Alain Juppé & Emmanuel Macron |
Mais où sont les centristes dans cette élection présidentielle?
En tout cas ceux qui font partie des formations centristes
ou des ailes centristes à l’intérieur de partis de droite ou de gauche.
C’est une bonne question tant on ne sait plus trop dans
quels camps ils se trouvent à quelques semaines du premier tour de l’élection
présidentielle.
Il y en a essentiellement chez François Fillon et chez
Emmanuel Macron.
Il y en avait eu, lors de la primaire LR, chez le premier
nommé, chez Sarkozy, chez Juppé, chez Le Maire, chez Koscuisko-Morizet et déjà
chez Macron ainsi que nulle part (Jean-Louis Borloo).
De même, lors de la primaire PS, il y en avait chez Valls,
chez de Rugy, chez Bennahmias et toujours chez Macron ainsi que nulle part…
Après ces deux primaires, il y en a eu aussi du côté de François
Bayrou qui après avoir soutenu Juppé et avant de soutenir Macron, se demandait
s’il n’allait pas se présenter.
Pour un courant politique, cela fait un peu désordre –
d’autant qu’électoralement parlant, il n’est pas au plus haut – mais n’est
guère nouveau puisque l’on trouve des centristes au Mouvement démocrate, à l’UDI
qui n’est qu’une confédération de partis qui regroupent principalement Les
centristes (anciennement Nouveau centre), l’Alliance centriste, la Fédération européenne
démocrate (FED) et le Parti radical.
Mais il y en a aussi aux Radicaux de gauche mais aussi au
Parti écologiste, à l’Union des démocrates et écologistes (UDE), mais aussi à
Les républicains et au Parti socialiste…
Quoi qu’il en soit, ceux qui se sont empressés d’affirmer
que les centristes étaient quasiment tous derrière Emmanuel Macron ou tous ceux
qui disaient qu’ils étaient quasiment tous derrière François Fillon,
racontaient n’importe quoi, soit pour donner de l’importance à leur candidat
préféré, soit pour l’affaiblir!
Car, même si la candidature de Macron est complètement
centro-compatible (ce que n’est pas celle de Fillon), le leader d’En marche! ne
se reconnait pas en centriste (même s’il l’est plus ou moins) mais plutôt en
progressiste réformateur dont les racines sont à gauche.
Pour autant, la situation pouvait être plus ou moins
clarifiée même si elle demeurait mouvante à ses marges.
Avec Macron, le MoDem de François Bayrou et une minorité
non-négligeable et en constante augmentation de membres en rupture de banc avec
l’UDI ainsi que les centristes du PS, de l’UDE et du Parti écologiste, de même
que quelques uns de LR.
Avec Fillon, la majorité de l’UDI et de celle des centristes
de LR.
Voilà une répartition qui semblait actée jusqu’à la
présidentielle.
Et puis il y a eu le Pénélope Gate. (du nom de la femme de
François Fillon)
Au fur et à mesure que cette affaire de détournement de
fonds publics impactait négativement la campagne du candidat LR, nombre de
membres de l’UDI ont rejoint les rangs des soutiens d’Emmanuel Macron sans pour
autant faire bouger les dirigeants de la confédération centriste même si leur
position devenait de plus en plus intenable.
Et puis il y a eu l’annonce par François Fillon lui-même de sa
prochaine mise en examen.
Ce qui a de nouveau provoqué des chamboulements dans le
paysage politique, en particulier chez
les centristes.
Désormais, on en trouve encore chez Fillon (mais de moins en
moins), toujours chez Macron (de plus en plus), à nouveau chez Sarkozy (un peu)
et chez Juppé (beaucoup) ainsi que toujours nulle part...
Une situation ubuesque, peu à la gloire des partis et des
personnalités centristes mais qui va peut-être connaître un nouveau
chamboulement si LR parvient à se débarrasser de Fillon et à mettre à la place
Juppé.
Si le maire de Bordeaux devient le candidat de LR à la
présidentielle, il va y avoir un vrai casse-tête chez nombre de centristes,
surtout de ceux qui ont rejoint Emmanuel Macron comme, par exemple, François
Bayrou.
Parce que le programme de Juppé ainsi que sa personne sont depuis
toujours centro-compatible (même si elles le sont moins que celui et celle de
Macron).
Surtout, les liens entre Alain Juppé et les centristes sont plus anciens et plus profonds
que ceux qui se sont tissés entre ces derniers et Emmanuel Macron.
Pour autant, doit-on s’attendre à une transhumance inverse
avec le retour vers Juppé des soutiens centristes actuels de Macron?
Sans doute que quelques uns le feront mais il ne devrait pas
y en avoir autant que cela.
Tout simplement parce que l’annonce de la candidature
d’Alain Juppé sera certainement un électrochoc politique mais celui-ci risque
de ne pas durer et de ne rien régler au fond.
Il faut imaginer le chaos que cela provoquera à LR avec des
haines, des rancunes et des inimitiés qui ne pourront pas cohabiter ensemble
jusqu’en avril.
Sans oublier que le programme à soutenir changera totalement
ce qui provoquera quelques grincements de dents voire de ruades contestataires.
Sans parler des questions de personnes et des places
promises aux uns et aux autres par Fillon alors que Juppé arrivera avec les
siens et ses promesses qu’il leur a faites.
De même, la place des centristes – alors même qu’aucun
accord n’est encore signé en LR et l’UDI pour les législatives – sera l’objet
de nouvelles tractations (ce serait bête que l’UDI ne profite pas du désarroi
de LR pour grappiller encore plus de circonscriptions gagnables) alors que le
temps ne jouera pas en faveur d’une candidature Juppé et d’une position ferme
de LR envers son «alliée naturelle».
Enfin, le programme dévoilé par Macron, sa dynamique
actuelle et son potentiel d’avenir le rendent bien plus séduisant qu’un Juppé,
vieux combattant de la politique, de surcroit le perdant d’une primaire qu’il a
fallu repêcher au dernier moment face aux comportements erratiques de son
vainqueur.
On a connu des candidats plus sexy politiquement parlant…
Néanmoins, si Alain Juppé est le candidat LR, il y aura donc
deux candidats de l’axe central (de la droite réformiste à la gauche réformiste
en passent par le Centre) qui vont se faire concurrence.
Ce qui peut être une bonne nouvelle pour les centristes qui
auront, si l’on en croit les sondages, quoi qu’il arrive, un président
centro-compatible à l’Elysée lors des cinq prochaines années et qui pourront
alors fêter «leur» victoire.
On comprend bien que Macron vainqueur tendra la main aux
centristes de Juppé et que Juppé vainqueur fera de même avec les centristes de
Macron, ce qui pourrait amener à une réunion des centristes, non pas sous leur
propre bannière mais en soutien d’un président qui n’est pas de leur camp (et
qui volera en éclat après le mandat de celui-ci, évidemment…).
Mais, si tout déraille, cela peut être une bonne nouvelle
pour Marine Le Pen ou Benoit Hamon.
Mais alors pas du tout pour les centristes qui de futurs
vainqueurs annoncés par les médias, seront peut-être les dindons d’une farce,
pétrin dans lequel ils se seront mis eux-mêmes.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC