Dans cette rubrique, nous publions les
points de vue de personnalités centristes qui ne reflètent pas nécessairement
ceux du CREC. Ces points de vue ont pour but d’ouvrir le débat et de faire
progresser la pensée centriste.
Jean-François Borrou est le pseudonyme
d’un journaliste proche des idées centristes et qui collabore épisodiquement à
cette rubrique. Ses propos sont les siens et non ceux du CREC.
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Emmanuel Macron et les journalistes |
Si Le Figaro a décidé de soutenir de toutes ses forces et
sans nuance aucune François Fillon et de taper continuellement sur Emmanuel
Macron, Le Monde, dans sa sempiternelle posture que certains qualifieront de
désormais hypocrite depuis les années où Edwy Plenel en est devenu le directeur
de la rédaction, se veut «objectif», ce qui fait beaucoup rire tous ceux qui
font profession de journalisme.
Ce n’est pas le fait que Le Monde ou Le Figaro n’aiment pas
Macron qui pose problème.
C’est leur droit le plus strict et leur liberté la plus
grande de le critiquer et de l’attaquer sans relâche.
Nous sommes en démocratie et la liberté d’opinion, d’expression
et de pensée est essentielle, de même que de la transcrire dans la presse.
Et cette liberté de la presse, base même de la démocratie,
n’est jamais négociable.
Ce n’est d’ailleurs pas ce que dit Le Monde ou ses prises de
position qui existent depuis toujours et que le quotidien a toujours tenté de
nier pour se poser en «journal de référence» qui est en cause.
Libre au quotidien et à sa rédaction de dire ce qu’ils ont
envie.
Le Monde n’est pas un service public d’information et
personne ne le lui demande sauf peut-être lui-même avec un manque évident d’humilité.
Néanmoins, en voulant apparaître impartial et être la référence
journalistique tout en le clamant haut et fort, il appelle les critiques et les
mises en cause quand ses pratiques ne correspondent en rien à profession de foi.
On ne refera pas l’histoire du quotidien depuis la
Libération ainsi que son tournant antisystème sous la baguette d’un Jean-Paul
Besset et de son poulain Edwy Plenel, ancien directeur de sa rédaction, deux
hommes d’extrême-gauche.
Mais en ne parlant que d’aujourd’hui, que de la manière dont
il traite des différentes personnalités politiques, prétendre qu’il n’est qu’un
organe de presse objectif est littéralement de se moquer de l’intelligence de
ses lecteurs.
Nicolas Sarkozy et François Hollande en savent quelque chose
et Hillary Clinton, si elle le lisait, ne serait pas loin d’en savoir tout
autant.
D’autant que quand on pointe du doigt son manque
d’objectivité ou même simplement d’équilibre dans ses critiques et dans ses
attaques, voilà qu’il rue dans les brancards, affirmant qu’on le diffame et que
sa déontologie ne peut être mise en question.
Et, dorénavant, de mettre Trump et son traitement inique des
journalistes et des médias pour montrer où tout cela mène si on ose le
critiquer.
Trump qui est d’ailleurs bien l’idiot bien utile à une
presse pas toujours exempte de reproches pour les balayer d’un revers de main.
Mais ce n’est pas parce qu’il y a un personnage aussi peu recommandable
que le président des Etats-Unis qui agit de manière aussi peu respectueuse et
responsable que, tout d’une coup, les journalistes retrouveraient une innocence
et une intégrité professionnelles alors que les dérives des médias ne sont plus
à démontrer.
Revenons au Monde.
Dans un rare article d’autosatisfaction et d’autojustification,
le «médiateur» du journal, alerté par les opinions différentes de ses lecteurs
sur le traitement réservé à Emmanuel Macron a récemment défendu l’honneur de sa
rédaction pour démontrer qu’ils agissaient en totale indépendance et
objectivité, affirmant que tout allait bien (et pour bien enfoncer le clou, le
quotidien a publié quelques jours plus tard une enquête intitulée «Les médias
pris dans la bataille de la présidentielle», dans laquelle il prend la défense
parfois surréaliste des gentils médias face aux méchants politiciens).
On pourrait bien sûr gloser sur le journal parfait qu’il
nous présente mais, en tant que journaliste, j’ai tellement entendu mes
confrères défendre ce point de vue jusqu’à la nausée que je ne préfère pas
ouvrir un tel débat où le corporatisme et l’absence de remise en cause sont
parfois affligeants.
Quand Le Monde est pris la main dans le sac, il est dans le
déni outragé et dans les techniques les plus primaires de la communication.
L’hostilité que le quotidien manifeste envers Macron
s’explique aisément par sa ligne éditoriale qui penche à gauche.
Ainsi, l’article du médiateur titre non pas «Le Monde
roule-t-il contre Macron?» mais, pour montrer qu’il n’est pas fautif dans ce
sens là, il est titré «Le Monde roule-t-il pour Macron?».
On notera cette rhétorique particulière qui est que lorsque
des attaques sont proférées à votre encontre, on en prend le contrepied en
réfutant d’être le contraire de ce que l’on vous accuse d’être…
Ainsi dans cet article, ce n’est pas la critique d’être
contre Macron qui en est le principal contenu mais celle d’être pro-Macron!
Un stratagème bien connu et qui ne trompera que celui qui le
voudra…
Or donc, l’hostilité à Macron
Trois exemples parmi tant d’autres.
Le premier: c’est sans doute la première fois que Le Monde
est d’accord avec Marine Le Pen et utilise un de ses arguments contre un homme
politique qui défend la démocratie et la république contre les attaques d’extrême-droite!
Ainsi dans le compte-rendu du débat de TF1 où les cinq
principaux candidats se sont affrontés, ce n’est une mais deux fois (!) que
Marine Le Pen est mise à contribution pour critiquer Macron avec, en plus, le
même argument…
Ainsi sous la plume du «service politique» on apprend que «l'attaque
la plus efficace contre M. Macron est sans doute intervenue en fin de débat. ‘Vous
avez parlé sept minutes, je suis incapable de résumer votre pensée, vous n'avez
rien dit. A chaque fois que vous prenez la parole, vous prenez un petit peu de
ceci et un petit peu de cela, et jamais vous ne tranchez’, a-t-elle lancé,
rejoignant une critique déjà émise par François Fillon».
Et ce même service politique de regretter, «Mais il était
déjà minuit passé».
Tout un art de l’«objectivité»!
D’autant que sous la plume d’un autre journaliste, le
quotidien enfonce le clou: «Marine Le Pen n'a pas tout à fait tort de lui dire,
‘vous parlez sept minutes, et je suis incapable de résumer votre parole. On ne
sait jamais ce que vous voulez’».
Et la réponse, toute en sympathie du journaliste: «Si, il
veut être président».
Ah, objectivité, quand tu nous tiens!
C’est aussi sans doute la première fois que sur une même
page du journal, la même attaque est reprise deux fois exactement dans les
mêmes termes.
Evidemment, la réponse d’Emmanuel Macron n’est pas citée.
Mais ce n’est pas tout.
L’éditorial du journal consacré au débat parle du «centriste
Emmanuel Macron, -novice, tour à tour incisif et fragile, mais trop soucieux de
ménager son électorat composite pour imposer une vision nette».
D’abord, on ne savait pas que Macron s’était défini comme
centriste puisqu’il dit même qu’il ne l’est pas et on tente de chercher où il a
été fragile et quand il a été soucieux de ménager son électorat et qu’elle
était sa vision floue…
Pas de réponse dans l’éditorial, en tout cas.
A côté, un papier d’un journaliste du quotidien nous apprend
que le positionnement des candidats de droite et de gauche, «contribue, à
l'évidence, au succès actuel de M. Macron».
Ce qui est évidemment négatif pour lui, puisque cela
provoque «la frustration de bon nombre d'électeurs qui redoutent d'être
condamnés à voter par défaut».
Traduction, le vote Macron n’est surtout pas un vote d’adhésion
mais un vote de rejet des autres.
Ce n’est pas ce que disent les sondages.
De plus, la dimension de voter pour le moins mauvais
traverse toutes les candidatures depuis que la démocratie existe et ne touche
pas plus Macron que d’autres.
Le deuxième: quand un sondage donne Macron devant Le Pen, Le
Monde titre «Macron pourrait arriver devant Marine Le Pen dès le premier tour».
Tout est dans le conditionnel.
Car quand Macron est en baisse dans un sondage, le même
Monde titre «Macron plafonne», sans aucun conditionnel…
Il y a donc des sondages plus respectables que d’autres pour
Le Monde.
Encore faudrait-il nous expliquer pourquoi si tel est le cas
ce que les journalistes du quotidien ne font évidemment pas.
Le troisième: un article parmi tant d’autres du journaliste
qui suit la campagne de Macron (j’ai pris un des plus récents).
Le candidat d’En marche! est en déplacement à Reims en
compagnie de François Bayrou.
Le journaliste présente ce dernier comme la nouvelle
éminence grise d’Emmanuel Macron ce qui n’est évidemment pas innocent lorsque l’on
sait l’antipathie que le président du Mouvement démocrate suscite tant à droite
qu’à gauche et même au centre.
D’ailleurs, le titre de l’article est «Bayrou, l’homme qui
parle à l’oreille de Macron» et qui sans doute dit à ce jeunot comment faire de
la politique…
De même, comme à son habitude et dans tous ses articles, il
va placer le mot «banquier» rappelant sans cesse que Macron en fut un.
Si l’on prend les professions que les Français n’aiment pas,
banquier est dans le peloton de tête, sans oublier que ces mêmes Français ont
un problème avec l’argent.
Ici, c’est à l’électeur de gauche qu’il s’adresse en
particulier (mais pas seulement lui) car Jean-Luc Mélenchon et surtout Benoit
Hamon se sont fait une spécialité d’attaquer Emmanuel Macron en le traitant de
candidat de l’argent pour le salir.
Evidemment, le journaliste qui est un grand professionnel
comme l’explique le médiateur du quotidien, ne sait sans doute pas que le mot «banquier»
n’est jamais innocent dans un article sur Macron.
Et c’est totalement par hasard que jamais l’on ne cite
systématiquement la profession des autres candidats.
A la fin de son article, le journaliste devient d’une grande
perfidie puisqu’il met en regard la volonté de renouvellement de la vie
politique de Macron et l’âge de certaines des personnalités qui étaient auprès
de lui à Reims, égrenant leur nom et leur âge dans une liste assez indécente…
Mais sans doute qu’il n’est jamais allé au siège de campagne
du candidat d’En marche! pour constater la moyenne d’âge de ceux qui
travaillent avec lui.
Enfin, bien entendu, par rapport au débat qui s’est tenu
hier, c’était évidemment Macron qui avait le plus à perdre comme le disait le
quotidien avant qu’il se déroule.
Pas Fillon ou Le Pen englués dans leurs affaires et leurs
mises en examen (Le Pen l’ayant été si elle s’était rendue à la convocation de
la justice)?
Pas Hamon ou Mélenchon (dont les candidatures ne décollent
pas)?
Pourquoi?
Et dans son édition d’aujourd’hui, le quotidien «oublie» de
faire mention des deux sondages qui disent que les Français ont trouvé Macron largement
le plus convaincant lors de ce débat.
Ah, quand les sondages ne disent pas ce que vous voulez
entendre…
Oui, je le redis, Le Monde n’aime pas Macron.
Oui, je le réaffirme, c’est son droit le plus strict.
Non, ce n’est pas très honnête de dire le contraire et de
jouer les indignés quand on le dit.
Et quand on le démontre?
Jean-François Bourrou