François Bayrou
brûle de se présenter à l’élection présidentielle, ce n’est plus un secret pour
personne.
Néanmoins, le
président du MoDem hésite car il n’a pas réussi, pour l’instant, à créer une
dynamique suffisante autour de lui, les sondages plafonnant à un décevant 5% d’intentions
de vote.
Surtout, il ne
parvient pas à se construire un espace politique qui lui permettrait de donner
une identité et une épaisseur à sa quatrième campagne.
La rigueur a été
prise par Fillon et l’humanisme équilibré et centriste par Macron.
On sait que lors de
ses précédentes candidatures, il avait navigué entre le Centre et la Gauche, l’ouverture
humaniste au monde et un nationalisme gaullien, entre une stricte morale
chrétienne et une défense intransigeante de la laïcité, entre la modernité et
la sublimation des terroirs, entre la critique de la classe politique et la chasse
à la démagogie, entre se présenter en centriste ou en homme au-dessus des
partis et positionné «ailleurs».
Ces ambiguïtés lui
ont parfois permis, comme en 2007, d’être une des têtes d’affiche de la
présidentielle face aux deux candidats controversés d’alors, Nicolas Sarkozy à
droite et Ségolène Royal à gauche.
En revanche, cela
ne lui a pas permis d’être à nouveau dans une dynamique électorale en 2012.
Cependant, Bayrou
estime que 2017 est propice à ce positionnement fluctuant où émergent toutefois
quelques permanences.
Parmi ces dernières,
il y a cette fameuse lutte contre les puissances d’argent dans un discours
récurrent qui na rien à envier à celui de Jean-Luc Mélenchon, sauf qu’il prend
ses racines dans le catholicisme et une vision traditionnaliste de la
démocratie-chrétienne, et non dans le marxisme et de trotskysme.
Ses attaques en ce
sens vis-à-vis d’Emmanuel Macron, dont le tort selon lui est d’avoir été
banquier (alors même qu’un de ses plus proches sympathisants est l’ancien
président de Suez, de la banque Stern et du Crédit Lyonnais, Jean Peyrelevade!),
et désormais de François Fillon, englué de plus en plus dans des affaires où l’argent
est le maître-mot, ne sont pas, de ce point de vue, opportunistes mais
ressortent d’une certaine constance de voir l’argent comme un mal intrinsèque.
Pour autant, leur
virulence actuelle s’apparente à du populisme, sans remettre en cause la
véracité de ce qui est reproché à Fillon (il n’y a pas, pour l’instant, de
faits avérés reprochés à Macron dans ce domaine).
Car, cette
dénonciation de l’argent n’est pas simplement la parole d’un sage ou d’un
moraliste mais bien d’un homme politique engagé, qui veut se confronter à ceux
qu’il accuse d’être inféodés aux puissances financières et qu’il en fait,
surtout, un argument pour se présenter et mener campagne pour la
présidentielle.
Qu’on en juge:
Après avoir traité Emmanuel Macron de candidat du «mur de l’argent»,
des «forces de l’argent», des «intérêts financiers», de «l’hyper-capitalisme»,
le voilà qui s’en prend à François Fillon: «Jamais dans l’histoire de la
République, un candidat aux plus hautes fonctions, à la présidence de la
République, n’a été ainsi sous l’influence des puissances d’argent».
Et d’ajouter: «Si vous jetez un coup d’œil sur l’ensemble du
champ politique aujourd’hui, vous verrez que l’argent s’insinue partout, qu’il
y a de très gros moyens déployés».
Ce qui fait écho à une précédente déclaration où il
affirmait que «l’argent aujourd’hui gouverne tout!».
On voit bien, dès
lors, que s’il se décide à se présenter, il sera le candidat «antisystème» que
tous veulent plus ou moins incarnés actuellement, le candidat «main propre» et
de la morale, celui des «petits» contre les représentants des «puissants» et de
l’avidité.
Tout cela s’apparente
à du populisme, notamment lorsqu’il déclare à propos du personnel politique, «C'est
le clapotis de la décadence. Ils se tiennent les uns les autres, car, au fond,
leur intérêt est le même: perpétuer un système qui ne fonctionne plus, quoi
qu'il advienne de la France».
Ou quand on l’écoute
expliquer pourquoi François Fillon devrait renoncer à se présenter: «Les
Français pensent – et je pense comme eux – qu’il n’a pas d’autre solution que
celle-là pour retrouver un débat qui soit à la hauteur. J’entends bien les
arguments évoqués, les arguments de droit: la justice dira ce qu’il en est
quant à l’atteinte au droit. Mais tous les Français savent qu’il y a eu atteinte
à la décence. On ne peut pas se présenter avec un programme qui demande des
sacrifices à tout le monde, notamment à ceux qui sont en bas de la pyramide, à
ceux qui ont le plus de difficultés, et réserver les privilèges à ceux qui sont
dans des situations protégées et de pouvoir. Ceci rend impossible une
candidature, une campagne.»
Reste à savoir si
cette inflexion populiste chez François Bayrou lui permettra de se présenter,
en prenant ses «responsabilités» comme il le dit, surtout si elle lui offrira
cet espace politique nécessaire pour espérer bien y figurer.
Bien entendu, en
cette période où le discours antisystème séduit une partie de la population, il
peut sans doute nourrir quelques espérances.
Mais, à côté du
populisme de gauche (Mélenchon) et de droite (Le Pen), y a-t-il un populisme du
Centre?
Si on a bien
entendu quelques propos de ce type et une démarche de contourner le système
chez Macron, Centre et populisme semblent vraiment antinomiques.
De plus, le leader
d’En marche n’en fait plus actuellement son fonds de commerce et quoi qu’en
puisse penser François Bayrou de lui-même, il n’est pas un «outsider», un homme
en dehors du système, mais bien un «insider», un homme issu directement du
système.
D’où sans doute une
certaine difficulté qu’il aura à pouvoir installer une image de Don Quichotte
dans l’opinion.
Force est de constater qu’il n’y a pas, pour l’instant, le
moindre frémissent en faveur de sa candidature sauf dans le monde
médiatico-politique où, comme en 2007, les journalistes semble lui donner
toutes les tribunes nécessaires pour le crédibiliser.
On verra rapidement si cela lui permettra de se jeter dans
la bataille.
Mais on ne peut, non plus, exclure que les propos de
François Bayrou, comme ce fut le cas lors de la primaire de LR, soit un ciment
pour la Droite dans leur rejet de leur contenu et, surtout, de celui qui les
tient.
Ce qui ne serait pas un service rendu aux Français…
Alexandre
Vatimbella
A lire aussi: