Affiches de François Bayrou en 2012 |
Si jamais François Bayrou ne se présente pas à l’élection
présidentielle, ce ne sera certainement pas par un manque d’envie.
Le président du Mouvement démocrate, en effet, multiplie les
déclarations sur les plateaux télé, les studios radio et dans les colonnes de
la presse écrite où il évoque constamment son amour de la présidentielle et son
goût pour la bataille politique ainsi que son devoir d’aller sauver la France.
Il veut y aller, c’est une évidence, et il fera tout pour
cela.
Reste que sa situation n’est pas idyllique pour une
quatrième candidature de sa part.
Il n’a guère de parti structuré pour le soutenir et,
surtout, il ne dépasse plus les 5% d’intentions de vote dans les sondages.
Seules les tribunes offertes généreusement par les médias
lui permettent de faire passer son message (nous ne sommes pas encore dans le
décompte des temps de parole puisque la campagne officielle n’a pas débuté).
Cependant, ce n’est sans doute pas ce qui l’arrêtera car il
estime qu’il existe une opportunité extraordinaire pour lui et qu’elle risque
de ne jamais se représenter.
D’autant que s’il peut espérer pouvoir se présenter dans
cinq ans, l’âge est malgré tout en train de le rattraper (et Macron sera sans
doute encore là…).
C’est donc un pari insensé qu’il s’apprête à prendre sauf
événement particulier qui le conduirait à renoncer comme un naufrage dans les
sondages ou la candidature d’Alain Juppé.
Sur quoi s’appuie ce pari:
- Le discrédit de François Fillon, que celui-ci se présente
ou non car les journalistes n’ont pas compris qu’en demandant que le candidat
de LR se retire, Bayrou ne souhaite pas forcément qu’il le fasse réellement!
Si Fillon se retire, un espace politique s’ouvre mais
celui-ci n’est pas favorable au président du MoDem puisque constitué
majoritairement par des électeurs de droite et de droite radicale.
En revanche, si Fillon demeure candidat, Bayrou peut espérer
rallier à lui toute cette frange de l’électorat de droite modérée, celle qui
était derrière Juppé, et qui est écœurée de voir les mensonges et les
malhonnêtetés de l’ancien premier ministre de Sarkozy, d’autant qu’il a pris la
place qui était, selon eux, réservée depuis longtemps à leur favori.
C’est pourquoi François Bayrou attaque sans cesse François
Fillon avec des termes très durs et des propos définitifs, se présentant
désormais comme le meilleur ennemi de ce dernier tout comme il l’avait été de
Nicolas Sarkozy.
En quelque sorte, Fillon a remplacé Sarkozy dans la
stratégie politique de Bayrou qui a besoin de repoussoirs pour enclencher une
dynamique électorale.
- La critique systématique et le soupçon constant à propos
d’Emmanuel Macron sans pour autant aller jusqu’à une critique définitive.
François Bayrou est une des principales personnalités
politiques qui alimentent constamment le «Macron bashing».
Dans toutes ses interventions, il met en doute la capacité
du fondateur d’En marche! de gouverner, l’absence de son programme, ses
possibles liens avec la finance internationale, etc.
Mais il bénéficie également dans ce domaine des attaques
constantes venues de la Gauche et de la Droite qui tentent, sans grand succès
jusqu’à présent, de déstabiliser la candidature Macron pour mieux la détruire
ensuite.
Ainsi que de la volonté de Fillon et de Hamon de le mettre
Bayrou dans les pattes de celui qui est à l’heure actuelle le favori de la
présidentielle...
Cependant, Bayrou ne peut pas exprimer tout le mal qu’il
voudrait dire sur Macron (et qu’il pense peut-être) parce qu’une grande partie
de son électorat qu’il doit récupérer s’il veut avoir une chance de l’emporter
en mai prochain est séduite par l’ancien ministre de l’économie et s’apprête
pour un pourcentage très important à voter pour lui.
Dès lors, faire des attaques en-dessous de la ceinture
pourrait être compris par ces électeurs comme une simple jalousie doublée d’une
unique ambition personnelle.
- Un discours catastrophique et le besoin d’un changement
radical dont il prendrait le leadership, bien entendu.
François Bayrou décrit la situation de la France, tant
socialement, économiquement, sociétalement, et politiquement, en des termes
catastrophistes qui appelle un sursaut qu’il veut incarner.
Les références à de Gaulle ainsi qu’à des personnalités
fortes qui se sont imposées à des époques troublées sont évidemment là pour
appuyer ce discours.
Cependant, Bayrou doit faire attention que ses propos ne
profitent pas à Emmanuel Macron!
Car la stature d’homme providentiel est plutôt accolée à ce
dernier par les Français.
C’est pourquoi, dans les interviews, il reproche à Macron de
se présenter comme une sorte de Messie alors que lui-même a besoin d’une telle
image pour solidifier et crédibiliser sa candidature.
Enfin, il ne faut jamais oublier que si François Bayrou prend
ce pari insensé c’est parce qu’il sait également qu’il n’existe politiquement
que par la présidentielle.
Il n’a pas encore décidé d’être une sorte de sage
autoproclamé qui viendrait dire ce qui est bon pour le pays dans les médias.
Il veut encore croire à son destin parce que cette croyance
le maintien en vie politiquement parlant.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC