dimanche 12 février 2017

Une Semaine en Centrisme. Le pari insensé de François Bayrou

Affiches de François Bayrou en 2012
Si jamais François Bayrou ne se présente pas à l’élection présidentielle, ce ne sera certainement pas par un manque d’envie.
Le président du Mouvement démocrate, en effet, multiplie les déclarations sur les plateaux télé, les studios radio et dans les colonnes de la presse écrite où il évoque constamment son amour de la présidentielle et son goût pour la bataille politique ainsi que son devoir d’aller sauver la France.
Il veut y aller, c’est une évidence, et il fera tout pour cela.
Reste que sa situation n’est pas idyllique pour une quatrième candidature de sa part.
Il n’a guère de parti structuré pour le soutenir et, surtout, il ne dépasse plus les 5% d’intentions de vote dans les sondages.
Seules les tribunes offertes généreusement par les médias lui permettent de faire passer son message (nous ne sommes pas encore dans le décompte des temps de parole puisque la campagne officielle n’a pas débuté).
Cependant, ce n’est sans doute pas ce qui l’arrêtera car il estime qu’il existe une opportunité extraordinaire pour lui et qu’elle risque de ne jamais se représenter.
D’autant que s’il peut espérer pouvoir se présenter dans cinq ans, l’âge est malgré tout en train de le rattraper (et Macron sera sans doute encore là…).
C’est donc un pari insensé qu’il s’apprête à prendre sauf événement particulier qui le conduirait à renoncer comme un naufrage dans les sondages ou la candidature d’Alain Juppé.
Sur quoi s’appuie ce pari:
- Le discrédit de François Fillon, que celui-ci se présente ou non car les journalistes n’ont pas compris qu’en demandant que le candidat de LR se retire, Bayrou ne souhaite pas forcément qu’il le fasse réellement!
Si Fillon se retire, un espace politique s’ouvre mais celui-ci n’est pas favorable au président du MoDem puisque constitué majoritairement par des électeurs de droite et de droite radicale.
En revanche, si Fillon demeure candidat, Bayrou peut espérer rallier à lui toute cette frange de l’électorat de droite modérée, celle qui était derrière Juppé, et qui est écœurée de voir les mensonges et les malhonnêtetés de l’ancien premier ministre de Sarkozy, d’autant qu’il a pris la place qui était, selon eux, réservée depuis longtemps à leur favori.
C’est pourquoi François Bayrou attaque sans cesse François Fillon avec des termes très durs et des propos définitifs, se présentant désormais comme le meilleur ennemi de ce dernier tout comme il l’avait été de Nicolas Sarkozy.
En quelque sorte, Fillon a remplacé Sarkozy dans la stratégie politique de Bayrou qui a besoin de repoussoirs pour enclencher une dynamique électorale.
- La critique systématique et le soupçon constant à propos d’Emmanuel Macron sans pour autant aller jusqu’à une critique définitive.
François Bayrou est une des principales personnalités politiques qui alimentent constamment le «Macron bashing».
Dans toutes ses interventions, il met en doute la capacité du fondateur d’En marche! de gouverner, l’absence de son programme, ses possibles liens avec la finance internationale, etc.
Mais il bénéficie également dans ce domaine des attaques constantes venues de la Gauche et de la Droite qui tentent, sans grand succès jusqu’à présent, de déstabiliser la candidature Macron pour mieux la détruire ensuite.
Ainsi que de la volonté de Fillon et de Hamon de le mettre Bayrou dans les pattes de celui qui est à l’heure actuelle le favori de la présidentielle...
Cependant, Bayrou ne peut pas exprimer tout le mal qu’il voudrait dire sur Macron (et qu’il pense peut-être) parce qu’une grande partie de son électorat qu’il doit récupérer s’il veut avoir une chance de l’emporter en mai prochain est séduite par l’ancien ministre de l’économie et s’apprête pour un pourcentage très important à voter pour lui.
Dès lors, faire des attaques en-dessous de la ceinture pourrait être compris par ces électeurs comme une simple jalousie doublée d’une unique ambition personnelle.
- Un discours catastrophique et le besoin d’un changement radical dont il prendrait le leadership, bien entendu.
François Bayrou décrit la situation de la France, tant socialement, économiquement, sociétalement, et politiquement, en des termes catastrophistes qui appelle un sursaut qu’il veut incarner.
Les références à de Gaulle ainsi qu’à des personnalités fortes qui se sont imposées à des époques troublées sont évidemment là pour appuyer ce discours.
Cependant, Bayrou doit faire attention que ses propos ne profitent pas à Emmanuel Macron!
Car la stature d’homme providentiel est plutôt accolée à ce dernier par les Français.
C’est pourquoi, dans les interviews, il reproche à Macron de se présenter comme une sorte de Messie alors que lui-même a besoin d’une telle image pour solidifier et crédibiliser sa candidature.
Enfin, il ne faut jamais oublier que si François Bayrou prend ce pari insensé c’est parce qu’il sait également qu’il n’existe politiquement que par la présidentielle.
Il n’a pas encore décidé d’être une sorte de sage autoproclamé qui viendrait dire ce qui est bon pour le pays dans les médias.
Il veut encore croire à son destin parce que cette croyance le maintien en vie politiquement parlant.

Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC


Présidentielle 2017. «Macron bashing»: quand la Gauche et de la Droite s’allient pour se débarrasser de Macron

Que ce soit dans la bouche de François Fillon ou de Benoit Hamon, dans les colonnes du Monde ou du Figaro, dans celles de l’Obs ou de Valeurs actuelles, la Gauche et la Droite profèrent exactement les mêmes attaques contre Macron et ont la même stratégie pour s’en débarrasser.
Si cette situation peut en étonner certains, il n’en sera pas le cas pour tout centriste qui sait qu’un positionnement au centre ou du Centre vous fait avoir deux fois plus d’ennemis qui viennent à la fois de votre droite et de votre gauche.
En cela, il suffit de se rappeler la récente campagne présidentielle aux Etats-Unis où la candidate centriste a été attaquée durement, à la fois, sur sa droite, par Donald Trump, et, sur sa gauche, par Bernie Sanders.
Et le candidat au centre lors de la présidentielle de 1981, Valéry Giscard d’Estaing, a reçu autant de coups de la part de la Droite avec Jacques Chirac que de la part de la Gauche avec François Mitterrand.
Emmanuel Macron, candidat de l’axe central, du «ni gauche, ni droite» (qui est un positionnement centriste) et du progressisme contre tous les conservatismes de droite et de gauche entre donc parfaitement dans le profil du candidat pris sous deux feux simultanés.
En revanche, ce qui est nouveau c’est la similitude des stratégies venues de la Droite et de la Gauche.
Les principaux axes des attaques contre Macron sont:
- Il n’a pas de programme;
- Il n’a pas les reins assez solides et va s’effondrer;
- Il est le candidat de la finance.
- Il est un candidat déguisé  en candidat de droite alors qu’il est de gauche et en candidat de gauche alors qu’il est de droite;
Dans le même temps, on tente de lui mettre la candidature de Bayrou dans les pattes – les invitations multiples dans les médias du président du MoDem alors qu’il n’est qu’à 5% des intentions de vote en témoignent –, lui qui ne prendra pas de voix à Fillon ou Hamon, sauf à l’extrême marge, mais à Macron.
Sans évidemment oublier toutes les insultes et les mensonges proférés sur internet.
Bien évidemment, ces feux croisés et ce tir de barrage de cette coalition droite-gauche vient de ce qu’Emmanuel Macron est crédible auprès des Français et, surtout, qu’il fait pour l’instant la course en tête (qualifié pour le second tour où il bat largement la candidate d’extrême-droite, Marine Le Pen).
C’est pourquoi cette «alliance objective» entre Fillon et Hamon (et leurs supplétifs, Le Pen et Mélenchon), entre Le Figaro et Le Monde, entre l’Obs et Valeurs actuelles ainsi que sur internet et la blogosphère entre militants de droite et de gauche ne va, non seulement, pas disparaître mais va s’intensifier si Emmanuel Macron continue à monter dans les sondages et plus le jour de l’élection approchera.
Mais ce qui peut être inquiétant pour le fondateur d’En marche!, c’est que ni Hillary Clinton en 2016, ni Valéry Giscard d’Estaing en 1981, n’ont gagné, emportés tous deux par cette alliance objective.
De même, les candidatures solides de centristes comme celles de Raymond Barre en 1988 ou de François Bayrou en 2007 se sont fracassées sur ce tir de barrage.


Alexandre Vatimbella



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