaro!).
Quel est le but?
- Détourner les sympathisants de droite modérée et surtout
ceux de Juppé de l’envie de voter pour Macron;
- Empêcher les militants centristes, notamment ceux de
centre-droit, de rejoindre Macron et empêcher les électeurs centristes de voter
en masse pour Macron;
- Ramener les électeurs potentiels de Fillon qui ont décidé
de s’abstenir aux buteaux de vote et d’inciter ceux qui vont voter blanc de
mettre un bulletin au nom du candidat LR dans les urnes;
- Faire en sorte que le seul «bon choix» possible pour ces
électeurs, ces sympathisants et ces militants se nomme François Fillon.
Pourquoi une telle artillerie peu subtile?
- Parce que le temps presse pour remettre en selle Fillon;
- Parce que Macron est toujours aussi haut dans les
sondages;
- Parce que Fillon est toujours aussi bas dans les sondages;
- Parce que les vraies affaires concernant Fillon continuent
à monter en puissance alors que les pseudo-affaires concernant Macron et
souvent générées ou reprises à satiété dans les pages du quotidien ont toutes
fait un flop.
Cette propagande (on ne peut plus vraiment appeler cela de l’information)
a-t-elle une chance de réussir?
A priori, c’est plus que douteux car toutes ces attaques simplistes,
cette rhétorique primaire et le contenu souvent peu sérieux des articles ne
vont que convaincre les convaincus, ceux qui de toute façon n’auraient pas voté
pour Macron et ne se seraient pas abstenus.
Pourquoi une manœuvre aussi grossière?
Ne pas faire dans la dentelle – un peu comme Le Monde mais,
ce dernier, pour décrédibiliser Macron sur sa gauche –, montre qu’il faut agir
vite, sans se poser la question d’une attaque habile et talentueuse.
Tout cela traduit, évidemment, une vraie angoisse de la
défaite, une grande peur que le candidat LR ne soit pas à ce second tour et
l’on sait que pour une partie de la Droite, la victoire de quelqu’un d’autre
que le représentant de son camp est vu comme illégitime.
Enfin, quand on dit que les centristes et les politiques positionnés
au centre ont deux fois plus d’ennemis que ceux de droite et de gauche parce qu’ils
ont la Droite et la Gauche contre eux, ce que j’ai dit sur Le Monde et ce que
je dis sur Le Figaro démontrent sans conteste cette réalité.
Jean-François Bourrou